Le Maroc est sur le point de légaliser la culture du cannabis. C'est du moins ce qui ressort de la démarche initiée par le Parti de l'authenticité et modernité (PAM) qui, selon des sources médiatiques, «travaille sur un projet de loi prévoyant une amnistie pour les 48 000 cultivateurs de cannabis recherchés et qui vivent en «semi-clandestinité». Ce pas franchi, le royaume chérifien passe du stade de la tolérance à la légalisation. Abder Bettache - Alger (Le Soir) Il y a quelques mois, le ministère de l'Intérieur marocain a recensé près de 90 000 ménages, soit plus de 700 000 Marocains, qui vivraient de la culture du cannabis dans le Rif. La même source a ajouté que le PAM, qui avait suscité à l'automne 2013 un débat au sein du Parlement sur le cannabis thérapeutique, a organisé une rencontre inédite avec quelque «2 000 cultivateurs», en présence d'ONG et de membres d'autres partis politiques. La réunion «a permis d'entendre des témoignages sur l'illégalité dans laquelle vivent ces gens : 48 000 agriculteurs sont recherchés et sont soit en fuite dans les montagnes, soit cachés» chez d'autres. L'information avait occupé une bonne partie de la presse locale et internationale, sans que le gouvernement ne réagisse. L'information, révélée par le journal français Le Monde, avait suscité l'inquiétude de plusieurs organisations internationales de lutte contre la drogue et a de «quoi inquiéter aussi bien des pays de la région du Maghreb que ceux d'Europe». Cela dit, pour le député du PAM, Mehdi Bensaïd, à l'origine de cette démarche, «il y a vraiment un problème humain. Ces personnes cultivent pour faire vivre leurs familles. Elles touchent à peine 4 500 dirhams par mois et ce n'est pas elles qui bénéficient du trafic. Nous travaillons sur un projet de loi dans deux domaines: la légalisation du cannabis thérapeutique et une amnistie». Selon des sources, l'initiative prise par le PAM semble fédérer d'autres acteurs autour de ce qu'on appelle«la Coalition marocaine pour l'utilisation du cannabis à des fins médicinales et industrielles». A juste titre, il est important de noter que trois partis, à l'instar du Parti de la justice et du développement, d'obédience islamiste, le Parti pour l'authenticité et la modernité (PAM), de l'Istiqlal et de l'Union socialiste des forces populaires (USFP) plaident pour cette approche. Une approche qu'on veut «valider», sous le prétexte des fins «médicinales et industrielles». Un argument que les autorités marocaines font valoir notamment après que cet usage médical du cannabis est déjà une réalité dans plusieurs pays européens ou certains Etats américains. En janvier 2013, la France avait autorisé la mise sur le marché d'un spray à base d'extraits de chanvre destiné à soulager les malades atteints de sclérose en plaques. Pour certains experts, la volonté affichée par les autorités marocaines de légaliser cette culture confirme ainsi le rôle de stimulateur voire d'organisateur que jouait le Makhzen dans son développement et sa commercialisation clandestinement à travers des réseaux de contrebandiers transnationaux et lourdement armés. Ce qui manquait, en réalité, c'est ce côté légal de cette culture pour mieux l'écouler, notamment en Occident, sous le label de «plantes médicinales». Le Maroc, faut-il le rappeler est considéré comme le plus grand producteur de cannabis au monde. Le pays compte environ 800 000 cultivateurs de cannabis. Un chiffre d'affaires global national de plus de deux milliards DH (214 millions $), et de 10 milliards € à l'export, selon un rapport de l'ONUDC. Selon un rapport 2013 de l'Office des Nations-Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), ce pays est considéré comme le plus grand producteur de résine de cannabis. Les auteurs du rapport rappellent que les plus grandes superficies cultivées ou des zones éradiquées ont été déclarées par l'Afghanistan (12 000 ha en culture), le Mexique (12 000 ha en culture et 13 430 ha éradiqués) et le Maroc (47 500 ha en culture après l'élimination). En Algérie, la grande quantité de résine de cannabis saisie par les services de sécurité, provenait essentiellement des frontières ouest du pays.