Hier et au deuxième jour du scrutin qui s'étalera jusqu'au 17 avril, observateurs et acteurs représentant des candidats ou boycotteurs s'accordent à dire que l'affluence est loin de celle attendue alors que l'Hexagone était en week-end. Quelle appréciation ces acteurs font de ce début de scrutin ? C'est ce que nous avons voulu savoir auprès d'acteurs qui ont bien voulu nous répondre. Notre souhait d'interroger tous les représentants des candidats a été encore une fois vain. C'est pourquoi, nos lecteurs devront se contenter de ceux que nous avons pu joindre ou de ceux qui nous ont répondu. En l'occurrence un représentant des boycotteurs : Zoheir Rouis de Jil Jadid à l'étranger et pour ceux qui appellent à une participation massive au scrutin, Saïd Naîli, coordinateur des comités de soutien de Ali Benflis en France. Ils nous donnent leurs appréciations sur le déroulement du vote en France mais aussi leurs réactions suite à l'attaque d'un candidat par le Président-candidat devant un invité étranger. Le Soir d'Algérie : L'appel lancé par la coordination nationale pour le boycott a-t-il été entendu et de quelle manière ? Zoheir Rouis : La coordination nationale pour le boycott représentée en France par les partis El Adala, MSP, RCD et Jil Jadid a en effet lancé un appel à une journée de protestation pour le samedi 12 avril à proximité du principal centre de vote parisien pour que la communauté algérienne de France puisse en ce premier jour de simulacre de scrutin signifier une fois de plus son rejet de cette mascarade électorale et montrer au monde entier et plus particulièrement à nos compatriotes en Algérie que la communauté algérienne est activement solidaire des mouvements de protestation qui s'expriment en Algérie et qui rejettent ce processus d'effrontement de l'Etat et appellent à la construction d'un Etat de droit à travers une transition politique. Il était important que nous puissions le faire en force car nous savons que traditionnellement le régime utilise et manipule toujours les images du premier jour de scrutin de la communauté algérienne pour motiver les Algériens à se diriger vers les bureaux de vote. Or, nous avons démontré hier samedi 12 avril par notre forte mobilisation que les Algériens de France ne se sont pas dirigés vers les bureaux de vote et qu'il n'y a pas eu les foules escomptées et qu'à Paris, il y avait plus de manifestants que de votants malgré les moyens utilisés pour mobiliser les habituelles clientèles et malgré l'argent sale utilisé durant cette compagne pour remplir de minuscules salles de meeting. Notre appel a donc été entendu et cela a démontré que la communauté algérienne a parfaitement compris les enjeux de cette élection et qu'elle n'est pas dupe. Comment qualifieriez-vous l'affluence et le déroulement de ces deux journées de scrutin en France ? On ne peut parler d'affluence sur ces deux premiers jours alors que c'est un week-end. Hier samedi, historiquement jour de forte affluence aux bureaux de vote, ces derniers étaient sidéralement vides. Il y avait plus de personnel des bureaux de vote que d'électeurs. Si vraiment les électeurs avaient été motivés pour aller voter, croyez-moi qu'ils l'auraient fait durant ce week-end, les jours suivants jusqu'au jeudi n'étant pas propices pour aller voter. Je puis vous assurer que le taux de participation, pas celui qui sera pompeusement annoncé, le vrai taux de participation, sera historiquement le plus bas qu'une élection ait connu jusque-là. Quant au déroulement du scrutin, les protestations des représentants du candidat Benflis démontrent s'il en était encore besoin que le régime est décidé à user et abuser de la fraude pour passer en force. Le même personnel organisateur des fraudes précédentes, les mêmes méthodes et les mêmes procédés de fraude et d'intimidation sont en cours. Le Président-candidat a fait une déclaration hier devant le MAE espagnol le prenant à témoin sur ce qu'il appelle dépassements, violence et terrorisme télévisuel de son adversaire Benflis. Qu'en pensez-vous ? La plainte de Bouteflika, en tant que président de la République, et non en tant que candidat, devant un ministre étranger, est pathétique à plus d'un titre. D'abord elle participe de ce rabaissement de l'Etat algérien, même devant un pays non assimilé à une puissance étrangère. Jamais un président de la République n'a autant porté atteinte à la souveraineté de notre pays que le Président actuel. Elle est pathétique car le dernier des Algériens n'est pas dupe de cette mascarade et certainement pas un responsable étranger. C'est le comble de cette piètre pièce de théâtre, l'organisateur en chef de la fraude, et des fraudes précédentes, se plaint de terrorisme et de dépassements. Il est grandement temps d'élever le niveau et de redonner à l'Etat algérien toute sa place dans le cœur des Algériens et dans le concert des nations. Cela ne sera possible que si ce régime s'en va et laisse place à la nouvelle génération qui aura pour charge de bâtir un Etat de droit, ce à quoi travaille la coordination nationale pour le boycott en proposant une conférence nationale pour une transition démocratique. Saïd Naîli, coordinateur des comités de soutien à Ali Benflis en France Le Soir d'Algérie : Au bout de 2 jours de scrutin, comment qualifiez-vous l'affluence dans les bureaux de vote en France: importante, moyenne ou timide ? Ou différente selon les régions et comment se traduisent ces différences ? Saïd Naîli : La participation sur ces deux jours est très faible. Beaucoup d'électeurs pensent que cette élection est jouée d'avance. Selon nos estimations et à titre d'exemple, il y aurait 4% de votants à Lyon ; 3 623 votants à Bobigny ; Grenoble 5,4%. Chambéry 10,02%... Ce ne sont là que quelques éléments et nous avons décidé de tenir un point de presse tous les jours à 14h pour communiquer les chiffres. Dans notre entretien téléphonique (paru dans le Soir d'Algérie du samedi 12) vous nous aviez évoqué votre vigilance quant à la surveillance des urnes et notamment la mise en place des scellés à clef: avez-vous réussi à imposer ce dispositif et si non pourquoi? Plus globalement, en terme de déroulement, y a-t-il eu des dépassements ou dérapages ? Et s'il y en a eu, comment et où se sont- ils manifestés ? Pour la surveillance des urnes, certains consulats ont accepté nos propositions de scellés numérotés sur les urnes et les comptages et contrôle des émargements ou empreintes des votants. D'autres ne l'ont pas accepté et je le regrette et me pose la question de savoir pourquoi ce traitement inégal du dispositif et pourquoi la lecture de la loi électorale n'est pas la même d'un consulat à l'autre. Aussi, je demande au président de la Commission nationale de surveillance des élections et au ministre des Affaires étrangères d'envoyer une note aux consuls pour accepter nos propositions de surveillance des élections en France afin d'éviter toute contestation le 17 avril. Quant aux dépassements observés, il y a eu, par exemple, certains déplacements des urnes de centres de vote, vers le siège de consulats sans que ces déplacements ne soient accompagnés d'un observateur ou observatrice. A Trappes, par exemple, l'urne qui n'était pas scellée par nos soins a été transférée dans un lieu inconnu par nous comme par les autres observateurs. Enfin, nous rappelons qu'une chaîne de télévision comme Ennahar, par exemple, n'a pas diffusé des extraits du meeting de soutien à M. Benflis, alors qu'elle l'a fait avec celui organisé en faveur du candidat Bouteflika. Le candidat Ali Benflis que vous représentez en France a fait l'objet hier d'une déclaration insolite et inattendue, du Président-candidat Bouteflika qui qualifie votre candidat d'anti-démocratique, utilisant la violence dans ses interventions, exerçant le terrorisme télévisuel et les menaces contre les enfants des walis. Comment réagissez-vous à cela ? Ali Benflis est un homme de droit, respectueux des valeurs et des lois de la République. Il a le courage de s'adresser au peuple. Pour ce faire, il a sillonné toutes les wilayas du pays. Ses meetings ont été ouverts au public sans exclusive et sans exclusion. C'est une sortie surprise, inattendue de M. Bouteflika. Pour ce qui me concerne, pour une fois que je soutiens un candidat à l'élection présidentielle, je peux vous dire qu'il s'agit d'un homme loyal, un homme de loi qui est contre la violence et pour les solutions politiques. Par contre, ce que je peux vous dire aussi, c'est que nous mettrons tout en œuvre, dans le cadre de la loi électorale, pour que les voix sorties des urnes soient bien réelles.