De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Et pourtant, c'est lui, Mohammed VI, qui a tranché. Récit d'une folie royale... La Guinée équatoriale, Afrique de l'Ouest est plus proche que le Maroc du foyer Ebola (Sierra Leone, Liberia et Guinée Bissau). Pourtant, cette «perle de l'océan» comme la désigna le navigateur espagnol qui la dévoila au reste du monde, a accepté, voire voulu, organiser la CAN-2015. Voilà qui balaie l'argumentaire marocain concernant le virus Ebola et apporte des éclairages nouveaux à l'affaire — c'en est une, assurément — de la défection du Makhzen. Contre le bon sens, en contradictions juridiques, diplomatiques et économiques avec des engagements pris auprès de la CAF. Bruxelles-Europe bruisse de «scoops» et d'informations en «off» concernant le dossier. Résumé de l'essentiel des pistes indiquées par la capitale de l'Union européenne. Dès la réunion du comité exécutif de la CAF, le 2 novembre à Alger, les parties marocaines savaient que la demande du report de la CAN a été refusée. La fédération et le ministre des Sports ont demandé à Issa Hayatou un peu de temps de réflexion. Accordé. Les jours qui suivent, les malheureux responsables en apparence du foot et du sport, attendaient, la peur au ventre, la décision du roi. Ce dernier s'était entretemps réuni avec quelques hauts dignitaires du régime (responsables militaires, 1er ministre, conseillers, fratrie, gouverneurs) pour peser le pour et le contre de toute décision. Contre toute attente, le pronostic qui a été privilégié était que si le Maroc maintenait sa décision (report) aucun autre pays africain n'oserait prendre la relève. Aucune nation, se persuadent-ils, lors du conclave royal, ne peut affronter son opinion publique pour expliquer pourquoi le Maroc se soucie-t-il de sa population et pas «nous», la nation qui éventuellement prendrait le relais. Les fissures apparaissent. Aucun pays africain ne déclare recevable la position marocaine et tout le monde se range derrière Hayatou de la CAF et attend sa décision. Ce dernier, rusé et sûr de lui, ayant sans doute reçu des offres bien avant son voyage au Maroc, ne lâche rien. Il se permet même d'envoyer un ultimatum à Rabat avant la réunion du Caire le 11 novembre. Mohammed VI s'affole et demande conseil à des experts étrangers. Dès lors, il n'y avait plus de bonne solution. Si le Maroc faisait volte-face en accueillant la Coupe d'Afrique des nations, il perdrait tout crédit. Parce qu'il est allé trop loin dans sa volonté de se désister. Il n'a pas laissé place aux voies du dialogue. Le report, d'un mot, l'annulation de la CAN ou rien. Et s'il persistait, le prix à payer serait tout autant conséquent. Au Caire, bien avant le communiqué final des responsables marocains, l'exécutif de la CAF s'affairait à trouver un remplaçant. Pourtant, la CAN-2015 n'a jamais été orpheline de terre d'accueil. Africaine ou autre. Le Brésil s'est dit prêt à donner un coup de pouce en abritant l'événement, le Qatar a postulé, même l'Afrique du Sud et l'Egypte n'ont pas dit non à Hayatou. Le Caire et Pretoria ont tout simplement demandé à la CAF de prospecter ailleurs et si aucune manifestation sérieuse d'organisation ne se manifestait, ils se tiendraient prêts à relever le défi. D'où la sérénité et l'assurance de Issa Hayatou. Après ses entrevues avec les Marocains, le président de la CAF avait saisi. Le Maroc cherche à instrumentaliser Ebola pour des considérations qui n'ont rien à voir ni avec le virus ni avec le football. La page Maroc et tournée. En optant pour la Guinée équatoriale, la CAF humilie triplement le Maroc. Elle maintient aux dates retenues la CAN, choisit un pays africain pour la relève et annonce une kyrielle de lourdes sanctions. La presse royale et proche du Makhzen s'attelle, depuis hier, à sauver Mohammed VI en désignant des boucs émissaires, la fédération, le gouvernement et, surtout, le pauvre ministre des Sports. Pourtant c'est Mohammed VI et lui seul qui a tranché dans le dossier... Ebola a frappé le Maroc à la tête. Rien à voir avec le virus...