Edictées voilà plus de cinq décades, modifiées à maintes reprises, les normes régissant la construction parasismique sont dépassées et doivent être revues complètement, le risque d'un séisme dévastateur de magnitude supérieure à 7 planant encore. Chérif Bennaceur - Alger (Le Soir) Des règles et normes de construction parasismique, il en existe en Algérie depuis déjà quatre siècles. Edictées par le Dey Ali Chaouch en 1716, après le fort séisme qui a ébranlé alors la ville d'Alger, les premières mesures parasismiques ont été prises en matière de construction (structures en maçonnerie porteuse, planches constituées par des poutres en bois en saillie des murs sur lesquels elles sont posées, des baies....). Des mesures qui ne comportent pas de calcul ou de coefficients et paramètres sismiques et ne se basent pas sur le zonage sismique. Il faudra attendre le séisme d'El Asnam (actuellement Chlef) de 1954 pour l'élaboration en mai 1955 d'un code de construction parasismique spécifique (AS55). En 1969, un document parasismique (PS 69) a été adopté, après le tremblement de terre d'Agadir au Maroc, avant d'être complété par un addenda après le séisme d'El Asnam d'octobre 1980. Durant les années 1980, marquées notamment par les séismes de Constantine (1985) et de Tipasa (1989), le premier règlement parasismique algérien (RPA) a vu le jour. Certes précédé par un projet de règlement maturé en 1976-1979 avec la collaboration d'experts et universitaires algériens et américains, le RPA a été cependant révisé en 1981, 1983 et 1988. En 1999, dans le contexte du séisme de Aïn-Témouchent, le RPA a été révisé en matière de zonage sismique. Le même règlement a été par la suite révisé suite au séisme dévastateur de Boumerdès en 2003, des mesures parasismiques étant imposées aux nouvelles constructions ainsi qu'aux infrastructures et ouvrages publics. Mais depuis cette date, il n'y a pas eu de nouvelles dispositions même si l'élaboration d'autres addenda au RPA était prévue durant les années suivantes, en particulier à l'horizon 2011. Ainsi, le dispositif normatif parasismique existe officiellement en Algérie et régit le processus de construction, même si son application reste souvent insuffisante et tributaire de la prise de conscience des promoteurs publics et privés, de l'efficacité du contrôle et de la vérification des matériaux de construction. Ce faisant, ces normes restent loin d'être conformes aux standards internationaux. Elaborées durant les trois dernières décades, souvent inspirées d'expériences et de modèles étrangers, les normes de construction algériennes sont ainsi dépassées dans la mesure où, comme le relève notamment le professeur en génie parasismique et numérique, Abdelkrim Chelghoum, ces normes sont «de la première génération», car basées sur le calcul des forces et contraintes et non pas sur les capacités de déplacement. Or, les mesures parasismiques doivent être mieux adaptées et revues, estime cet ingénieur, qui observe qu'aucun enseignement n'a été réellement tiré durant la décade écoulée et qu'il s'agit d'être davantage réactif. Et ce, d'autant que le risque d'un séisme superficiel et d'une intensité et magnitude supérieure à 6, voire 7 sur l'échelle de Richter, plane encore sur les grandes villes dont Alger et provoquerait des dégâts matériels et des pertes humaines incommensurables. Notons que le séisme survenu vendredi matin, à quelques encablures de la côte algéroise et dont la magnitude a atteint les 5,6, n'a pas provoqué d'importants dégâts urbanistiques, au-delà du décès de 6 personnes en raison de la panique et de la poursuite de la dégradation de bâtisses vétustes. A ce propos, la nécessité de normes spécifiques pour l'expertise, la réhabilitation et confortement du vieux-bâti s'impose, une démarche en ce sens étant déjà impulsée selon cet expert. Mais aussi dans la mesure où il n'y a pas encore de laboratoire de génie sismique opérationnel effectif et associant chercheurs, universitaires et experts dans ce domaine, considère le même ingénieur.