Le 19e Salon international du livre d'Alger aura lieu du 30 octobre au 8 novembre au Palais des expositions. Parmi les 267 éditeurs algériens, nous vous proposons un zoom sur les nouvelles de Koukou Editions. Les Editions Koukou, dirigé par le journaliste et militant Arezki Aït Larbi, seront présentes avec quatre nouvelles publications sur lesquelles nous reviendrons en détail prochainement. L'une des plus importantes est sans doute la réédition du livre Heureux les martyrs qui n'ont rien vu de Mohand-Aârav Bessaoud, fondateur de l'Académie berbère et fervent opposant au régime algérien dès l'indépendance. Son livre, paru en 1963, lui a d'ailleurs valu un mandat d'arrêt lancé contre lui par la police politique, qui le pousse à rejoindre le maquis insurrectionnel du FFS la même année. Heureux les martyrs qui n'ont rien vu est un pamphlet sans concession et riche en révélations sur certains aspects de la guerre de Libération nationale. Il s'attaque notamment au clan d'Oujda, cite les dérives de Boumediène et de Boussouf et dresse un pronostic pessimiste pour l'avenir du pays dont l'indépendance fut, selon lui, confisquée par des rapaces avides de pouvoir. A souligner que c'est dans ce livre que l'assassinat de Abane par ses frères d'armes a été évoqué pour la première fois alors que la version officielle de l'époque soutenait encore sa mort «au champ d'honneur». Mieux : Mohand-Araâv Bessaoud fut aussi le premier à mettre en doute les circonstances de l'assassinat du colonel Amirouche et de Si El Houès... Pour la couverture de cet ouvrage, l'éditeur choisit à dessein l'une des photographies les plus éloquentes et les moins flatteuses jamais utilisées par les services de communications du régime actuel. Il s'agit de la fameuse photo prise le 1er novembre 2012 où l'on voit quatre hauts responsables de l'Etat se partager un grand gâteau représentant le drapeau algérien dans une pièce où sont accrochés au mur les portraits de Krim Belkacem, Didouche Mourad et Mustapha Ben Boulaïd ! Le stand de Koukou Editions proposera également le témoignage de Zoulikha Bekaddour, membre du bureau de l'Union générale des étudiants musulmans algériens (UGMA) qui avait lancé l'appel du 19 mai 1956. Intitulé Ils ont trahi notre combat, ce livre revient sur le parcours militant de l'auteure durant la guerre de libération mais aussi son combat pour l'égalité homme-femme après l'indépendance. «En décidant de me raconter, je lève le voile du silence pour que cesse la mascarade entretenue par un code ‘‘infâmant'' qui réduit la femme au rôle d'éternelle mineure. Je caresse l'espoir, bien téméraire, que les hommes avec lesquels nous avons combattu comme citoyennes à part entière liront ces lignes sans crier à la subversion. Je considère que certains d'entre eux ont trahi notre combat», lit-on dans la quatrième de couverture. Là encore, la jaquette de l'ouvrage ne laissera pas indifférent : il s'agit d'un détournement du célèbre tableau d'Eugène Delacroix La liberté guidant le peuple. On voit ainsi une femme aux seins dénudés accompagnée d'un gavroche marchant sur les cadavres des soldats ennemis et brandissant... le drapeau algérien ! Et comme pour parachever le tour d'horizon politique, Koukou publie également le livre de l'universitaire Aomar Aït Aïder intitulé L'université, le chaos – Un professeur témoigne sur la soumission des élites. Il y fustige la corruption et l'incompétence qui règnent en maître sur l'université algérienne et notamment l'université Mouloud- Mammeri de Tizi-Ouzou où l'auteur enseigne la physique. «La réflexion de Aomar Aït Aïder ne se nourrit pas de concepts que l'on se complaît à déployer habituellement sur ce sujet, souvent pour éviter de soulever des questions qui paraissent insurmontables. Son approche, elle, se nourrit de son expérience personnelle, de son vécu dans l'institution. Dans ce livre où la part du témoignage – parfois au sens quasi religieux du terme – est essentielle, il cherche à comprendre l'origine du mal, à en débusquer les symptômes jusque dans la topographie du site qui abrite l'établissement auquel on accède par un «chemin qui monte». Un établissement dont la soumission ou, à tout le moins, le contrôle politique est essentielle pour un système qui ne survit que par ses clientèles...», lit-on sur le texte de présentation. Enfin, sur un autre registre, le quatrième nouvel ouvrage disponible au Sila est une thèse de doctorat soutenue à la Sorbonne par Ali Chibani sur Tahar Djaout et Lounis Aït Menguellet : temps clos et ruptures spatiales. De l'anza à l'esprit d'asefru. L'auteur, également poète, y traite de la perception de l'espace-temps dans les textes de Djaout et d'Aït Menguellet qui ont en commun le thème littéraire du «Retour du même», un des concepts développés dans la philosophie de Nietzsche. Ali Chibani relie l'œuvre des deux poètes algériens au contexte historique algérien : «On découvre que l'Algérie n'a fait que passer d'une violence à une autre, d'une forme de domination à une nouvelle (...) Quelles sont les stratégies poétiques qui permettent aux deux poètes de se positionner face à cette réalité historique et aux traumatismes qu'elle provoque ?»