Ali Benflis a annoncé, hier, à l'hôtel Hilton, sa candidature à l'élection présidentielle du 17 avril. Dans un discours prononcé face à la presse, il a dressé un état des lieux de la situation politique, économique et sociale de l'Algérie et présenté les grands axes de son programme. Benflis a déclaré que ses seuls ennemis sont «la corruption, le chômage, la pauvreté et l'injustice». Tarek Hafid - Alger (Le Soir) «Avec honneur, détermination, confiance et beaucoup d'humilité, j'ai pris la décision d'être candidat à la présidence de la République.» C'est en ces termes que Ali Benflis a choisi de déclarer officiellement son intention de se porter candidat à l'élection présidentielle face à une assistance composée essentiellement de journalistes. Mais il ne s'est pas contenté d'une simple annonce. A l'occasion de cette déclaration politique — la première depuis dix ans — Ali Benflis est revenu, à travers un long discours, sur la situation que traverse le pays. A commencer par la justice, secteur dont il est issu. «Le pays ne manque pas de lois, il y en a suffisamment, mais il a manqué la volonté politique de les appliquer dans toute leur rigueur et leur équité. Il est de la plus grande urgence et de la plus haute importance de rétablir la confiance entre la justice et le citoyen. La justice doit être la base de l'organisation de l'Etat, elle détermine d'ailleurs et pour une grande part le niveau de confiance entre l'Etat et les citoyens qui sont en droit d'attendre une justice de qualité. Le juge doit pouvoir rendre la justice en son âme et conscience, il le fait souvent dans des conditions difficiles», dira-t-il. Pacte anticorruption Dans le registre de la corruption, le candidat à la présidentielle dresse également un constat sans appel à propos de ce fléau. «Peut-on raisonnablement avoir une ambition pour son pays et pour son peuple et s'accommoder de la persistance de la corruption et de sa généralisation qui a connu ces dix dernières années des niveaux jamais atteints depuis l'indépendance de l'Algérie ?» Ali Benflis estime nécessaire la mise en œuvre d'un «pacte national contre la corruption», pour faire face à un phénomène qui n'est pas «dans la culture des Algériens». «J'appelle à un pacte national contre la corruption autour d'une série de mesures destinées à réduire les ingérences de la sphère politique dans le fonctionnement de la justice, à réactiver ou à consolider selon le cas les mécanismes de contrôle de l'Etat car la transparence est fondamentale tant pour le citoyen que pour les entreprises qui cherchent à investir et demandent la sécurité juridique et les garanties de protection légale. Il faut en finir avec l'impunité, consacrer l'égalité de tous devant la loi et rendre compte aux Algériens de tout dinar dépensé. La corruption n'est pas dans notre culture, elle n'est pas une fatalité, elle est criminelle, immorale et socialement rejetée. Il faut isoler les corrompus et les combattre car pour moi, comme pour beaucoup d'Algériens, il est possible pour la société algérienne de gagner la bataille de la lutte contre la corruption.» Engagement Ecole, santé, emploi, jeunesse... Benflis déclare avoir réfléchi à des solutions concrètes qu'il présentera dans son programme électoral. Cependant, pour lui, tout changement passe par l'engagement de tous. «Je m'engage à dire la vérité aux Algériens, à ne pas donner de faux espoirs car il n'y aura pas de miracles — personne ne peut les promettre — mais je les invite à un effort commun, à partager cette confiance que nous avons en l'avenir pour rendre aux Algériens la fierté d'être algériens. J'appelle les Algériens et les Algériennes à résoudre ensemble les problèmes qui rendent la vie difficile aux citoyens qui réclament légitimement davantage de justice, des emplois, une éducation de qualité pour leurs enfants, une bonne protection sociale et médicale et des institutions solides et crédibles.» L'ancien chef du gouvernement déclare n'avoir aucun «ennemi». «Seul l'intérêt national guidera mes décisions qui ne seront, ni démagogiques, ni opportunistes, ni clientélistes. Seul l'intérêt national conditionnera mes décisions car je n'ai jamais été partisan de la division des Algériens en ennemis et amis, mon seul ennemi est le chômage, la pauvreté et l'injustice qui dépouillent l'homme de ce qu'il a de plus précieux, sa dignité.» Tout au long de l'heure et demie qu'a duré son discours, Ali Benflis n'a, à aucun moment, fait allusion à Abdelaziz Bouteflika. Il s'est limité à dresser un bilan de quinze années de règne du Président sortant. Toutefois, en matière de lutte contre le terrorisme, il a relevé l'existence d'un «consensus national». «La riposte déterminante de notre armée à l'attaque contre le site de Tiguentourine servira de leçon à ceux qui seraient tentés de mesurer la réalité du consensus national contre le terrorisme, de tester nos capacités de défense nationale ou de douter du haut niveau de cohésion de la décision politique sur les questions de sécurité nationale.» C'est maintenant officiel, Ali Benflis revient sur la scène politique en qualité de candidat à la présidentielle. La prochaine étape consistera à collecter les 60 000 formulaires de souscriptions de signatures et à déposer son dossier auprès du Conseil constitutionnel.