Ali Benflis a adressé une lettre à Ahmed Ouyahia dans laquelle il explique les raisons de son refus de participer au processus de concertation sur l'amendement de la Constitution. Le candidat à l'élection du 17 avril précise au directeur de cabinet de la présidence de la République que les propositions de Abdelaziz Bouteflika ne sauraient être «une réponse à l'aspiration démocratique de la société algérienne». Tarek Hafid - Alger (Le Soir) Homme de loi, Ali Benflis s'est donc astreint au respect du principe du «parallélisme des formes». La lettre qu'il a adressée, lundi, à Ahmed Ouyahia est une réponse à la correspondance que ce dernier a jointe aux propositions d'amendements de la Constitution. Franc et courtois, Benflis n'a cependant pas cité une seule fois le nom d'Ouyahia. D'ailleurs, il a adressé cette lettre non pas au directeur de cabinet du président de la République mais au «directeur de cabinet de la présidence de la République». La différence est importante puisque, pour Benflis, Abdelaziz Bouteflika ne jouit d'aucune légitimité. «J'ai l'honneur d'accuser bonne réception de votre envoi par lequel vous m'avez rendu destinataire de propositions de révision constitutionnelle. Je vous remercie pour la délicatesse de votre initiative. Ces propositions ont retenu toute mon attention. Elles ont fait l'objet, de ma part, d'un examen approfondi, scrupuleux et responsable. Cet examen a obéi au sens élevé du service de notre pays auquel je me sens toujours soumis dès lors que sont en cause ses intérêts supérieurs et ceux de notre peuple. Cet examen a obéi, aussi, aux impératifs que dicte la gravité particulière de la situation politique à laquelle nous sommes confrontés. Cet examen a obéi, enfin, à la nature et à la spécificité des conditions devant être, selon moi, réunies pour permettre que soit surmontée cette situation éprouvante et dommageable pour la Nation», écrit-il. Il explique, en outre, qu'il a tenu à vérifier si les propositions qui lui ont été adressées «servent l'ordre démocratique, l'Etat de droit, la bonne gouvernance et la société des libertés» ; «s'inscrivent dans la perspective réelle d'un règlement de la crise de régime» et «s'insèrent avec sincérité et résolution dans une logique de traitement direct et effectif des deux problématiques fondamentales dont cette crise tire son essence et ses manifestations, en l'occurrence, les problématiques de la légitimité et du fonctionnement des institutions de la République». Mais il semble que les mesures inscrites dans le projet d'amendements ne répondent à aucun de ces critères. «Mesurées à l'aune de ces critères, les propositions de révision constitutionnelle suscitent, à l'analyse, des sentiments de surprise et de frustration tant par la démarche adoptée et par la méthode utilisée que par leur contenu intrinsèque. Ces propositions ne sont pas une réponse à l'aspiration démocratique qui s'est enracinée dans notre société. Elles ne vont pas dans le sens de l'édification d'un Etat de droit. Elles ne s'assignent pas l'objectif d'élargissement des espaces de droits et de libertés. Et, par-dessus tout, elles éludent la crise de régime véritable à laquelle le pays est confronté». Ainsi, les amendements élaborés par la présidence «occultent plus cette crise qu'elle ne la traite». «Le moment ne me semble pas être celui de l'évitement de la nature et des causes véritables de cette crise au moyen d'artifices constitutionnels qui seront sans effet sur elle. De toute évidence, ce à quoi le pays fait face n'est pas une crise constitutionnelle mais bien la crise d'un régime politique. En mon âme et conscience, j'ai la profonde certitude qu'un diagnostic erroné ne peut produire qu'une médication elle-même aussi erronée». Benflis réitère enfin son intention de ne pas participer à une initiative dont il ne partage «ni les analyses, ni les méthodes, ni les buts».