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VIRUS EBOLA
La faisabilité d'un vaccin est raisonnablement envisageable
Publié dans Le Soir d'Algérie le 10 - 11 - 2014


«Le péril s'évanouit quand on ose le regarder.»
(François René de Chateaubriand, 1768-1848, écrivain et homme politique)
Désormais, nous avons à combattre une épidémie massive et inédite, qui a déjà touché près de 10 000 personnes dont la moitié sont mortes. C'est plus que toutes les épidémies précédentes et davantage que lors des épidémies de grippe aviaire et de coronavirus. Nous sommes aujourd'hui à un moment-clé, confrontés à une épidémie d'une gravité exceptionnelle, qui progresse désormais de manière exponentielle : 150 cas par jour. Il s'agit d'une urgence de santé publique mondiale.
Ebola est un virus de catégorie 4, donc à risque maximal. Un malade diagnostiqué porteur du virus fait l'objet d'un signalement à l'Organisation mondiale de la santé dans les vingt-quatre heures, en application du Règlement sanitaire international. Le sous-type à l'origine de l'épidémie actuelle est le plus virulent. Le réservoir naturel du virus est mal connu. Il pourrait s'agir de chauves-souris ou de déjections infectieuses contaminant d'autres animaux de la forêt tropicale, notamment des mammifères comme les grands singes, chimpanzés et gorilles.
Le virus est transmis par contact direct avec le sang, les tissus ou les liquides biologiques (vomissement, diarrhée, urine) des personnes infectées, notamment lors des rites funéraires. Ces derniers ont un rôle particulièrement important dans la propagation de la maladie, car il est extrêmement difficile, pour des raisons culturelles, d'empêcher qu'ils soient pratiqués. Le virus se transmet également par la consommation de viande de brousse, d'animaux infectés.
Il n'y a pas de transmission respiratoire chez l'homme ; il y a donc peu de risque de contracter le virus lors d'un voyage en avion. L'incubation est de 2 à 21 jours. Durant cette période, le malade n'est pas contagieux. La contagiosité apparaît avec les symptômes et augmente avec le temps et la gravité des signes, lorsque surviennent vomissements et hémorragies. La létalité (mortalité) observée est très élevée : plus de 50%, avec des variations assez fortes selon les pays. Aujourd'hui, il n'existe ni vaccin ni traitement curatif antiviral efficace et disponible sur le marché. Néanmoins, le traitement symptomatique, dès lors qu'il est administré en urgence, permet de réduire significativement la mortalité. Ce traitement comprend des soins intensifs, une réhydratation adaptée et une surveillance rapprochée. Des vaccins expérimentaux sont actuellement testés pour être utilisés dès que possible. Nous en parlerons dans la présente contribution. La communauté internationale s'agite et semble s'armer d'une marche forcée aux fins d'aboutir rapidement à un traitement de la fièvre hémorragique déclenchée par l'infection avec le virus Ebola. A Genève (Suisse), au sein de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), à Winnipeg (Canada), au sein de l'agence de santé publique, à Atlanta (Etats-Unis), au sein du Centre de contrôle des maladies (CDC ou «Center of diseases control») et à Lyon (France), au sein du Laboratoire P4 «Jean Mérieux» de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).
À Genève
Un cap vient d'être franchi puisqu'on est à présent à 10 000 personnes dans le monde qui sont contaminées et dont près de 5 000 sont déjà décédées. Une des urgences, c'est évidemment de trouver des traitements efficaces. Plusieurs vaccins sont prêts à être testés en Afrique de l'Ouest, aux Etats-Unis et en Suisse. Des vaccins prêts et testés à grande échelle : la communauté internationale semble prête à donner un «coup d'accélérateur» à la lutte contre le virus Ebola. En décembre, dans un mois, les trois pays les plus touchés devraient recevoir des kits de tests. S'ils sont concluants, des milliers de doses pourraient être envoyés en Afrique de l'Ouest d'ici la fin du premier semestre 2015. «Le vaccin n'est pas une potion magique. Mais une fois prêt, il saura mettre un terme à l'épidémie. Evidemment, les travailleurs humanitaires, c'est-à-dire ceux qui sont en première ligne, tout comme les équipes d'inhumation, seront prioritairement testés. Les tests sont en cours aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne et au Mali. Il y a urgence car l'épidémie a franchi le cap des 10 000», a déclaré récemment Marie-Paule Kieny, sous-directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). En vue d'enrayer la fièvre hémorragique, l'Union européenne augmente son aide à 1 milliard d'euros. Jusqu'à présent, le traitement consistait à transfuser le sang d'une personne guérie à une personne malade avec l'idée que les anticorps présents dans le sang utilisé puissent bloquer le virus. En 1985, cette technique a déjà été testée sur plusieurs patients avec succès. Une technique simple à appliquer. Il s'agit de la première approche basée sur la sérothérapie passive (les anticorps contre le virus générés par un patient guéri sont transférés à un patient nouvellement infecté). Un procédé «ancêtre» en quelque sorte de la vaccination laquelle est bel et bien un procédé conférant une immunité active (ici, les anticorps générés contre le virus sont produits par le patient lui-même suite à une injection d'une dose vaccinale des antigènes du virus).
À Winnipeg
Un vaccin expérimental contre le virus Ebola mis au point au Canada va être prochainement testé sur des êtres humains aux Etats-Unis. Au cours de la première phase de cet essai clinique, le vaccin sera administré à un petit groupe de personnes en bonne santé à l'hôpital militaire «Walter Reed Army Institute of Research» à Silver Spring dans le Maryland (est des Etats-Unis). Cet essai clinique de phase 1 sera mené pour déterminer l'innocuité (effet nuisible), la dose appropriée et les effets secondaires potentiels de ce vaccin expérimental. Le gouvernement canadien a fourni 20 doses de ce vaccin (rVSV-ZEBOV), développé par l'agence de santé publique du Canada à Winnipeg, dont la licence de commercialisation est détenue par la société américaine «New Link Genetics». Les premiers résultats devraient être disponibles en décembre 2014, selon le ministère canadien de la Santé qui mise sur les progrès de la recherche sur ce vaccin expérimental et qui seront utiles à la lutte contre la propagation d'Ebola dans le monde. En effet et jusqu'ici, les tests menés sur des animaux par les chercheurs canadiens se sont avérés très prometteurs, selon les responsables de la santé au Canada. En août, le Canada déclare faire don de près de 1 000 doses de ce vaccin expérimental à l'Organisation mondiale de la santé. Le gouvernement canadien a en effet livré, ce 20 octobre, son vaccin expérimental contre le virus Ebola à l'OMS. Les huit cents doses de vaccins fabriqués au laboratoire national de microbiologie de Winnipeg vont être testés cliniquement dans les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Les essais chez l'homme devraient commencer en Suisse début novembre.
À Atlanta
Au Centre de contrôle des maladies («Center for disease control» ou CDC) infectieuses d'Atlanta en Géorgie (Etats-Unis), de nombreuses questions se posent concernant le renforcement des équipes en Afrique de l'Ouest. La question des mutations (changements génétiques) possibles du virus se pose aussi. Des réunions quotidiennes permettent à ces équipes américaines de suivre la progression du virus Ebola. Il s'agit de la plus grave fièvre Ebola jamais enregistrée. Le nombre de cas Ebola répertoriés a dépassé les prévisions.
Des avancées dans le sens que le vaccin le plus avancé en termes de développement est un vaccin mis au point par la firme anglaise GSK (GlaxoSmithKline). Le vaccin a déjà été testé chez les animaux avec des résultats «excellents». Un consortium va être bientôt formé avec des professionnels qui travaillent au «National institure of health» (NIH) aux Etats-Unis, et peut-être d'autres en Angleterre ainsi que d'autres agences qui s'intéressent au développement des vaccins. Et avec GSK, la phase d'essais cliniques va être entamée. En Grande-Bretagne, le «Medical research council» britannique, associé au ministère britannique pour le Développement international et au «Wellcome Trust», participe au financement de ce projet (à hauteur de 3,5 millions d'euros). Aux Etats-Unis, le vaccin a été développé par le ministère de la Défense et la société italo-suisse Okairos, acquise par GSK en 2013.
Il s'agit bien ici d'un vaccin préventif, administrable par voie intramusculaire. Il vise à induire, chez la personne vaccinée une quantité suffisante d'anticorps efficaces contre une protéine de surface du virus. La réponse protectrice induite par le vaccin pourrait également jouer, pour une large part, sur la réponse cellulaire (lymphocytes T). Le candidat vaccin a été élaboré à partir d'une souche atténuée d'un virus animal (un adénovirus du chimpanzé type 3–ChAd3) vecteur, ici, de la protéine du virus Ebola. Le vaccin vise à protéger à la fois contre les souches virales Zaïre et Soudan. Les responsables du programme vaccinal insistent pour dire que, du fait de sa composition, ce candidat vaccin ne peut en aucun cas déclencher une forme, même atténuée, de la maladie.
Aux Etats-Unis, les premiers essais animaux effectués sur des singes ont été concluants. En effet, 40 singes ont été testés dont la moitié a reçu le candidat vaccin et l'autre moitié a reçu un placebo (un soluté qui ne contient pas le vaccin). Les deux groupes ont été ensuite inoculés avec une dose de virus Ebola. Les animaux du groupe traité avec le placebo ont développé la fièvre hémorragique à Ebola et y ont succombé. Les animaux du groupe traité avec le candidat vaccin ont survécu à l'épreuve.
Un premier essai de phase 1, chez l'homme, va être lancé dans quelques jours à Bethesda (Maryland). Il concernera 20 volontaires en bonne santé, âgés de 18 à 50 ans. Il s'agit de vérifier, sur une période de quatre mois, l'innocuité du vaccin. Un autre essai est programmé au Canada et chez des militaires américains. Dans le même temps, les premiers essais cliniques chez l'homme débuteront dans quelques jours sous le contrôle de l'Université d'Oxford, en Grande-Bretagne, en Gambie et au Mali. Ils concerneront 120 volontaires (40 Britanniques, 40 Gambiens et 40 Maliens). En effet, le Mali et la Gambie sont les deux pays qui ont été retenus, de préférence aux pays africains touchés (Guinée, Liberia, Sierra Leone et Nigeria), et ce, compte tenu de l'absence, dans ces derniers, de structures sanitaires qui permettraient de mener ces essais avec la rigueur nécessaire. Des contacts sont toutefois en cours entre les responsables américains et leurs homologues nigérians pour lancer une expérimentation dans ce pays. Le consortium britannique a demandé à GSK de disposer d'au moins 10 000 doses pour lancer un premier programme vaccinal dans les pays concernés si ces premiers essais s'avèrent concluants.
À Lyon
La France s'est lancée également dans la course au vaccin au niveau d'une équipe lyonnaise qui développe un vaccin expérimental où des fortes doses devraient être administrées aux patients pour garantir son efficacité. Un inconvénient qui n'effraie pas l'équipe lyonnaise car ce vaccin est facile à produire en grandes quantités. Le problème qui se pose actuellement, pour ces chercheurs français, est la crainte de ne pas recevoir les fonds nécessaires pour poursuivre le développement du vaccin. Trouver un vaccin contre le virus Ebola, dans le monde entier, est une course contre la montre qui s'est engagée. A Lyon, cette course s'apparente davantage à un marathon. En effet, déjà depuis treize ans une équipe Inserm travaille quotidiennement sur le virus Ebola. Deux bases de vaccins ont d'ailleurs été mises au point en collaboration avec des chercheurs canadiens, américains et australiens. Ces deux virus ont montré d'ailleurs de bons résultats chez le singe et constituent potentiellement des stratégies vaccinales qui pourraient être développées pour un usage chez l'homme mais on est loin encore de connaître exactement tous les risques associés à ces vaccins.
Les recherches se concentrent désormais sur une troisième génération de vaccin facilement productible à grande échelle.
Des manipulations très risquées sont effectuées dans la laboratoire de confinement physique de type 4 (laboratoire P4) ultra-sécurisé de Lyon. Ainsi, une dizaine d'antiviraux sont testés en tant que médicaments potentiels contre Ebola. On est encore loin de la ligne d'arrivée car la mise sur le marché d'un vaccin efficace pourrait prendre encore quelques mois, voire quelques années. Par ailleurs, c'est dans ce même laboratoire P4 que vient d'être validé un nouveau test de diagnostic d'Ebola où en moins de 15 minutes, une personne peut savoir si elle est oui ou non contaminée par le virus.
La recherche : réponse immune précoce et contrôle de l'infection
Le génome (patrimoine génétique) du virus Ebola étant très stable au fil du temps et des chaînes de transmission, un moyen de vaccination est donc envisageable.
Aussi, de nombreux modèles animaux (primates non humains, cobaye, souris) sont sensibles à l'infection par le virus Ebola et reproduisent une pathologie similaire à celle qui est observée chez l'homme. Cependant, la nécessité de manipuler ces modèles en laboratoire à sécurité maximale (laboratoire de confinement physique type 4 ou P4) a été un frein majeur aux études expérimentales et a limité la compréhension de la physiopathogénie (mécanismes de déclenchement d'une pathologie) de l'infection car l'utilisation expérimentale du virus tué ou atténué n'induit pas de réponse immunitaire. Il faudrait travailler avec du virus vivant.
Les macrophages (catégorie de globules blancs fonctionnant comme un cheval de Troie) sont les premières et principales cibles virales, permettant ainsi la dissémination du virus dans la rate, les ganglions lymphatiques, le foie et les poumons où il se réplique (multiplie) activement. La survenue des premiers symptômes est étroitement corrélée avec l'apparition de la virémie (présence de virus dans le sang). Ensuite, l'infection se généralise à d'autres cellules (fibroblastes, hépatocytes, cellules endothéliales) et induit des changements physiopathologiques sévères (atteinte hépatique, troubles de la coagulation, hypotension, choc hypovolémique et hémorragies multiples) aboutissant à la mort des patients. En fait, la vitesse des «dégâts» causés par le virus Ebola va plus vite que celle des cellules immunitaires.
Parallèlement aux effets cytopathogènes (lésions cellulaires causées directement par le virus) directement liés à la réplication virale, l'infection par le virus Ebola, lorsqu'elle est fatale, s'accompagne de profondes altérations du système immunitaire. Ainsi, il a été montré récemment que, dans le cas d'infections mortelles, seul un tiers des patients parvient à produire de faibles taux d'IgM (anticorps) spécifiques du virus Ebola et aucune réponse IgG spécifique n'est détectée jusqu'à la mort, suggérant que la réponse humorale est altérée chez ces patients.
L'amplitude et la durée des épidémies récentes dues au virus Ebola suggèrent un mode de transmission répété, peut-être une conséquence de la transformation des écosystèmes qui favorise le contact entre l'homme et le réservoir naturel encore inconnu.
Avec un tel tableau clinique et épidémiologique, la vaccination semble la stratégie de lutte la plus appropriée.
Déjà en 2000, deux équipes américaines (N.J. Sullivan et Nabel G) ont abordé avec succès la piste vaccin contre le virus Ebola. Ces chercheurs ont réussi à protéger des macaques cynomolgus contre le virus Ebola en leur injectant de l'ADN (génome) viral. Puis, dans une première injection de rappel, un vecteur adénoviral (virus du rhume utilisé pour véhiculer certains gènes du virus Ebola) codant pour des protéines virales. Ce procédé d'immunisation génétique, qui agit à la fois sur les réponses immunitaires cellulaire et humorale, a déjà été testé avec plusieurs autres agents pathogènes. On pense que les cellules transfectées (cellules ayant incorporé un gène provenant d'un autre organisme) par l'ADN présentent au système immunitaire des protéines virales néosynthétisées (nouvellement fabriquées) comme s'il s'agissait d'une réelle infection et que cela s'effectue dans un contexte d'immunostimulation provoqué par la seule présence de l'ADN lui-même. L'injection de rappel avec un adénovirus recombinant (un virus du rhume dans lequel on a inséré des gènes du virus Ebola) incapable de se multiplier mais permettant la synthèse de la glycoprotéine d'Ebola a pour but de stimuler encore plus la production d'anticorps. En effet, la protection des rongeurs, comme le cobaye, contre le virus Ebola est proportionnelle à la quantité d'anticorps produits par les animaux. Les auteurs ont d'abord prouvé l'efficacité de leur stratégie vaccinale chez le cobaye avant de vacciner les primates (singes). En effet, les essais chez le macaque ont une meilleure valeur prédictive car ces singes peuvent être infectés directement avec les souches d'Ebola qui contaminent l'homme et la maladie se développe de manière assez comparable.
Les résultats sont spectaculaires. L'immunisation génétique, avec de l'ADN d'Ebola codant pour les protéines structurales de plusieurs isolats viraux issus de régions géographiques différentes, engendre une forte réponse immunitaire chez les primates traités qui survivent à l'injection d'une dose létale de la souche Ebola Zaïre issue du sous-type viral qui entraîne le plus fort taux de mortalité pour l'homme. Cela est très encourageant même si les auteurs n'ont pas étudié en détail les mécanismes de la protection et si la dose test utilisée lors de l'infection post-vaccinale est faible. On ne sait pas en effet si les animaux auraient survécu à une dose infectante plus forte, proche de celle des conditions présumées de l'infection humaine. Aujourd'hui, on sait que les fièvres hémorragiques virales ont une dose infectieuse de 1 à 10 organismes aérosolisés (particules virales mises en suspension et propulsées dans l'air par l'intermédiaire d'un aérosol) chez les primates non humains. Malgré l'extrême pathogénicité (pouvoir d'un micro-organisme à causer une maladie) du virus Ebola, 25% à 35% des patients survivent à l'épisode aigu et guérissent de l'infection en l'absence de tout traitement. Chez ces patients, le mode de contamination et la période d'incubation sont semblables à ceux des sujets qui succombent. Ces patients ne se distinguent pas non plus sur le plan clinique au début de la maladie. En effet, durant cette période, ils présentent les mêmes symptômes que les patients décédés (fièvre, asthénie, diarrhée, douleurs et vomissements), tandis que certains signes hémorragiques (hématurie, méléna ou évacuation dans les fèces de sang noir) sont souvent observés. Il en est de même sur le plan virologique, puisque l'antigénémie (présence d'antigènes viraux dans le sang) et la virémie (présence de virus dans le sang) sont semblables les deux premiers jours de la phase symptomatique. Cependant, 3 à 5 jours après l'apparition des symptômes, l'antigénémie et la charge virale circulante commencent à diminuer pour devenir indétectables au moment de la convalescence. Ces observations, associées à l'extrême stabilité génétique du virus entre les différents types de patients et au cours du temps, suggèrent que la protection résulterait d'une réaction de l'hôte plutôt que de l'infection par une souche virale défectueuse ou atténuée. Il a été montré que ces patients, en convalescence, présentent une réponse immune radicalement différente de celle qui est observée si l'infection était fatale. La réponse humorale (réponse par les anticorps) se met en place très précocement, puisque des taux significatifs d'IgM spécifiques du virus Ebola sont présents dès l'apparition des symptômes. Les IgG spécifiques apparaissent également dès le début de la phase symptomatique et atteignent rapidement des titres élevés.
Quant à la réponse cellulaire, elle se distingue de celle observée lors de l'infection fatale par son apparition plus tardive et l'absence de sécrétion massive d'interféron gamma (puissant antiviral sécrété par les cellules immunitaires). La chute de l'antigénémie étant corrélée à l'apparition des IgG spécifiques (réponse immune humorale), ces anticorps semblent avoir un rôle primordial dans le contrôle de l'infection, tandis que la réponse immune cellulaire serait probablement impliquée dans l'élimination des cellules infectées.
Contrôle et prévention
En l'absence de traitement et de vaccin, les mesures d'hygiène générale représentent la seule arme des personnels de santé pour lutter contre la progression d'une épidémie.
Dans un premier temps, un cordon sanitaire est mis en place autour des foyers épidémiques afin de limiter au maximum la contamination des personnes extérieures au cours d'échanges entre les populations touchées des foyers épidémiques primaires et celles des zones extérieures saines.
Dans un second temps, la stratégie de prévention est basée sur le diagnostic rapide des cas et l'isolement des malades afin de briser les chaînes de transmission.
Une fois le diagnostic clinique établi, les cas suspects sont isolés et reçoivent dans la mesure du possible des traitements palliatifs prophylactiques et curatifs. Le traitement des symptômes inclus du paracétamol, des antiémétiques, des antispasmodiques et des antipsychotiques. En l'absence de confirmation en laboratoire, les patients reçoivent également des antibiotiques et un traitement antipaludéen. Le personnel de santé est formé sur le terrain pour l'utilisation correcte des équipements de protection. Les soins aux malades se donnent en étant équipé de blouse, gants, masque et surchaussures jetables. Le matériel médical, les vêtements, déchets et locaux souillés sont systématiquement désinfectés avec une solution d'hypochlorite de sodium (eau de Javel).
Quant à sa sensibilité aux produits désinfectants, le virus Ebola est sensible à l'acide acétique à 3%, au glutaraldéhyde à 1%, aux produits à base d'alcool, à des dilutions d'eau de Javel à 5,25% pendant au moins 10 minutes et à l'hypochlorite de calcium (poudre de blanchiment). Selon les recommandations de l'OMS concernant le nettoyage des déversements de sang ou de liquides corporels, lorsque les surfaces contaminées peuvent tolérer un contact avec de puissants agents de blanchiment (comme les surfaces en ciment ou en métal), il faut les mouiller abondamment avec une solution d'eau de Javel à 5,25% diluée à 1/10 et laisser agir 10 minutes. Enfin, un réseau de surveillance des individus ayant eu un contact avec un malade et de l'apparition de nouveaux cas est mis en place par les médecins présents sur place assistés par les volontaires des organismes humanitaires (Croissant-Rouge, Croix-Rouge, etc.)
Pour en savoir plus sur le laboratoire P4
Les recherches sur le virus Ebola et organismes similaires doivent obligatoirement être effectuées au sein d'un laboratoire de type P4. Le laboratoire P4 est un laboratoire de haut confinement dédié à l'étude des agents hautement pathogènes (de classe 4*). Le niveau de sécurité biologique qui y est appliqué est de 4, niveau le plus élevé. Les chercheurs y travaillent équipés d'un scaphandre maintenu en surpression pour les protéger de toute contamination. Le laboratoire est lui-même maintenu en dépression afin de protéger l'environnement. De plus, tous les déchets produits sont totalement inactivés et l'air extrait est purifié par un système de double filtration absolue. Ce laboratoire est encore aujourd'hui la structure de ce niveau de confinement offrant la plus grande capacité d'expérimentation dans le monde.
(*) Les agents pathogènes de classe 4 (ou de groupe de risque 4) sont des micro-organismes hautement pathogènes caractérisés par un taux de mortalité très élevé, l'absence d'outils prophylactiques ou thérapeutiques pour s'en protéger et leur facilité de transmission. Les agents pathogènes de classe 4 connus à ce jour sont tous des virus responsables notamment de fièvres hémorragiques ou d'encéphalites. On compte parmi eux les virus Ebola, Marburg, Lassa, Junin, Machupo, Guanarito, Sabia, Crimée-Congo, Nipah et Hendra.
Nul n'est à l'abri : s'y préparer
L'épidémie peut être maîtrisée. Elle touche de vastes régions africaines peuplées, démunies et à très faible densité médicale. Le risque de propagation aux pays limitrophes est élevé. Il faut composer avec une difficulté majeure d'accès aux soins, un système de surveillance très insuffisant et une capacité de réponse modeste des pays touchés. En effet, de nombreux points faibles plus ou moins identifiés existent. Notre pays n'est pas à l'abri d'une contamination.
En effet, les récents cas d'Ebola en France et en Espagne sonnent plus que jamais le tocsin. Un danger imminent guette le territoire algérien car il est cerné, au sud, par l'Afrique sub-saharienne très touchée et, au nord, par les rives de la Méditerranée, touchée à son tour par des cas en augmentation croissante des cas de contamination. Il est sûr et attendu que des cas se déclareront dans un avenir proche dans notre pays. Aussi, il va falloir s'attendre à un effet de panique et de psychose chez la population. Les conséquences de cet effet peuvent échapper à une maîtrise des comportements de la population car non habituée à une culture des grandes épidémies dont l'Algérie a été jusque-là préservée. Il serait donc impératif de rassurer la population selon un schéma efficace et probant : une prise en charge des patients sous-tendue par une recherche scientifique et médicale pouvant offrir des moyens de lutte et des traitements. Cette procédure est prise en charge primo par les services publics en charge de la santé et de la population préparés à accueillir les premiers malades contaminés et secundo par les instances en charge de la recherche scientifique et médicale aux fins d'identifier, de diagnostiquer et de mettre au point les moyens de lutte contre ces agents infectieux émergents. A ce propos, ces études et recherches, si complexes soient-elles, constitueront des modèles pour faire face à d'autres éventuels agents émergents nouveaux qui pourraient surgir pour causer de nouvelles pathologies graves.
K. S.
* Professeur des universités, directeur de recherches, service d'immunologie des transplantations CHU de Lyon, France.


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