L'intelligence économique, l'Algérie s'est engagée à la développer mais de manière irrésolue, faute de coordination entre les acteurs, en raison de l'absence d'une culture spécifique et de la propension au cloisonnement. Chérif Bennaceur - Alger (Le Soir) Une information économique bien valorisée, l'innovation et l'utilisation des technologies soft contribuent à l'amélioration de la compétitivité d'un pays, d'une entreprise. Une information inédite, spécifique et bien valorisée et une politique de recherche-développement intelligente permettent une meilleure prise de décision pour l'entreprise, contribuent à augmenter ses richesses. Des entreprises brésiliennes et européennes ont pu ainsi augmenter leurs chiffres d'affaires, leurs richesses de quelque 2 milliards d'euros, relevait hier le professeur des Universités à l'Université du Sud Toulon-Var, Luc Quoniam, lors d'un séminaire international organisé à l'hôtel Sheraton-Club des Pins par l'école des Hautes études commerciales (HEC) et consacré à l'intelligence économique (IE), sous l'égide du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Lors d'une communication co-animée avec le Dr Abdelkader Baaziz, Doctorant chercheur au laboratoire IRSIC, Aix-Marseille Université, le professeur Quoniam a estimé que l'innovation, l'ingéniosité sur le modèle indien du Juggad (Debber Rassek ou le système D à l'algérienne), la créativité, l'invention hasardeuse (la sérendipité), une bonne utilisation des brevets libres, permettent à toute entreprise, à l'économie tant de développer sa compétitivité, d'engranger des gains mais aussi de contribuer à la satisfaction des besoins sociaux. Et ce, dans la mesure où l'intelligence économique, un concept désormais classique de la rhétorique et de la pratique anglo-saxonne et européenne, répond fondamentalement à l'objectif de développer la responsabilité sociale des entreprises. Or, une telle quête de compétitivité entrepreneuriale, la réalité algérienne en semble dépourvue. Certes, une dynamique a été engagée en Algérie dans ce domaine, relève le Pr Rachid Chalal du laboratoire de méthodologie de conception à l'Ecole nationale supérieure d'informatique (Ensi, ex-INI). Présentant le bilan des actions menées dans le domaine depuis 2005, le Pr Chalal évoque «des tentatives» de l'Etat en termes institutionnels, notamment la mise en place d'une direction ministérielle dédiée, ainsi que l'impulsion relative à la mise en place de cellules de veille au niveau d'une douzaine d'entreprises. De même que le concept de l'intelligence est «maîtrisé» au niveau de l'establishment universitaire et de recherche, dira le Pr Chalal. Des initiatives qui restent cependant incertaines, sans suite, cet universitaire évoquant une certaine réticence entrepreneuriale à «communiquer». Ce que Mme Messaid Amina, professeur à l'Ecole nationale supérieure de management (ENSM-Alger) et chercheur associée au Cread ainsi que le Dr Sofiane Saâdi, directeur formation : recherche-LOGE-Algérie, confirmeront dans leurs analyses. De fait, le développement de l'intelligence économique semble freiné par «un manque d'engagement» des entreprises, relève Mme Messaid, notamment celles de petite et très petite taille. Voire, par l'absence de la culture de l'intelligence économique, un déficit de cohérence et d'organisation managériale, l'absence de la collaboration et de l'échange d'informations en interne et externe, l'absence de recours à la mutualisation des coûts et des risques. De fait, c'est l'absence de coordination entre les entreprises mais aussi entre les entreprises, l'Etat au sens de centre d'autorité et d'impulsion et les établissements de recherche et d'enseignement, une certaine propension de la plupart des acteurs concernés au «cloisonnement» en termes d'information, de communication et de participation à la satisfaction de l'intérêt des autres, observe le Dr Baaziz, qui marque l'engagement IE de l'Algérie d'une certaine forme d'irrésolution.