La création du MP3 a lancé le phénomène du téléchargement en ligne. Mais ce format audio n'a pas épargné nos oreilles ! Un format bien plus performant est attendu en 2016. La guerre de succession est déjà ouverte. Il a fait gagner des milliards à son concepteur, l'institut allemand Fraunhofer. Il a propulsé le téléchargement de musique en ligne et profondément modifié le visage de l'industrie du disque. Et, pourtant, les jours du MP3 sont comptés. Dans les salles de réunion feutrées de Paris, de Valence ou de New York, se discute actuellement le destin de ce format numérique historique. Autour de la table, le gratin mondial du son. Une quarantaine de laboratoires R&D parmi lesquels Dolby, Orange, Technicolor et, le plus gros de tous, l'institut Fraunhofer à Erlangen. Ce groupe se réunit pour décider du format numérique destiné à remplacer tous les autres à l'horizon 2016. Il faut dire que chaque industriel tente d'imposer ses technologies pour qu'elles soient intégrées dans ce format ! Ce groupe se nomme «MPEG», pour «Moving Picture Experts Group», (groupe d'experts de l'image animée) en français. Il est composé d'entreprises du monde entier, regroupées dans des délégations nationales, qui se réunissent quatre fois par an. Le MPEG dépend de l'Organisation internationale de normalisation, plus connue sous son sigle anglais [ISO] ; il est chargé de la définition des normes au niveau mondial pour l'audio et la vidéo. Il s'agit même de l'autorité mondiale incontestée dans ce domaine, et cela depuis de nombreuses années. C'est à lui que l'on doit notamment la normalisation des formats MP3 pour la musique, MPEG-2 pour la vidéo des DVD et de la télé par ADSL, ou encore MPEG-4 pour la vidéo par Internet et les images HD des disques Blu-ray. Derrière ces abréviations se cachent des algorithmes, des suites d'instructions informatiques destinées à l'encodage, sous forme de 0 et de 1, de sons et d'images. On appelle aussi ces algorithmes «codecs», néologisme né de la contraction de «Codeur» et «Décodeur». La plupart des codecs intègrent aussi des algorithmes de compression et de décompression des données : ils permettent alors de réduire la taille des fichiers, souvent importante dans le cas des signaux audiovisuels, pour en faciliter le stockage sur les supports informatiques – disques durs, lecteurs MP3, smartphones, etc. – et le transport sur les réseaux locaux et domestiques de téléphonie mobile et de Broadcast (diffusion télévisuelle et radiophonique), ainsi que sur Internet. Le plus populaire, le moins performant Le plus populaire des codecs audio est le MP3, de son vrai nom «MPEG-1/2 audio Layer 3». Finalisé en 1992, il a été mis au point, entre autres, par des chercheurs de l'institut Fraunhofer. En réduisant de 3 à 12 fois la taille des fichiers musicaux, le MP3 a donné naissance au phénomène du téléchargement, ainsi qu'à un pan entier de l'industrie audio. Car si, à l'origine, seuls les ordinateurs étaient capables de lire les fichiers MP3, on a vu rapidement apparaître des lecteurs, des chaînes hi-fi et des autoradios compatibles. Aujourd'hui, n'importe quel smartphone, lecteur de CD ou radioréveil est capable de décoder un fichier MP3. Et la plupart des sites de vente de musique en ligne, à l'exception notable d'iTunes d'Apple, ont adopté ce format. Alors, pourquoi le remplacer ? Parce que sa qualité apparaît de plus en plus médiocre aux auditeurs. Et pour cause : l'algorithme compresse les fichiers audio aux dépens d'une partie de l'information qui est supprimée ! La compression MP3 se fonde, en effet, sur des recherches psycho-acoustiques tendant à démontrer que certaines des fréquences présentes dans un signal ne sont pas ou très peu audibles. On pourrait donc les supprimer sans nuire à la qualité d'écoute. Cette affirmation, contestée par de nombreux audiophiles et certains scientifiques, a longtemps été prise pour argent comptant par les consommateurs, abusés par des conditions d'écoute souvent très moyennes (lecteurs de mP3 bon marché, enceintes et écouteurs basse fidélité) qui ne permettaient pas d'effectuer une comparaison objective. Mais, aujourd'hui, la qualité des appareils audio s'est améliorée, et le débit d'internet est suffisant pour qu'on puisse télécharger du son pas ou peu compressé. Surtout, ce qui pénalise le MP3, c'est qu'il ne peut stocker et diffuser que des signaux stéréo : il est donc incapable de fournir un son tridimensionnel, à la hauteur des images à très haute définition qui se développent actuellement. Le MPEG est donc en train de mettre la touche finale à un nouveau format, le MPEG-H, destiné à remplacer tous les autres à l'horizon 2016. Il s'agit d'un format audiovisuel complet. Il est composé de plusieurs codecs dont un pour la vidéo, nommé «HEVC», et un pour l'audio, dont le nom – peut-être pas définitif – est «MPEG-H 3D audio». HEVC est le sigle anglais de «codage vidéo à haute efficacité». Ce codec représente une avancée importante en termes d'efficacité de l'algorithme de compression, puisqu'il réduit de moitié le débit de données nécessaire par rapport au MPEG-4 actuel, à qualité d'image égale. «Le codec HEVC est déjà finalisé et publié. Quant au codec MPEG-H 3D audio, il est en cours de normalisation.»