Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Coup d'accélérateur dans l'agenda du processus des présidentielles. Pressé de couper l'herbe sous le pied d'une contestation sociale, qui continue à faire tache d'huile, le palais vient de décider d'abréger le faux suspense des délibérations du Conseil constitutionnel. C'est ainsi qu'avec 4 jours d'avance sur la date prévue (17 mars) celui-ci a conclu ses travaux jeudi par un communiqué validant six candidatures, dont celle de Bouteflika. Au même moment, l'on a procédé en haut lieu à une opération de permutation dans les missions et au retour des vieux briscards. D'abord Sellal n'est plus qu'un «ex» et retrouve sa vocation de directeur de campagne alors que Belkhadem et Ouyahia sont réhabilités à travers les fonctions respectives de ministre d'Etat conseiller auprès du Président et ministre d'Etat chef de cabinet à El-Mouradia. Quant à Yousfi il récupère le poste formel de Premier ministre, mais par intérim seulement. Dans les conditions normales d'une élection la reconfiguration du staff d'un président-candidat n'aurait certainement rien de singulier, sauf que ce n'est guère le cas pour celle qui nous attend. Violemment belliqueux dans les propos, les caciques qui constituent sa coterie s'apprêtent effectivement à verrouiller dans le sens de leurs intérêts toutes les issues à l'expression publique. C'est ainsi, qu'après avoir donné ordre aux services de sécurité de traquer et écraser dans l'œuf les manifestations de l'indignation citoyenne, ils réquisitionnent la maré chaussée pour fermer une chaîne de télévision privée. Comme il ne fait aucun doute sur l'origine du commanditaire de cette censure, la presse doit d'ores et déjà se préparer à subir d'autres pressions et autant d'assauts de la part de ce gangstérisme d'Etat. Dans ce domaine, d'ailleurs, il y eut déjà des précédents que certains journaux ont eu à vivre douloureusement dans un contexte identique. Les élections de 2004 n'ont-ils pas servi de prétexte à ce même pouvoir pour suspendre pas moins de six quotidiens, dont le Soir d'Algérie. De cette époque, marquée notamment par la critique du bilan politique de Bouteflika au cours de son premier mandat, le régime en a conçu plus que de la méfiance vis-à-vis d'une «certaine presse». Il s'était depuis donné pour objectif de contenir la liberté d'expression à travers un arsenal de codes de la profession mais qui en réalité se déclinaient sur le mode du pénal. C'est ainsi que par jésuitisme politique il réactive le reproche de sa partialité dans le traitement des faits et le commentaire alors qu'au même moment il s'approprie des moyens colossaux de l'Etat pour conduire sa propre promotion. En la matière, l'apothéose dans cette pratique a été atteinte en 2009 avec son recours à une corruption électorale sans pareille. Face au torrent de boue qui depuis quelques années éclabousse le sommet de l'Etat et de surcroît l'hypothèque médicale qui concerne sa personne, la presse est justement dans son rôle de donneur d'alerte pour expliquer ce qui se trame au détriment du pays. Il est vrai que ce qui s'écrit et se dit dérange ce dessein et relève souvent et clairement d'un choix éditorial. Ce parti-pris totalement assumé a une raison. Celle qui est motivée par un scrupule et une éthique patriotiques. Eh bien oui, malgré le lyrisme de ces vocables, l'objectivité de la presse ne se mesure pas seulement à travers une égalité de traitement entre les protagonistes d'une élection au moment où la forfaiture tapie suit derrière avant de réaliser le hold-up politique. Le régime en place, ayant depuis longtemps établi une sorte de distinguo parmi les tonalités des journaux, n'avait-il pas décrété qu'il existait une «presse amie» et une autre «hostile» ? Sa recension qui a abouti à mettre dans des cases les publications n'est pas en soi répréhensible ou plutôt discriminatoire. Elle serait plutôt perçue par la profession comme un bon indicateur de cette diversité d'opinion. Mais alors comment doit-il expliquer ou justifier l'écran noir d'ALATLAS-TV à laquelle il reprochait de relayer des opinions contraires ? Contraires à quoi ? A ses desiderata ? C'est dire donc que les mandataires de Bouteflika se sont érigés également en inquisiteurs de la liberté d'expression, au nom de leur bonne cause. Ainsi, avant même que la campagne ne s'ouvre, ils intimident en donnant à voir leur capacité de nuisance. Jusqu'où iront-ils... trop loin en recourant à ce genre de descente policière dans les rédactions ? On le saura bientôt, c'est-à-dire après le 17 avril. Mais ce que l'on sait d'ores et déjà avec certitude, c'est que la riposte de la presse est parfaitement contenue dans les analyses et les révélations quotidiennes qu'elle livre à l'opinion. Or, cela s'appelle la panique. Car lorsqu'un régime arrive à cette extrémité dans le seul but de s'imposer à perpétuité, il fait la preuve qu'il lui manque les deux béquilles essentielles : celle de l'adhésion de l'électeur et surtout celle de sa probité, mise à mal par les scandales. «Un gouvernement que l'on soutient est un gouvernement qui tombe», disait Clémenceau. Ceci est également valable pour le nôtre qui en est réduit à museler les opposants et faire du porte-à-porte pour acheter des soutiens.