Le candidat Ali Benflis a refusé, hier, de reconnaître sa défaite dans ce qu'il considère être «une répartition administrative des suffrages entre les candidats à l'élection présidentielle». Dans une conférence de presse animée au siège de sa direction de campagne, Benflis a lancé un appel pour la constitution d'un «grand rassemblement patriotique au service de la République». Tarek Hafid - Alger (Le Soir) Comme en 2004, Ali Benflis refuse d'accorder à Abdelaziz Bouteflika le statut de vainqueur. «Il n'y a pas eu d'élections. Il ne faut pas se voiler la face, ce dont il s'est agi ce 17 avril c'est une répartition administrative des suffrages entre les candidats à l'élection présidentielle. A sa discrétion et selon ses préférences, le régime en place a gratifié ou pénalisé les candidatures présentes au scrutin», a-t-il indiqué dans une déclaration liminaire lue, hier, lors de la dernière conférence de presse de cette campagne. Officiellement, le ministère de l'Intérieur lui a accordé la seconde position avec un taux de 12,18%. «Le peuple algérien dans son ensemble et celles et ceux d'entre vous qui m'ont suivi dans ma campagne électorale ont pu constater par eux-mêmes la réalité incontestable de cet engouement et de cette adhésion. Les résultats annoncés ne réussiront jamais à gommer cette réalité qui est d'ores et déjà ancrée dans la mémoire de toutes les Algériennes et de tous les Algériens. En conséquence, je considère que ma candidature et mon projet politique ont été accueillis avec une ferveur populaire qui est allée au-delà de tout ce que j'attendais ou espérais». Benflis accuse ceux qui ont permis à Abdelaziz Bouteflika de décrocher un quatrième mandat présidentiel. «Entendez-moi bien et retenez ici, mon échec a été préparé, planifié et organisé par une coalition qui porte trois noms : la fraude, l'argent douteux et certains relais médiatiques inféodés aux puissances détentrices de cet argent douteux. Voilà la réalité irréfutable. Voilà les faits avérés. Et voilà la grande forfaiture que le scrutin du 17 avril n'arrivera jamais à masquer». Il charge également le Conseil constitutionnel. «Le Conseil constitutionnel n'a pas assumé ses missions et ce faisant, il a commis une forfaitaire. Une candidature manifestement irrecevable a été entérinée par ses soins sans aucun égard pour notre Constitution et nos lois. Le gouvernement a été reconfiguré pour que les portefeuilles en charge directe de l'organisation de l'élection présidentielle soient attribués aux proches parmi les proches du candidat du régime en place. C'est le Premier ministre, président de la commission d'organisation de l'élection présidentielle, qui présente la candidature du candidat du régime en place en lieu et place de l'intéressé lui-même et qui deviendra le directeur de sa campagne. Tout le gouvernement de la République a été ravalé au rang peu honorable de comité de soutien du candidat du régime en place», a précisé Benflis. Gestion par procuration «Je ne reconnais pas les résultats de ce scrutin. Je les contesterai par toutes les voies politiques et légales», dira-t-il en insistant sur le fait que «la fraude entraîne gravement la légitimité de celui qui en bénéficie». Pour Benflis, l'Etat algérien se dirige vers une «gestion par procuration», Abdelaziz Bouteflika étant dans l'incapacité d'assumer la fonction de président de la République. «Le bénéficiaire principal de cette fraude est au vu et au su de tout le monde dans l'incapacité d'assumer les hautes charges nationales : c'est donc une gestion par procuration de la République que notre pays et notre peuple vont désormais connaître. Cette situation inédite est d'une gravité extrême. Elle n'est ni acceptable ni tolérable. Elle exige une réaction patriotique de toutes les forces politiques et sociales soucieuses des intérêts vitaux de notre grand peuple et de la grandeur de notre pays». Convaincu de «l'impasse politique» imposée par le système en place, Ali Benflis estime nécessaire de lancer «un grand rassemblement patriotique au service de la République». «L'alternative démocratique devra être consensuelle, ordonnée et pacifique. Consensuelle, elle devra s'assurer la mobilisation politique et sociale la plus large autour d'elle ; ordonnée, elle devra agencer ses priorités en distinguant entre le plus et le moins pressant, entre l'essentiel et le secondaire dans le cadre d'une démarche graduelle ; pacifique, elle devra avoir pour mot d'ordre le dialogue politique comme moyen de sa réalisation. Il est incontestable que mon projet politique a bénéficié d'une vaste mobilisation populaire. Des femmes et des hommes y ont cru et y croient toujours. Je ne les décevrai pas. Je les invite à rester soudés et mobilisés pour le nouveau combat politique qui nous attend. Ce combat commun exige du courage, de la détermination et un souffle long. Je sais que nous n'en manquons pas». Ali Benflis ne compte pas quitter la scène politique. Il annoncera bientôt le contenu de son «combat politique d'avenir qui devra être en symbiose avec son environnement politique et social national».