La Coupe d'Afrique des nations (CAN) 2015 aura finalement lieu en Guinée équatoriale, troisième producteur de pétrole d'Afrique subsaharienne, désignée hier comme remplaçant de luxe après le retrait de l'organisation au Maroc, qui voulait un report en raison de l'épidémie d'Ebola. Le Maroc avait été écarté mardi de l'organisation de la CAN-2015, et exclu de la compétition, pour avoir refusé de la prendre en charge aux dates prévues (17 janvier-8 février) par crainte du virus Ebola. Les noms des remplaçants possibles avaient fleuri : Angola, Gabon, Egypte, Nigeria, voire Qatar, alors que l'émirat fait partie de la zone Asie pour la Fifa. Mais la plupart des pays africains dont le nom avait circulé ont rapidement fait savoir qu'ils n'étaient pas candidats. Quel pays avait donc la surface financière suffisante pour remplacer le Maroc au pied levé, deux mois seulement avant le coup d'envoi ? L'Afrique du Sud, qui avait organisé l'édition 2013 en remplacement de la Libye, ne le pouvait pas cette fois, pour des raisons budgétaires. Restait la Guinée équatoriale, terre riche en pétrole. Le pays avait déjà co-organisé la compétition phare du football africain en 2012 avec le Gabon. Une rencontre à Malabo, la capitale, a été décisive hier entre le président Teodoro Obiang Nguema et le président de la Confédération africaine de football (CAF) Issa Hayatou. Zones d'ombre Le choix de ce petit pays, situé entre le Cameroun et le Gabon, ne fera pas plaisir à beaucoup d'ONG. Arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 1979, Teodoro Obiang Nguema, 72 ans, réélu en 2009 avec 95,37% des voix, dirige d'une main de fer, et son régime est régulièrement dénoncé par les organisations de défense des droits de l'Homme. L'ONG Transparency international désigne la Guinée équatoriale comme l'un des pays les plus corrompus au monde, classé au 163e rang sur 175. Différentes organisations déplorent notamment une violente répression à l'encontre des opposants politiques, des instances indépendantes de la société civile et des médias, et une corruption de grande ampleur. Le fils du président, Teodorin Obiang, est d'ailleurs au centre de plusieurs affaires. En octobre dernier, il a accepté de renoncer à 30 millions de dollars d'avoirs aux Etats-Unis, dans le cadre d'un accord avec le gouvernement américain, qui l'accusait d'avoir acheté ces biens avec de l'argent issu de la corruption dans son pays. Teodorin Obiang est également visé par une enquête en France pour blanchiment de détournement de fonds publics, d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance, dans le cadre de l'affaire dite des «biens mal acquis». Qualifiée d'office malgré une... disqualification La Guinée équatoriale sera directement qualifiée en tant que pays hôte, alors que cette ancienne colonie espagnole avait été écartée en juillet des qualifications pour avoir aligné un joueur non éligible en tour préliminaire face à la Mauritanie. Cette solution a l'avantage pour la CAF de ne pas bouleverser le format des qualifications : les deux premiers des sept groupes sont qualifiés, ainsi que le meilleur troisième de toutes les poules, soit 15 pays qui rejoignent ainsi l'organisateur pour un tournoi à 16 équipes. Le Maroc n'en fera pas partie, puisque le retrait de l'organisation de l'épreuve a été assorti d'une disqualification. Les éliminatoires touchent d'ailleurs à leur fin, avec seulement deux journées à disputer, ce week-end et mercredi. Pour l'heure, seuls l'Algérie et le Cap-Vert ont leur billet en poche. Les autres prétendants savent désormais qu'ils iront jouer dans ce territoire de 28.000 km2, un des plus petits Etats d'Afrique, fort de 720 000 âmes et d'un PIB par habitant parmi les plus élevés du continent africain grâce au pétrole (15 500 euros selon le FMI en 2013). Les quatre sites retenus pour la phase finale sont la capitale Malabo (sur une île de 2 000 km2 au large de la partie continentale du pays), Bata, Mongomo et Ebebiyin, précise la CAF. Le tirage au sort de la phase finale sera effectué le mercredi 3 décembre 2014 à Malabo. Hayatou a choisi la solution de facilité 62 jours pour éviter le flop Un mois aura été suffisant pour que la CAF trouve preneur pour sa fête biennale à laquelle l'organisateur initial, le Maroc, a renoncé diplomatiquement en invoquant un «cas de force majeure» (Ebola) qui n'en est pas un, aux yeux de Hayatou et ses pairs de la Confédération africaine. Hier, le président camerounais de l'instance a tenu parole. Sa promesse faite mardi soir via France 24 où il déclarait que le nom du remplaçant du royaume chérifien sera annoncé dans 2-3 jours a achoppé sur la désignation de la Guinée-Equatoriale. Presque pour confirmer une «rumeur» répandue en égypte le jour même (mardi dernier, ndlr) où le CE de la CAF décidait de destituer le Maroc de l'organisation de la 30e édition. Mais que de confusions en un mois de palabres stériles ! A telle enseigne que le Qatar et le...Brésil se voyaient collés l'intention de postuler à l'organisation du rendez-vous africain de l'hiver prochain. Le petit émirat a même soufflé le chaud et le froid à ce sujet en affirmant mercredi que la question «n'a pas de sens» avant de se contredire jeudi en évoquant l'éventualité d'apporter son aide s'il est demandé d'accueillir l'événement. Suffisamment de quoi faire bouger Hayatou de son siège du Caire pour rallier, en début de soirée, Malabo où il était attendu pour «négocier» avec le président équato-guinéen Teodoro Obiang Nguema. Non qualifié puisque disqualifié pour cas de fraude en préliminaire contre la Mauritanie, le co-organisateur de la CAN-2012 a obtenu le nécessaire «sursis», la «grâce» du prince de Garoua. C'est également une belle parade pour un pays qualifié de «démocrature» en raison de ses options politiques controversées où l'opposition a droit à tout sauf à la succession. Un royaume, en somme, presque comme le Maroc où des médias s'étonnaient que ce pays «ami» accepte de répondre favorablement à la missive de la CAF. Si Hayatou qui claironnait qu'un report ou, pis, une annulation de la CAN-2015 signait l'acte de décès de la CAF a réussi à sauver la face, sa crédibilité n'est pas encore à l'abri des contrecoups d'une désignation tardive du repreneur de cette 30e édition. La Guinée-Equatoriale a certes le pétrole pour payer toutes les factures mais il semble bien que les gouvernants de ce petit pays ne soient pas en mesure de répondre aux standards qu'impose une telle organisation. Avec seulement deux stades aux normes requises, la Guinée-Equatoriale aura des soucis à réunir toutes les conditions matérielles à la réussite de ce rendez-vous auquel l'Afrique du Sud, l'organisateur du dernier numéro du spectacle à onze en Afrique, a donné une envergure mondiale, tellement les infrastructures sportives à Durban, Nelspruit, Rustenberg etc. n'avaient rien à envier aux monuments sportifs sur la scène européenne. Et le temps (62 jours nous séparent du coup d'envoi de ce tournoi) n'en sera pas la dernière des entraves auxquelles les organisateurs équato-guinéens auront à surmonter. La dernière CAN sous le règne de Hayatou risque bien d'être un flop. M. B. Claude Leroy à propos de la décision de la CAF : «Je ne savais pas que la Guinée avait 4 stades...» Le sélectionneur français du Congo, Claude Leroy, s'est dit «surpris» par la décision de la Confédération africaine de football (CAF) de confier à la Guinée Equatoriale l'organisation de la 30e édition de la Coupe d'Afrique des nations CAN-2015, du 17 janvier au 8 février prochain. «Je ne savais pas que la Guinée avait 4 stades capables d'accueillir des matchs de foot de la CAN», a déclaré Claude Leroy sur France Info. Les quatre sites retenus pour la phase finale sont Malabo, Bata, Mongomo et Ebebiyin. Pour l'ancien sélectionneur des Lions Indomptables du Cameroun, c'est une drôle de décision dans la mesure où la Guinée avait été disqualifiée pour tricherie lors d'un match de qualification face à la Mauritanie le 17 mai. «Finalement, ils ont été récompensés», a ironisé Claude Leroy.