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Yanis, Sana et l'Ecole des oulama
Publié dans Le Soir d'Algérie le 19 - 08 - 2014

Des oulama, la civilisation musulmane en avait connus et des plus illustres. Parmi les premiers, Abou Bakr Ibn Zakariya Razi était un médecin chirurgien inventeur du «maristane» (hôpital) et surtout adaptateur du serment d'Hippocrate à la pratique de la médecine chez les musulmans. Le second «alem» est son contemporain, un autre Razi, théologien-politicien qui se chargera de le contredire et de le contrer. Il s'appelle Abou Hatem Razi. Il fut célèbre en son temps et participa à la controverse avec Abu Bakr.
Chiite, il ne fut pas gratifié par les historiens sectaires du titre prestigieux de «Ayat Allah» et encore moins de «Houjatou El Islam comme le sera Abou Hamed Ghazali quelques siècles plus tard. Cependant, ils vécurent en ce troisième siècle de l'Hégire, une époque fertile et passionnante. Jamais la civilisation musulmane n'aura été aussi vivace ni aussi tolérante, nonobstant quelques crises qui donnèrent l'occasion aux théologiens d'imposer aux califes des mesures répressives inquisitoriales. Si le premier s'était entièrement consacré à soigner ses semblables avec dévouement et passion, leur apprenant à construire un univers d'amour et de volupté (Kitab al ladhat), le second s'était voué à sauver les âmes et à les préparer pour la vie de l'au-delà. Ils auraient pu coexister et donner ainsi un bel exemple de complémentarité intégrale et exemplaire. Mais c'était compter sans la nature ni la destinée qui avaient mis à aussi rude épreuve une si brillante civilisation qui s'essouffla en son septième siècle, hélas. Je ne vous parlerai pas, aujourd'hui, dans notre pays où renaît l'inquisition, de ces deux monuments de la civilisation musulmane du temps où elle brilla par son humanisme. Je vous convie à faire votre propre recherche soit en lisant Tarikh al falsafa al arabiya al islamiya du professeur égyptien Badaoui ou encore de Maghed Fakhri, et pour les francophones ou les germanisants de consulter le talentueux travail de Paul Kraus consacré à Abi Bakr Errazi (Rhases). Cette chronique estivale, la seconde après celle de l'été dernier avec les escapades de la petite et espiègle Sana entre le libertaire savant sicilien Archimède et le vénal muphti égypto-qatari, El Qaradawi, vous livre ce jour, en même temps qu'elle s'adresse aux deux ministres et de l'Education et celle de la Culture, une sortie culturalo-scientifique. Ne sommes-nous pas à la veille d'une rentrée sociale et scolaire sous le double signe de la REFONDATION (bigre, quel projet ambitieux, fabuleux et démesuré s'il n'avait pas été réchauffé après toute les péripéties de sa banalisation et de son exploitation démagogique) de dimension nationale, d'une part, et d'autre part, encore une occasion de «concertation» sous le régime fort connu laissé en tradition locale par son prédécesseur à l'aune de la pratique maraboutique de «zerda outaam». Toutefois, il y a lieu de relever que la nouvelle ministre de la Culture, une collègue universitaire connue, bénéficie d'une aura d'austérité, de rigueur, voire même de noblesse d'âme (m'a-t-on assuré).
Commençons par le commencement et tranchons sur le vif l'affaire fort édifiante des deux «oulama» d'antan, et ce, en guise de fonction apéritive à l'édification culturalo-scolaire. Dans la tradition académique et dialogique arabo-musulmane a existé une fort appréciable et fort respectable pratique, la «munadhara» (confrontation intellectuelle). Eh oui, c'est celle-là même qui avait été refusée par les apprentis mandarins de l'université d'Alger dans les années 1970, à mon ancien éminent professeur de langue et de littérature arabe au lycée franco-musulman de Constantine, le regretté Si Mostefaï Si Mouhouib dit Si Abderrachid. Jaloux de ses compétences et surtout de son aura et de son sérieux, ses médiocres collègues poussèrent l'administration et le ministère (MESRS), à le mettre à la retraite alors qu'il venait de publier deux thèses remarquables sur la poésie arabe de la période abbasside. Mon frère Si Ali Benflis lui aura rendu justice avec brio, le printemps dernier avec une publication en hommage à nos anciens professeurs. La «munadhara» opposant les deux Razi, Abou Bakr le scientifique fondateur de l'institution hospitalière et l'épicurien qui inventa la médecine affective émotionnelle et psychosomatique tout récemment découverte par le monde moderne à la lumière de la psychanalyse malgré la reprise magistrale du théologien médecin Ibn Hazm El Cortobi (tawq el hamam) et son contradicteur Abou Hatem Razi l'austère théologien, fut de haute volée et d'une portée pédagogique sans pareille. Se positionnant tous les deux sur les plans aussi bien politique, qu'éthique et scientifique, ces deux «oulama» s'affrontèrent sur nombre de problèmes à l'instar de celui de l'origine de la vérité, celui de la dogmatique et même de celui, tenez-vous bien, du sempiternel problème de la liberté de l'homme. Vous avez bien lu la liberté de l'homme (sic) Il y eut aussi, un peu plus tard, d'autres Razi dont on retiendra tout particulièrement Fakhr Eddine qui vécut après «houjatou l'Islam» l'Imam Abou Hamed Ghazali, le talentueux polémiste qui aura inspiré l'inquisitrice Eglise chrétienne dans le procès de Galileo Galileï. Soit dit en passant, l'histoire de la confrontation entre le scientisme et le dogmatisme n'aura pas été du goût des historiens de la pensée arabo-musulmane, contrits et obligés de produire des discours dythirambiques et apologétiques qui ont conduit à travestir la vérité et à engager, hélas, la brillante civilisation dans le chemin du mensonge de circonstance adossé à la flagornerie devenue une culture communautaire hégémonique.
Notons au passage qu'Abu Bakr sortit indemne et même vainqueur dans cette «munadhara». Il est un des rares savants et penseurs de son époque à avoir échappé à la 'mihna qui avait conduit bien d'autres au démembrement (Abdallah Ibn El Mouqafaa), à la crucifixion (El Hallaj),) à la pendaison (Errawandi et Sohrawardi), au bûcher (Essarakhsi), à l'empallement, et j'en passe. La liste est bien longue et il n'est pas sain de la reproduire. Mais, comment Abu Bakr a-t-il pu échapper à l'inquisition et s'en sortir la tête haute quand Galilée sera obligé des siècles plus tard, au temps de la Renaissance, de se dédire en reniant la vérité pour sauver sa peau. Tournera-tournera pas. Et pourtant elle tourne l'objet ou si vous voulez le sujet de la «munadhara» portait sur le système de vérité et de vérification dans les deux domaines, à savoir la science et la religion.
Au discours théologien de Fakhr Eddine qui affirmait péremptoirement que toute vérité est divine et relève exclusivement du pouvoir divin sans discussion mais ne nécessitant dans des conditions précises qu'un possible recours à l'interprétation par l'ijtihad qui garde toutefois toute sa relativité. De ce fait, Fakhr Eddine introduisait dans sa logique dogmatique une réserve de précaution qui n'ouvrait la voie à la confirmation de la vérité que par le canal de l'interprétation de qui de droit, à savoir les docteurs de la loi et de la charia (à savoir muphtis et autres théologiens dits oulamas de la dogmatique). Le jeu sembla fermé et l'affaire bloquée et conclue. (C'EST CE QUI SE PASSE CHEZ NOUS ACTUELLEMENT sur bien des questions politiques autant que sociales). Mais c'était compter sans la perspicacité du savant expérimentateur que fut Abu Bakr. Ce dernier, sans s'émouvoir outre mesure bien que sachant que nombre de savants et de penseurs avaient péri au prix de leur ténacité dans leurs certitudes académiques, rétorqua avec sagacité et sagesse et sans la moindre émotion ni confusion que la vérité dogmatique obéit à sa propre logique ternaire dogmatiquement figée (révélation, répétition, interprétation) cependant que la vérité scientifique est régie non par une logique formelle rigide mais par une dynamique méthodologie fondamentale quaternaire (observation, classification, expérimentation et explication). C'est ainsi que la science produite par les êtres humains ne saurait être infuse comme la prophétie réservée à certains élus mais qu'elle résulterait d'un travail acharné et continu sur la base d'hypothèses soumises à expérimentation ouvrant chapitre à une explication rationnelle et s'achevant sur une codification en paradigmes ouverts et toujours en attente de vérifications. Ce que confirmeront bien tardivement les grands spécialistes historiens de le pensée scientifique à l'instar de Alexandre Koyre, de Karl Popper et surtout du talentueux Thomas Samuel Khun. Or, dira Abu Bakr Errazi, la dogmatique religieuse ne tolère pas d'expérimentation qui pourrait conduire à des remises en cause de vérités anciennes par des résultats nouveaux. En cela même elle ne saurait nullement être expérimentale. Car toute innovation (ibda3 ou encore bid3a) en religion est proscrite alors que l'innovation est prescrite comme fondement même de la science expérimentale (voir le travail du germanisant Pauk Kraus). Pourquoi donc faire ce long détour pour revenir à deux jeunes Algéro-Français, nés en Algérie mais partis avec leurs parents en France (lire les raisons dans l'ancienne chronique publiée dans Le Soir d'Algérie de l'été 2013). Tout est parti ce matin du mois sacré de Ramadhan, quelque part dans les Hautes-Alpes de Haute-Provence du côté de Gap (05000) quand Yanis et sa sœur Sana réveillés plus tôt que les parents, patientèrent pour le petit-déjeuner en jetant le dévolu appétit du garçon sur un microscope posé sur un guéridon dans un couloir et Sana sur un livre de géographie pour enfants. Yanis, quant à lui, avait expérimenté le microscope dans sa classe à l'école de Thiais. Mais que pouvait-il observer dans un microscope ? Le secours de sa mère Maya, la doctoresse de l'ancien hôpital d'Alger dont elle fut évincée, victime d'une indigne et grave infraction au serment de Razi allait être nécessaire. Et tout partit d'une classification du monde entre ce que Pascal restructurant la dualité platonicienne de l'univers (sensible vs intelligible) recadra le système en un univers de l'infiniment petit et l'univers de l'infiniment grand. L'homme, dira-t-il, n'est entre ces deux univers «qu'un roseau, mais un roseau pensant» (sic).
-Yanis : Maman, à quoi sert le microscope ?
-Maman de Maya : à observer ce qui est petit.
-Yanis : Et la loupe?
-Maman de Maya : la loupe sert à grossir pour mieux voir ce qui est petit et près de nous.
-Yanis : et pour ce qui est loin et petit comme les étoiles.
-Sana (intervenant à son tour) : et avec quoi on observe ce qui est grand ?
-Maman de Maya : le télescope pour observer ce qui est loin et semble petit alors que c'est loin et grand.
-Yanis : comment ce qui est loin et petit peut être grand ?
-Maman de Maya : la distance donne l'impression que ce qui est grand est petit.
-Yanis et Maya : donne-nous un exemple s'il te plaît.
-Maman Maya : les étoiles sont des planètes tellement grandes qu'elles nous paraissent petites la nuit quand les rayons du soleil les touchent.
-Sana : mais maman, il y a alors des choses qui existent et qu'on ne voit pas et des choses qu'on voit et qui n'existe pas.
-Maman de Maya : oui.
-Yanis : comment ce qui est grand comme les planètes peut nous apparaître petit, comme l'exemple des étoiles dans le ciel.
-Maman de Maya : c'est la distance qui rend petit ce qui est grand et ce qui est visible invisible.
-Sana : c'est comme les bateaux au loin, on dirait des jouets.
-Maman Maya : oui si on veut.
-Yanis : donc on peut voir des choses petites alors qu'elles sont grandes?
-Maman de Maya: oui, les apparences sont parfois trompeuses.
-Sana : et comment on connaît la vérité des choses ?
-Maman de Maya : par le savoir, la connaissance et l'expérience scientifique.
-Yanis : est-ce que la vérité est la même pour tout le monde dans tous les pays?
-Maman de Maya : normalement, mais parfois ce n'est pas le cas.
-Yanis : pourquoi la vérité n'existe pas en Algérie dans le pays de Yemma et Djeddou, puisque tu étais médecin en Algérie et tu as dû partir en France. Parce qu'il y a des pays où la vérité est respectée et d'autres pays où elle n'est pas respectée.
-Sana : moi je voudrais devenir médecin comme toi et vivre dans un pays où il y a la vérité et où ne vivent que les gens qui s'aiment et aiment la vérité.
Et la vérité, un jour, est sortie de la bouche des enfants.
M. L. M.
* Vice-président du Conseil scientifique de l'académie des langues africaines.


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