Crinière blanche, stature hiératique et verbe haut, il sera une des stars du Mondial au Brésil : Vahid Halilhodzic, labellisé «Coach Vahid» pour ses méthodes musclées, va à 62 ans cornaquer pour la première fois une sélection en Coupe du monde, l'Algérie, entre poigne, passion et revanche personnelle. Poigne ? Discipline est le maître mot de celui qui est devenu entraîneur une fois sa carrière d'attaquant terminée (Velez Mostar, Nantes, Paris SG). Ceux qui ont assisté au premier entraînement qu'il avait dirigé à Rennes en octobre 2002 s'en souviennent encore. Mines crispées, ses joueurs ont eu droit ce jour-là à une sorte de parcours du combattant-footballeur, avec haltères à soulever sur la pelouse, obstacles, slaloms, tacle à effectuer et ballon à reprendre de la tête. Le tout sous l'œil et le chronomètre du technicien franco-bosnien hurlant avec son accent à couper au couteau : «Bougez, bougez ! Mouvement !». Le diagnostic du Docteur Vahid après cette première séance ? «Le club a un pied en L2, certains joueurs les deux pieds». Sa marionnette aux Guignols de l'Info en France était déjà culte avec des répliques caricaturant son français haché comme «Demain, joueurs faire 150 tours terrain avec sacs ciment sur épaules tout nu dans la neige». Passion ? C'est ce que l'ancien meilleur buteur du Championnat de France (1983 et 1985 avec Nantes) déchaîne dans tous les endroits où il est passé. Avec l'Algérie, qui l'a engagé en juillet 2011, il est servi. L'homme au regard perçant s'est mis rapidement à dos les journalistes qui remettent régulièrement en cause ses choix et lui reprochent souvent son salaire exorbitant (700 000 euros/an, selon les journaux), gardant une affection pour son prédécesseur Rabah Saâdane. Pour asseoir son autorité, «Coach Vahid» n'hésite pas à chambouler l'équipe et à se passer des services de certaines vedettes comme Ryad Boudebouz. Ce qui n'arrange pas sa popularité, même si Boudebouz, écarté depuis la CAN-2013, a été retenu dans la liste des 30. Ses analyses à la hache — «L'individu vient en premier en Afrique, l'équipe ensuite. L'esprit d'équipe manque et sans ça, impossible de créer des gagnants» — ont évidemment fait couler beaucoup d'encre. «Je ne suis pas un mouton», a-t-il lancé à la face de ses détracteurs. La cicatrice de la Côte d'Ivoire Taxé de personnage distant et glacial, le vernis craque pourtant derrière les costumes sombres et chemises blanches qu'il affectionne, comme quand il fond en larmes dans l'arène surchauffée de Blida, le stade fétiche des Verts, lorsque les Algériens se qualifient pour la Coupe du monde en novembre 2013. Revanche personnelle ? La cicatrice n'est pas encore refermée. En décembre 2010, Halilhodzic était le sélectionneur de la Côte d'Ivoire et à ce titre avait assisté au tirage au sort du Mondial-2010 au Cap. Mais il ne verra jamais la Coupe du monde en Afrique du Sud, débarqué sans ménagement après une Coupe d'Afrique des nations ratée la même année. Le Mondial-2014 sera donc son premier en tant que coach. Et il s'en est fallu de peu que l'élimination au premier tour de la CAN-2013 ne l'en écarte. Alors que les fans des Fennecs réclamaient sa tête, la Fédération algérienne lui a, contre toute attente, renouvelé sa confiance. La joie de la qualification pour le Brésil a gommé cet épisode. Mais celui qui est appelé «Wahid», manière d'algérianiser son prénom, a fait encore parler de lui à moins de trois mois de la Coupe du monde en refusant de renouveler son contrat expirant en juillet. Son remplacement par le Français Christian Gourcuff, ex-entraîneur de Lorient, a même été évoqué. Les deux hommes se sont affrontés par médias interposés avant d'enterrer la hache de guerre début mai. Le sort de Vahid ne sera finalement connu qu'à l'issue du Mondial brésilien. Quoi qu'il arrive dans un groupe H relevé, avec la Belgique, la Russie et la Corée du Sud, Halilhodzic fera encore parler de lui.