Par Hassane Zerrouky Libye. Cette fois-ci, l'impasse est totale. Avec la décision annoncée jeudi à Tripoli par la Cour suprême libyenne d'invalider la Chambre des représentants (l'Assemblée élue démocratiquement le 25 juin dernier), la Libye se retrouve désormais avec deux parlements et deux gouvernements. Ayant subi un échec cuisant aux élections du 25 juin (30 sièges sur les 200 en lice), les islamistes du Parti pour la justice et la construction (PJC, Frères musulmans) et de son bras armé Fajr Libye ainsi que leurs alliés, ont alors recours aux armes pour imposer ce qu'ils n'ont pu obtenir par les urnes. Dès le 23 août, Fajr Libya et les forces fidèles à l'ex-djihadiste Abdelkrim Belhadj (aujourd'hui gouverneur de Tripoli) prennent le contrôle de Tripoli, contraignant le Parlement élu et le gouvernement qui en est issu d'Abdallah Theni à s'exiler à Tobrouk, à 1 000 km de la capitale libyenne. Deux jours après, le 25 août, elles nomment un des leurs, l'islamiste Omar Al Hassi, Premier ministre, lequel forme un gouvernement et le 6 septembre elles rétablissent le Parlement d'avant le 25 juin, le Congrès général national (CGN). C'est dans ce contexte d'extrême tension et de confusion politico-institutionnelle qu'Ibrahim Djathran, dont les milices contrôlent les ports pétroliers de l'est de la Libye, prétextant l'illégalité prise par la Cour suprême d'invalider le Parlement élu, a menacé de proclamer l'indépendance de la Cyrénaïque. «Si la communauté internationale reconnaît le Congrès général national (le Parlement rétabli par les islamistes), nous n'aurons pas d'autres choix que proclamer l'indépendance de l'Est», a-t-il déclaré vendredi. Et pendant ce temps, sur le terrain, les combats entre pro et anti-islamistes font plus que jamais rage. À Benghazi, les affrontements entre les forces du général Haftar et les milices islamistes, dont les djihadistes d'Ansar Charia qui contrôlent la quasi-totalité de la ville, ont fait plus de 300 morts en trois semaines. Les combats se déroulent à l'est, à l'ouest et au centre de Benghazi. Tunisie, ça se corse. En décidant de ne soutenir aucun candidat à la présidentielle de dimanche prochain, Ennahdha a jeté le trouble dans les rangs des adversaires de Beji Caïd Essebci, le favori du scrutin présidentiel. Mustapha Benjaâfar, l'ex-président de l'Assemblée constituante, dont le parti Ettakatol, a pratiquement disparu de la carte politique après les élections législatives du 26 octobre, en est réduit à appeler les «partis sociaux-démocrates» à se mettre d'accord sur un candidat unique. Quant à Moncef Marzouki, qui se présente en candidat indépendant, il bénéficierait, dit-on, du soutien des LPR (Ligue de protection de la révolution, proche d'Ennahdha), ce qui, soit dit en passant, pourrait nuire à son image de démocrate. Goncourt. Il est rare que le Goncourt, prix littéraire prestigieux, soit attribué à un écrivain d'une maison d'édition l'ayant déjà remporté un ou deux ans auparavant. Ce qui était le cas d'Albin Michel (Pierre Lemaître en 2013) et d'Actes sud (Jérôme Ferrari en 2012). Or, il se trouve que Kamel Daoud est édité par Actes sud. Et il se trouve – est-ce un hasard ? – que le Seuil (qui a publié l'heureuse lauréate du Goncourt Lydie Salvayre) n'a pas remporté ce prix depuis 1988. C'est ainsi. Le Goncourt qui récompense le meilleur roman français est aussi une question commerciale. Et dans un contexte de démultiplication des prix littéraires (Femina, Renaudot, Interallié...), les grandes maisons d'édition, selon un arrangement non écrit, parviennent toujours, paraît-il, à s'entendre pour que l'une d'elles se voit attribuer le prix, à la condition bien sûr que l'auteur choisi le mérite et se vende. Kamel Daoud, qui ne fait pas partie de ces clubs d'auteurs de best-sellers (dixit le journal Libération) n'aura pas démérité : personne ne l'attendait à ce niveau. Il aura fallu plusieurs tours de scrutin et la voix prépondérante de Bernard Pivot, le président du comité d'attribution du Goncourt, pour départager Daoud et Salvayre. En tout cas, les critiques sur Meursault, contre-enquête sont plutôt élogieuses. Ainsi, Philippe Lançon dans un article de Libération daté du 6 novembre, consacré aux deux finalistes du Goncourt, écrit : «Dans ce travail de réappropriation d'une langue née du conflit et du passage, d'une langue comme prise de guerre ou comme bagage de fuite, son challenger Kamel Daoud est à la fois plus joueur, plus subtil et plus inventif».