“L’Armée a cède�

Mouloud Hamrouche explique les raisons de son retrait de la présidentielle

Pour l’ancien chef du gouvernement, la hiérarchie militaire a tranché en faveur de Abdelaziz Bouteflika “sous la pression�, au profit “des groupes d’intérêts�. Mouloud Hamrouche se dit convaincu que l’élection du 8 avril “sera fermée� et que “le vainqueur est connu d’avance�.
Les jeux, dit-il, sont bel et bien faits : M. Abdelaziz Bouteflika serait assuré de conserver son poste.
Mouloud Hamrouche a décidé de ne pas se présenter à l’élection présidentielle du 8 avril. L’ancien chef du gouvernement, qui tenait, hier, une conférence de presse, à l’hôtel Essafir (ex-Aletti), a justifié sa position par le fait que le scrutin “est d’ores et déjà fermé.�
“Nous avons, au sein du groupe des “10+1�, vérifié que l’élection ne sera ni régulière, ni transparente, ni ouverte�, constate-t-il. “En 1999, nous ne nous sommes rendu compte de la réalité des choses qu’à la veille du vote, cette fois, les mécanismes de fraude sont déjà nettement apparents avant même le coup d‘envoi officiel de la campagne électorale.� Mouloud Hamrouche est convaincu que le président Bouteflika succédera, sans l’ombre d’un doute, à lui-même, au soir du 8 avril. Sa conviction est renforcée par le “revirement inattendu� des chefs militaires en faveur de l’actuel chef de l’État. “En dépit des assurances avancées par le chef d’état-major, Mohamed Lamari, quant à la neutralité de l’institution, force est de constater qu’elle a malheureusement fini par céder, sous la pression de groupes d’intérêts, au profit de Bouteflika�, révèle-t-il, assurant que les semaines à venir apporteront la confirmation de ses dires. Il regrette que cette concession n’ait pas été faite à l’avantage du peuple algérien. Hamrouche qui siège au niveau du groupe des “10+1� aux côtés de M. Ali Benflis, présenté pourtant comme étant le candidat de l’armée, ne cache pas ses “contacts permanents ni ses liens avec le commandement militaire.�
C’est que, aux yeux de Hamrouche, la cause est déjà entendue et que Abdelaziz Bouteflika a les faveurs de la hiérarchie militaire pour un second mandat. Un mandat qui, d’après lui, prend l’allure d’un véritable plébiscite. “Quand on regarde les belles images de la télévision, il y a tout lieu de conclure à un plébiscite et non à une élection.� Il est d’autant plus édifié en affirmant que les “mécanismes de la fraude ont atteint un degré d’expérience extraordinaire.� L’ex-candidat à l’élection présidentielle de 1999 fait l’impasse, malgré lui, sur un rendez-vous qui lui tient tant à cœur, car il constituait “une occasion décisive de sortir le pays de la crise.�
Mouloud Hamrouche ne compte pas pour autant baisser les bras, il entend poursuivre le combat en faveur des libertés et des réformes, aussi bien individuellement que dans le cadre du “front antifraude�. Ce cadre politique a permis, d’après lui, de mettre à nue, devant l’opinion publique, la parodie électorale qui se prépare. Pour lui, quel que soit le sort du groupe des “10+1� “notre mission est remplie� en ce sens que “notre devenir en tant qu’hommes politiques n’est pas important par rapport à celui de la nation.�
Hamrouche fonde sa décision de ne pas se porter candidat à la présidentielle sur “cinq convictions�, contenues dans sa déclaration politique lue en préambule de sa conférence de presse. Il trouve que les “forces du changement ont pris politiquement la mesure des dérives et des échecs liés à la vanité des replâtrages successifs ; que la seule voie pour sortir de l’impasse consiste à élargir démocratiquement la base sociale de l’État.� Les élections, dit-il, “ne constituent pas, à elles seules, la clé du changement� car “sans contrôle démocratique des choix (…) les tenants de l’affairisme demeurent les seuls bénéficiaires…� Dans la conjoncture actuelle, le pays a, suggère-t-il, “besoin d’une gestion politique permettant le retour à une situation de droit, une marche consensuelle, une discipline légale.� Il évoque aussi de nécessaires pressions citoyennes et des contraintes de l’environnement international afin d’“obliger le régime à admettre le droit de vote�.
Mouloud Hamrouche, en parfait connaisseur du régime, s’aligne, à propos de la crise de Kabylie, sur la même position que le mouvement citoyen : “Les rédacteurs ont compris une chose : le pouvoir est incapable de générosité, incapable de sentir les palpitations de la société, de ce qui se passe en bas.�
H. M / L. B.