Par Hassane Zerrouky Assez de politique, parlons football. C'est malheureux à constater, mais par ces temps de déception populaire – le changement n'est pas pour demain surtout depuis que l'opposition s'est mise à se disputer les dépouilles de l'ex-FIS à défaut de présenter une alternative crédible – le football reste la seule chose qui fait débat, le seul fait qui transcende les différences, les clivages sociaux et régionaux. Et ce, bien qu'il faille s'attendre à une instrumentalisation encore plus grande de l'équipe nationale par le pouvoir politique. N'a-t-on pas affirmé durant la campagne électorale – tout le monde l'a entendu – que c'est grâce au Président Bouteflika que l'équipe nationale s'est qualifiée à deux reprises, voire à quatre selon ce porte-parole du chef de l'Etat qui, emporté par son enthousiasme en faveur du quatrième mandat, s'est quelque peu oublié. Et moi qui croyais que c'était grâce à cette extraordinaire frappe de Antar Yahia que l'Algérie s'était retrouvée en Afrique du Sud et au coup de tête, quelque peu chanceux de Bougherra, que nous serons présents au Brésil. Bref. Voilà l'Algérie à un mois du Mondial brésilien. Lundi, Vahid Halilhodzic a communiqué la liste des 30 joueurs transmise à la Fifa. Et sur cette liste, 23 joueurs iront au Brésil et sept seront réservistes. Le sélectionneur, qui a sans doute son idée sur le noyau dur de l'équipe nationale partant au Brésil, va être confronté à des choix cornéliens pour compléter la liste des 23 élus. Il y aura un gardien de but en moins, des défenseurs à sacrifier ainsi que des milieux de terrain et des attaquants. Et dans ce cas de figure, en dépit de la pression médiatique et sportive – chacun aurait souhaité voir tel ou tel joueur faire partie des 23 – il n'y aura pas de place aux états d'âme. En tout cas, ce dont on est sûr, c'est qu'on ne verra pas se reproduire le scénario de l'année 1982 où l'homme, grâce à qui l'Algérie s'était qualifiée, le Soviétique Guennadi Rogov, avait été écarté, sous prétexte qu'un étranger ne doit pas «driver» l'équipe nationale au Mondial.L'idée a pourtant frôlé la tête de certains. Juste après la qualification de l'Algérie face au Burkina Faso, certains articles de presse n'ont-ils pas amplifié le différend entre Halilhodzic et Raouraoua, et évoqué le remplacement du Bosnien ? Des noms de probables remplaçants, dont celui de Saadane, ont même été susurrés, sans mesurer l'impact qu'aurait eu sur les joueurs un changement de sélectionneur à quelques semaines du Mondial. La sagesse a fini heureusement par l'emporter. Dans les pays développés, cela ne se passe pas ainsi. Tout le monde fait corps derrière le sélectionneur. Rares sont ceux, parmi les médias, à remettre en cause les choix du sélectionneur. Bien au contraire, on s'efforce de les expliquer même si au passage on regrette que tel ou tel joueur méritant n'ait pas été retenu. On n'entendra jamais un entraîneur de telle ou telle équipe de division une regretter qu'un de ses joueurs n'ait pas été choisi ou affirmer dans les médias, comme cela se fait en Algérie, que son joueur a sa place en équipe nationale. Les critiques viennent après le parcours de l'équipe nationale, rarement ou pas du tout avant. Pour revenir aux choix cornéliens de Halilhodzic, citons pour exemple le Français Didier Deschamps. «Je vais faire plus de malheureux que d'heureux (...) Il n'y a pas de bonne solution. Je vais faire en sorte de choisir la moins mauvaise», a-t-il confié au journal Le Monde de mardi. Le sélectionneur de l'équipe de France, qui a vu évoluer pas moins de 50 joueurs en deux ans, ne se pose pas trop de questions. «Je ne ressens pas d'appréhension. C'est mon boulot, c'est ma responsabilité de faire des choix. C'est le côté un peu négatif mais je l'assume». Samir Nasri en a fait les frais... D'autres sélectionneurs français dans des disciplines comme le handball ont été confrontés à ce genre de situation. «Parfois on a envie que la blessure choisisse à notre place», expliquait dans le journal gratuit 20 minutes l'entraîneur de l'équipe de France de handball féminine (championne du monde en 2003) Olivier Krumbholz. Il avait été contraint d'éliminer une joueuse dont c'était la dernière chance de disputer les Jeux olympiques de Sydney. C'est dire ! Vahid Halilhodzic sera également confronté à des cas de conscience similaires. C'est ainsi.