Oubliez Löw stérile, voici Löw story : Joachim Löw a couronné son histoire avec l'équipe d'Allemagne d'un titre mondial, dimanche au Maracana face à l'Argentine de Messi (1-0 a.p.), au bout de huit voire dix ans de frustration. L'histoire n'est pas finie pour le sélectionneur de 54 ans originaire de la Forêt Noire, ancien joueur pro de deuxième division. Il avait prolongé en octobre dernier jusqu'à l'Euro-2016, avec l'assurance donnée avant le tournoi brésilien par la Fédération (DFB) d'être maintenu quel que soit le résultat de la Nationalmannschaft. Sa réussite le rend évidemment d'autant plus intouchable. «Depuis des années, nous sommes avec l'Espagne la seule constante du football mondial», avait souligné à l'orée de la compétition Wolfgang Niersbach, le président de la DFB. Sauf que l'Espagne a remporté trois titres (Mondial-2010, Championnats d'Europe 2008 et 2010). L'Allemagne, rien. Et cela faisait donc huit ans, voire dix ans d'attente car «Jogi» a commencé son histoire avec la sélection en 2004 comme adjoint de Jürgen Klinsmann, pendant deux ans. Le duo, associant un champion du monde 1990 et d'Europe 1996 à un obscur entraîneur de clubs de seconde zone (Stuttgart, Karlsruhe, Turquie, Autriche), a révolutionné le jeu allemand et ouvert une séquence inédite de régularité au plus haut niveau. Cela avait débuté à la maison, avec le «conte de fée d'été» du Mondial-2006 (3e place). Allaient suivre deux revers face à l'Espagne souveraine, en finale à l'Euro-2008 et en demi-finale du Mondial-2010, de nouveau achevé à la 3e place. C'est «Balo» La Nationalmannschaft était encore présente dans le dernier carré du tournoi suivant, l'Euro-2012, mais la défaite face à l'Italie de Balotelli (2-1) en demi-finale avait plongé l'Allemagne dans un état de choc libérant une vague d'amertume. Ce n'était sous l'ère Löw que la 6e défaite en 50 matches de compétition (qualifications et phases finales). Et d'ailleurs la dernière à ce jour : le parcours menant jusqu'au sacre du Maracana a empilé 15 victoires et deux nuls. Le bilan total de «Jogi» (amicaux compris) compte 77 victoires, 19 nuls et 15 revers (279 buts marqués, 105 encaissés). Mais le doublé de Balotelli avait fait ressurgir le syndrome des «vice-nigauds» de 2002, lorsque Leverkusen avait fini 2e partout (Ligue des champions, Championnat et Coupe d'Allemagne) et l'équipe nationale finaliste malheureuse du Mondial. De Berlin à Dortmund, de Hambourg à Munich, une énorme frustration. L'idée commençait à germer d'un entraîneur incapable de faire franchir le dernier cap à son équipe, incapable d'exposer autre chose en vitrine que son fameux pull en cachemire bleu, devenu un objet culte pendant la Coupe du monde sud-africaine. Sur le mode : c'est bien beau, au Mondial-2010, de donner la leçon à deux références du foot, Fabio Capello (sélectionneur de l'Angleterre, 4-1 en 8e de finale) et Diego Maradona (coach de l'Argentine, 4-0 en quart), puis au premier tour de l'Euro-2012 de battre le Portugal de Cristiano Ronaldo (1-0) et les Pays-Bas vice-champions du monde (2-1). Pour quoi faire ? Encore un accessit : tout ça pour ça ? Résistance «Notre grande force a été de progresser continuellement ces dernières années, même si on ne gagnait pas à la fin, on savait qu'on allait finir par gagner», a souligné le sélectionneur après le sacre. «Il est allé de l'avant, a commenté le milieu Schweinsteiger, en sélection depuis 2004. Depuis 2006, il a pris pas mal de coups, mais depuis 2006, on a aussi fait quelques super tournois, c'est pourquoi j'ai toujours dit qu'on devait garder les pieds sur terre». «Jogi» a su transmettre à ses joueurs un sang-froid à toute épreuve. L'expérience accumulée s'est transformée en carapace imperméable à la pression du risque d'un nouvel échec, et en une résistance aux soubresauts, représentés par deux équipes africaines au Mondial-2014, le Ghana au premier tour (2-2) et l'Algérie en 8es de finale (2-1 a.p.). Une résistance aussi devant les dangers de l'euphorie, après le «Mineiraozo», cette incroyable demi-finale qui avait démembré l'équipe du Brésil (7-1). «Jogi» a toujours cru en sa bonne étoile, devenue la quatrième sur le maillot de l'Allemagne.