Multiplication des feux de forêt en cette saison de grande chaleur, les accidents de la route en progression fulgurante et bien d'autres catastrophes auxquelles font face les hommes de la Protection civile avec une grande efficacité et surtout avec une remarquable discrétion. Une action au quotidien que tente de nous dévoiler le premier responsable de cette institution en l'occurrence le colonel El Habiri. Le Soir d'Algérie : Quels moyens déployez-vous pour lutter contre les incendies de forêt ? Le colonel Mustapha El Habiri : La stratégie de la Direction générale de la Protection civile en matière de lutte contre les incendies de forêt est basée sur deux principaux volets : Le volet préventif De nombreuses actions d'information et de sensibilisation sont menées en début d'année en direction de nos populations, notamment dans les zones rurales, afin d'inculquer aux citoyens la culture préventive. Ces actions concernent : - Les journées portes ouvertes au public — l'Organisation de caravanes locales et régionales de sensibilisation — les visites de contrôle préventif aux exploitations agricoles — la tenue de réunions de coordination de l'ensemble des intervenants avec le Comité national de Protection des forêts (CNPF). Sont prévus également la réalisation les travaux préventifs - installation des systèmes de surveillance au niveau des massifs forestiers afin de faciliter l'intervention des moyens de la Protection civile, tels que : - Ouverture et l'entretien des pistes à l'intérieur des forêts, la réalisation de tranchers pare-feu autour des exploitations agricoles, situées à l'intérieur des forêts, ainsi que des points d'eau répertoriés. - Désherbage des accotements des routes et des voies ferrées ainsi que les couloirs de traversées de lignes électriques. Le volet opérationnel : Un important dispositif opérationnel est mis en place au début de chaque campagne qui vient renforcer les unités d'intervention situées à proximité des massifs forestiers en moyens humains et matériels appropriés. 22 colonnes mobiles de lutte contre les feux de forêt sont installées, réparties à travers les wilayas à vocation forestière et agricole. Pour éviter l'éclosion les feux de récoltes, durant la saison moissons- battages, il est procégé à l'installation de dispositifs de proximité composés de moyens de lutte contre les incendies. A signaler également que des dispositifs préventifs à travers certains massifs forestiers sensibles, voire fortement fréquentés par les citoyens pour raison de loisirs, en particulier durant les périodes caniculaires, dans le but de prévenir l'éclosion des incendies. Enfin s'agissant d'un patrimoine national, économique et social, il y a lieu de procéder au renforcement des moyens humains et matériels de première intervention des brigades forestières afin de leur permettre une intervention rapide et efficace dès l'éclosion du feu. Dans quel cadre les six hélicoptères de la Protection civile sont exploités ? La Direction générale de la Protection civile a réceptionné six hélicoptères, de type Agusta-Westland 139, pour la création d'un groupement aérien ; ces hélicoptères seront utilisés dans diverses missions, qui relèvent du domaine de compétence de la Protection civile, à savoir : - Transport rapide des équipes d'intervention. - La reconnaissance et la transmission d'images. - Evacuation sanitaire des victimes - Le sauvetage dans les milieux périlleux et reculés - L'extinction des incendies de forêt. Ces six hélicoptères peuvent transporter jusqu'à 16 passagers et sont équipés de bamby buckets (citernes d'eau de 2500 litres). Deux hélicoptères sont dotés de caméras reliées au Centre national de coordination (CENAC) de la Direction générale de la Protection civile, afin de permettre de suivre en direct en temps réel toute intervention. Actuellement cette unité aérienne comprend : 24 pilotes en phase finale de qualification sur ce type d'appareils, 26 techniciens aéronautiques, une équipe d'hélitreuillage, une équipe de caméramansmachine et des opérateurs radio. L'ensemble de ces personnels ont bénéficié de formations spécialisées au niveau national et à l'étranger (Angleterre et Italie). Il est à signaler aussi qu'un hangar de stationnement pour ces hélicoptères est en cours de réalisation au niveau de l'aéroport Houari-Boumediene. Nous sommes en pleine saison estivale, c'est une période qui exige une grande mobilisation de vos troupes. Comment vous vous êtes organisé pour faire face à cette période ? Dès l'ouverture de la saison estivale, la Protection civile met en place d'importants moyens humains et matériels, nécessaires à la surveillance des plages et des baignades sur l'ensemble des plages ouvertes et autorisées au public. - L'ensemble de ces moyens sont mobilisés du 1er juin au 30 septembre pour assurer la sécurité des baigneurs et la quiétude des estivants. Bien entendu la campagne estivale est rigoureusement préparée par la Direction générale de la Protection civile qui organise des regroupements qui permettent d'évaluer les bilans de la campagne écoulée et de renforcer éventuellement par des moyens de secours, de sauvetage et d'évacuation si nécessaire. Pour la saison 2014, à travers les 14 wilayas côtières, 369 plages sur 589 ont été déclarées ouvertes à la baignade, 945 agents professionnels, 220 plongeurs, plus de 160 issus des wilayas de l'intérieur ainsi que des surveillants des plages saisonniers recrutés et formés en secourisme) juin : 2935 - juillet : 2935 - août : 3600 - septembre 2285. Ces effectifs sont répartis sur les postes de plage équipés de canots pneumatiques, d'embarcations semi-rigides, de bouées de sauvetage, pupitre de surveillance et matériel médical... Malgré les campagnes de sensibilisation à travers les médias, la presse écrite et parlée, les jeunes continuent à braver les dangers et à ne pas respecter les consignes de sécurité, la signalisation de l'état de la mer, les interdictions de se baigner dans les plages interdites, en dehors des heures de surveillance. Il faut le répéter chaque année, nous ne pouvons pas mettre un surveillant derrière chaque personne. Il faut rester vigilant. La Protection civile rencontre certaines difficultés dans l'accomplissement de sa mission notamment : - L'installation de parkings anarchiques et sauvages au niveau de plages interdites, le non-respect de la réglementation par des concessionnaires de plages (installations de tentes au bord de l'eau) qui gênent considérablement la visibilité des surveillants. - La pratique de jeux dangereux, les jet-skis. - L'absence de balisage... -Le manque de panneaux d'information et de sensibilisation. Comment avez-vous adapté la formation de vos équipes pour faire face aux situation de tremblement de terre ? Les grands séismes qui ont touché l'Algérie ces dernières décennies, notamment celui de Chlef (ex-El Asnam) en 1980, Aïn-Témouchent en 1999 et Boumerdès en 2003 ont permis aux pouvoirs publics et à la Direction générale de la Protection civile de tirer plusieurs enseignements en matière d'organisation et de coordination opérationnelle pour ce type de catastrophe. A ce titre, la Direction générale de la Protection civile a adopté depuis 2004 une organisation spécifique, permettant la création au niveau des 48 wilayas, de détachements de renfort et de première intervention «DRPI», composés chacun d'une soixantaine d'éléments et qui ont été formés en spécialité «sauvetagedéblaiement ».Ces équipes d'intervention ont été dotées d'équipements et de matériels de sauvetage et peuvent être mobilisées dans les deux heures qui suivent la catastrophe, afin d'être engagés en renfort vers la zone touchée par le séisme et soutenir les équipes d'intervention locales déjà en action. Aussi, ces équipes disposent, en cas de leur mobilisation, d'une autonomie totale de 8 jours en matière de restauration et de logistique, ce qui leur permet d'être indépendantes de toute prise en charge par la wilaya sinistrée. D'autre part, afin de maintenir en permanence l'état de pré-alerte des détachements de renfort et de première intervention «DRPI» des 48 wilayas, des exercices de simulation sont organisés au profit des effectifs composant ces détachements, pour tester leur réactivité et leur capacité de réponse immédiate en cas de catastrophe réelle. Par ailleurs, la Direction générale de la Protection civile entreprend chaque année des stages de formation dans le domaine du sauvetage- déblaiement au niveau national ; elle a mis sur pied plusieurs équipes cynotechniques pour la recherche des victimes ensevelies sous les décombres. Dans le cadre de la coopération internationale, la Protection civile a également formé des officiers spécialisés de haut niveau dans ce domaine. Les équipes de médecins de la Protection sont-elles assez formées en médecine de catastrophe ? La mission principale de la Protection civile étant la sauvegarde des personnes et des biens et cette mission nous l'assumons en tous lieux et en toutes circonstances. Nous savons tous également, que l'Algérie est confrontée, à l'instar des autres pays du bassin méditerranéen, à des mouvements des plaques tectoniques et des fluctuations hydro-climatiques, pouvant engendrer des risques naturels dévastateurs, tels que les séismes, les glissements de terrain et les inondations et qui menacent de façon considérable la population civile et le développement durable du pays. Pour cela, et pour assurer une meilleure réponse possible en cas de survenue d'une catastrophe, la Direction générale de la Protection civile a mis en place un système de formation depuis déjà une quinzaine d'années, au niveau de l'Ecole nationale de la Protection civile d'abord, puisque c'est elle qui reçoit les nouveaux médecins recrutés, puis au niveau des facultés de médecine d'Alger, Oran, Constantine et de l'Ecole nationale de santé militaire de Aïn-Naâdja qui nous assurent des formations post-graduées en médecine d'urgence, d'une durée de deux ans, pour l'obtention du certificat d'études spécialisées en médecine d'urgence. Ces deux formations permettront à nos médecins d'acquérir les techniques de soins en milieu extra-hospitalier. Tous les médecins de la Protection civile sont astreints à des stages de formation en médecine de catastrophe qui leur permettront de faire face aux situations d'urgences collectives. D'autres formations aussi ont été assurées aux médecins-chefs et faisant partie de la médecine de catastrophe, en l'occurrence la formation au commandement des opérations médicales et qui a pour objectif de former les médecins à l'organisation des secours médicaux en cas de catastrophe et au commandement des opérations de secours médicaux. Aussi, l'obligation de porter secours aux personnes en danger et de sauver les biens en péril dans le milieu marin, nous a imposés la nécessité d'envisager ce type de catastrophe et de former nos médecins en médecine hyperbare et en médecine d'urgence maritime capables d'intervenir d'assurer la gestion opérationnelle en milieu marin. Toutes ces mesures visent à assurer une prise en charge efficace et efficiente des victimes en cas de catastrophe. Les accidents de la route font de plus en plus de victimes. Comment vos équipes se sont-elles adaptées à cette réalité ? L'Algérie connaît actuellement un nombre considérable d'accidents de la route qui font chaque jour 15 morts et 200 blessés (source CNPSR). Afin de pouvoir faire face à cette hécatombe, la Protection civile a multiplié, le nombre d'unités d'intervention, comme les postes de secours routiers ou les postes avancés, notamment à proximité des points noirs, où les accidents de circulations sont plus fréquents et plus graves, en mobilisant davantage de moyens humains et matériels. La Protection civile joue également un rôle important dans la prévention routière et la sensibilisation des citoyens au respect des normes de sécurité. En effet, la prévention routière est l'affaire de tous, le conducteur doit en effet conduire pour lui-même et pour les autres. L'analyse des causes et différents facteurs qui sont à l'origine des accidents montrent que le facteur humain est considéré comme étant la principale cause des accidents et la principale menace sur la sécurité routière, plus de 80% des accidents de la circulation. Les accidents de la circulation sont déterminés par trois facteurs : Le facteur humain. Les statistiques montrent que l'excès de vitesse vient en tête de liste et engendre le plus souvent la perte de contrôle du véhicule, ensuite vient le non-respect des signalisations routières, la négligence des piétons, les manœuvres dangereuses des conducteurs, la consommation d'alcool ou de stupéfiants et l'utilisation du téléphone mobile. Le véhicule : Le véhicule peut être une cause directe des accidents, surtout s'il est accompagné de comportement non préventif, comme excès de confiance en soi pour le contrôle du véhicule. La route (ou l'environnement) : L'environnement est considéré comme un facteur à l'origine de la hausse des accidents, même s'il n'est pas la cause principale, le mauvais état des routes, l'absence de signalisation et d'éclairage peuvent provoquer des accidents, notamment lors des intempéries (pluies, vents violents, tempêtes de sable, brouillard...). Actions de sensibilisation : Les accidents de la route sont devenus un vrai fléau social, la montée effroyable des accidents de la circulation nous a poussé la Protection civile à multiplier les actions sur le thème de la prévention routière et la sécurité routière envers les conducteurs et des usagers de la route. - Participation à tous les événements en collaboration avec les différents secteurs concernés, comme le Centre national de prévention et de sécurité routière ; - Participation aux émissions de télévision et radio, comme les journées fil rouge organisées par la radio algérienne ; - Organisation de journées portes ouvertes, journées mondiales de la Protection civile, saison estivale... - Organisation de caravanes à travers toutes les wilayas. - La Protection civile suscite toujours autant d'engouement auprès des jeunes. Comment répondez-vous à cette sollicitation et avez-vous modernisé la formation pour vous adapter aux nouveaux risques ? Certes la Protection civile a toujours été très appréciée par toutes les franges de la population et toutes les tranches d'âge, du fait de sa présence dans tous les domaines de la vie courante. Devant la recrudescence des accidents de tout genre et la récurrence des catastrophes naturelles et technologiques la Direction générale de la Protection civile a consenti un effort constant et régulier de modernisation de ses services opérationnels et un développement organisationnel et fonctionnel du secteur. Depuis plus d'une décennie, la Direction générale de la Protection civile a mis en place les conditions primordiales de valorisation du volet recrutement intensif et formation pour permettre une meilleure prise en charge de ses missions et d'assurer toutes les interventions en conformité avec les dernières méthodologies opérationnelles européennes. A cet effet, les cycles de formation dispensés doivent répondre aux exigences suivantes : - La Protection civile doit toujours s'adapter et se développer en fonction des politiques publiques de développement, notamment dans le domaine de la prévention des risques technologiques et industriels, climatiques urbanistiques. Pour cela, la refonte des programmes de formation est suivie avec une attention toute particulière, pour être au diapason de toutes les nouvelles technologies. Le relèvement des niveaux de recrutement pour l'ensemble des corps de la Protection civile devient alors une nécessité afin de réaliser le programme de modernisation. L'ensemble des agents, cadres et officiers de la Protection civile est soumis, au cours de leur carrière à une formation continue, des cycles de recyclage, perfectionnement dans l'ensemble des domaines de la Protection civile, au niveau de l'Ecole nationale de la Protection civile, des établissements de formation nationaux ou étrangers au titre de la coopération internationale. Des travaux de recherches dans les domaines de la prévention, de l'intervention, de la gestion et la coordination opérationnelle sont développés en collaboration avec les universités et des experts nationaux ou étrangers pour faire face aux nouveaux défis. Qu'est-ce qui a motivé la Direction générale de la Protection civile à organiser une campagne nationale de formation au secourisme ? Quel est le but de cette formation ? Il était grand temps pour nous d'initier nos concitoyens au geste qui sauve, car la sécurité est une affaire de tous, elle n'est pas uniquement celle de la Protection civile et tout citoyen doit pouvoir porter secours. Nous avons constaté à travers les interventions effectuées par nos équipes sur le terrain, que l'Algérien est solidaire et animé de bonne volonté, laquelle doit être accompagnée d'un savoir-faire nécessaire. C'est de l'efficacité du premier geste effectué par le premier témoin de l'accident que dépendra la survie de la victime en réduisant les séquelles post-traumatiques et conditionner le devenir d'un blessé. C'est ainsi qu'une formation de 21 jours a été initiée depuis novembre 2010, à travers l'ensemble des unités de la Protection civile du territoire national, sous le slogan de «Un secouriste par famille». A ce jour, nous avons formé 61 689 secouristes dont 9 937 femmes, formés aux rudiments du secourisme, organisés et structurés en groupes, auxquels nous assurerons un complément de formation théorique et pratique relatif au travail de groupe et aux interventions de grande envergure. Cette implication consiste pour nous à constituer une armée de secouristes volontaires de réserve, capable d'intervenir au temps risque zéro, c'est-à-dire le temps qui sépare le début de la catastrophe. Monsieur le Directeur général, la Protection civile a connu un développement considérable ces dernières années, quel est le secret de cette réussite ? Je crois pouvoir vous dire qu'il n'existe aucun secret dans cette réussite, si ce n'est le travail, l'engagement, la persévérance, l'efficacité et la discrétion, ajoutez à cela la mise à disposition de ma très longue expérience dans l'organisation et le commandement des hommes. Comme vous le savez, je suis «un poilu», toujours en vie, issu de l'Armée de libération nationale (ALN) que j'ai rejoint très tôt pour servir la Révolution, puis j'ai servi pendant de nombreuses années dans les rangs de l'Armée nationale populaire (ANP) où j'ai été parmi les pionniers à avoir contribué à la création de l'ANP. Après avoir fait l'Académie de Cherchell puis celle de Frounzé (ex-URSS) école d'état-major, j'ai occupé plusieurs postes de grandes responsabilités toujours au sein de l'ANP, bataillon, brigade, grandes écoles. C'est avec une grande fierté que j'ai mis toute cette expérience cumulée au fil des années, au profit de la Protection civile. Je voudrais remercier son Excellence Monsieur le Président de la République de m'avoir honoré de sa confiance en me confiant la modernisation d'un secteur noble et stratégique. Conscient de cette lourde responsabilité, j'ai œuvré sans relâche pour redonner à la Protection civile la place qui était la sienne. Actuellement, l'on peut dire que ces efforts n'étaient pas vains au vu des résultats obtenus avec les jeunes cadres et officiers de valeur ; le niveau de professionnalisme atteint pas la Protection civile tant au niveau national qu'international où la valeur de ce secteur a été reconnue de niveau européen, fait la fierté de cette institution. Je voudrais également adresser mes remerciements aux pouvoirs publics et à toutes les institutions de l'Etat et particulièrement le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales pour son soutien et toute l'aide qu'il a pu apporter, grâce à laquelle nous sommes arrivés à une meilleure organisation structurelle et fonctionnelle. A ce titre, il y a lieu de souligner la constance et l'effort consenti pour rapprocher les services de la Protection civile du citoyen et d'être un service de proximité à l'écoute des besoins et des sollicitations de nos populations. Pour cela, il a fallu organiser durant ces dernières années, un recrutement intensif, une formation poussée, l'acquisition de nouveaux matériels performants et de dernière génération, la construction de nombreuses unités d'intervention sur le territoire national. Actuellement la Protection civile compte 60 000 hommes, c'est une véritable armée de secours, qui peut être mobilisée à tout moment. L'amplitude des missions de la Protection civile nous impose une constante adaptation, tant au plan de la prévention que celui des opérations, car le monde bouge et les technologies évoluent.