Dans son discours d'investiture, Bouteflika évoquait la nécessité de lutter contre la corruption. Le Président réélu sera néanmoins jugé non pas sur ses paroles mais sur la gestion des nombreux scandales qui avaient entaché ses derniers mandats. L'affaire Khalifa, le scandale de l'autoroute Est-Ouest et celui lié à Sonatrach n'ont toujours pas abouti à des procès et rien ne plaide en faveur de l'ouverture de ces dossiers plus que gênants. Nawal Imès - Alger (Le Soir) Trois mandats et plusieurs affaires de corruption impliquant de hauts responsables. C'est le lourd bilan que doit assumer le Président réélu. Il a promis dans son discours d'investiture de lutter contre la corruption mais nul n'est en mesure de dire quel sort sera réservé aux lourds dossiers que la justice algérienne est censée traiter. Après un large déballage médiatique autour de ces affaires, c'est le silence radio. La corruption a bien été au cœur de la campagne électorale. Les candidats ont tous promis de lutter contre. Les relais du Président n'ont pas fait figure d'exception mais aucun de ses soutiens n'a ouvertement évoqué les dossiers en instance. Que deviendront-ils après une réélection des plus contestées ? La justice aura-t-elle enfin le feu vert pour se pencher sur les plus gros scandales qu'aura connus l'Algérie ? Rien n'est moins sûr. Khalifa : à quand le procès ? Condamné par contumace à l'issue d'un premier procès et réfugié à Londres depuis 2003, Abdelmouméne Khalifa aura finalement été extradé vers l'Algérie. Une extradition présentée par les relais du pouvoir comme une victoire de la justice algérienne. Khalifa ayant épuisé tous les recours possibles a finalement atterri dans une prison algérienne. L'issue logique de cette extradition ne saurait être qu'un procès public dans lequel Khalifa évoquerait sa fulgurante ascension, les complicités dont il a bénéficié pour violer la législation et ses nombreux appuis au sein même du régime. Des révélations qui ne manqueront certainement pas de mettre dans la gêne un nombre important de responsables ayant non seulement bénéficié de la générosité de l'homme d'affaires mais qui ont fermé les yeux sur les nombreuses violations de la législation. Si un procès devait avoir lieu, des têtes tomberaient certainement. Le pouvoir est-il en mesure de faire le sacrifice de quelques hommes sur l'autel de la lutte contre la corruption ? Rien n'est moins sûr. Certaines sources affirment qu'un deal aurait été passé avec Khalifa pour limiter les révélations et épargner le cercle présidentiel. Un accord qui permettrait la tenue d'un procès « aseptisé » au cours duquel ne seront jetés en pâture que quelques noms pour mieux en préserver d'autres. Tayeb Louh, le ministre de la Justice, interrogé au sujet de la tenue de ce procès, répondait que la justice suivait son cours, promettant un procès public comme le stipule la loi. Quand ? Il dit ne pas le savoir... Sonatrach : l'impunité pour Khelil ? Autre dossier en attente, celui de l'affaire Sonatrach. L'implication de l'ancien ministre de l'Energie ne faisant plus aucun doute dans une affaire de versement de pot-de-vins, la justice algérienne a été contrainte de se saisir du dossier. Neuf mandats d'arrêt avaient été émis contre Chakib Khelil, son épouse, ses enfants, et Farid Bédjaoui qui a longtemps officié en tant qu'intermédiaire entre l'ancien ministre de l'Energie et des patrons d'entreprises étrangères. Les enquêtes de la justice italienne ont abouti à des conclusions qui ne laissent planer aucun doute sur l'implication de l'ancien ministre de l'Energie qui se trouve aux Etats-Unis. Pourtant la justice algérienne ne semble pas pressée d'avoir entre les mains Chakib Khelil. Comment expliquer sinon que le mandat d'arrêt émis par l'Algérie n'ait pas été pris en compte par Interpol car contenant des «erreurs» de procédure ? Comment expliquer que des magistrats rodés à ce genre de procédures puissent-ils se «tromper» ? Tout comme l'affaire Khalifa, celle de Sonatrach gêne des responsables au sommet de l'Etat. Khelil, homme du Président par excellence, aurait-il pu s'adonner à des pratiques frauduleuses s'il n'avait pas bénéficié de largesses et de complicités au plus haut niveau ? Aurait-il pu quitter le territoire national sans être inquiété au moment où toutes les informations relayées par la presse le mettaient en cause ? Autant de questions qui ne laissent pas de place au doute quant aux intentions des donneurs d'ordre à la justice d'étouffer l'affaire en espérant que la justice italienne ne réussira pas à tout mettre à nu. Autoroute Est-Ouest : à méga-projet méga-scandale Qualifiée du plus grand scandale du siècle, l'affaire de l'autoroute Est-Ouest aura elle aussi entaché de hauts responsables. Les détournements d'argent et les surtaxations ont été à la hauteur du méga-projet. Il s'agit du chantier phare lancé sous Bouteflika en 2006 sur 1.200 kilomètres. Le montant du marché est l'un des plus élevés pour un contrat en Afrique : 11,4 milliards de dollars. Le scandale éclate en 2009. Les «investigations» menées par la justice aboutissent à l'inculpation de dix-huit personnes. Toutes doivent répondre des chefs d'inculpation suivants : association de malfaiteurs, trafic d'influence, corruption et blanchiment d'argent. Le ministre des Travaux publics, Amar Ghoul, a été quant à lui épargné. Niant toute implication dans cette affaire, le ministre des Travaux publics a tenté de rester en dehors de la zone de turbulence. Il semble lui aussi assuré de l'impunité.