L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) a maintenu, jeudi dernier, son plafond de production, malgré la dégringolade des cours à moins de 70 dollars le baril. Dans un marché où l'offre reste surabondante, l'Organisation pétrolière peine à se libérer de ses appréhensions et de ses inhibitions. La décision était au demeurant prévisible. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), réunie jeudi à Vienne en Autriche, a en effet décidé de maintenir inchangé son plafond de production (30 millions de barils par jour), en vigueur depuis 2011. «Nous avons débattu et à la fin, nous avons décidé de maintenir les 30 millions (de barils par jour) comme niveau (de production) pour les six prochains mois», annoncera lors d'une conférence de presse le secrétaire général de l'organisation, Abdallah El-Badri. «Pas de changement», confirmera le ministre koweïtien du Pétrole, Ali al-Omari. Une «bonne décision», estimait de son côté le ministre saoudien du Pétrole, Ali Al-Nouaïmi, dont le pays était rétif à accepter une baisse du plafond collectif. Une option prévisible dans la mesure où l'organisation manquait de consensus en faveur d'une baisse, prônée notamment par le Venezuela mais rejetée par les pays du Golfe et notamment l'Arabie Saoudite et le Koweït. Dans un marché marqué par une dégringolade des cours du brut, de l'ordre de 30% depuis juin 2014, une offre surabondante venant notamment de pays non membres de l'Opep, et une demande en repli, il était attendu que l'organisation de pétrole qui assure quelque 30% de la production mondiale agisse pour enrayer cette chute des prix. Toutefois, l'Organisation pétrolière a opté pour le statu quo, peut-être par crainte de perdre sa part de marché. Une appréhension que le ministre koweïtien du Pétrole, Ali al-Omari, a confirmée jeudi. Considérant qu'«aujourd'hui, il y a beaucoup de concurrents, et l'Opep pompe seulement 30% de la production mondiale», le responsable koweïtien estimera qu'«il était inévitable de prendre la bonne décision de ne pas réduire la production, car une réduction peut être compensée par d'autres (producteurs) présents sur le marché». «En conséquence, nous avons décidé que les prix allaient se réajuster en fonction de l'offre et de la demande et que l'Opep était censée préserver sa part de marché pour ne pas perdre ses clients», ajoutera Ali al-Omari. Evoquant tacitement la concurrence américaine mais aussi russe, le ministre koweïtien assure que l'Opep «n'acceptera plus de supporter le fardeau supplémentaire d'une réduction de la production tandis que d'autres se précipitent pour augmenter leur production». Ce faisant, l'organisation pétrolière et même si elle se montre soucieuse de la stabilité à long terme et d'une certaine prudence, n'a pu que céder aux pressions de l'un de ses plus importants membres, l'Arabie Saoudite. Ce pays est en effet réputé soucieux de préserver les intérets des pays consommateurs et producteurs mais aussi de maintenir ses parts de marché aux Etats-Unis. Or, et dans la mesure où l'offre pétrolière américaine, notamment celle tirée par les hydrocarbures de schiste, s'accroît, la capacité de l'Arabie Saoudite à renforcer ses positions sur le marché américain, mais aussi celle des pays Opep à affronter cette concurrence ainsi que celle de la Russie, s'avère incertaine pour ne pas la qualifier d'impossible. Et cela même si la Russie semble adopter une attitude assez convergeante avec celle de l'organisation pétrolière, disposée à contribuer à la régulation du marché et à réduire sa production. Néanmoins, la décision de l'Opep a suscité une réaction irritée du Venezuela dont le ministre des Affaires étrangères, Rafael Ramirez, qui militait pour une importante réduction, a quitté la réunion le visage fermé, en refusant de répondre à la presse. Ainsi l'Opep s'avère inhibée par les pressions saoudiennes, incapable au demeurant de faire respecter ses propres décisions depuis des années, le plafond ayant été à maintes fois dépassé et en particulier par l'Arabie Saoudite, assez passive par rapport à l'activisme productif des non-Opep et incapable de les motiver à réduire leur production. A moins que la baisse continue des prix ne s'avère à moyen terme préjudiable aux intérêts des producteurs d'hydrocarbures de schiste, tant américains qu'autres, comme l'escomptent les pays du Golfe selon les analystes. Censée contribuer à la dégingolade des cours du pétrole, la décision de Vienne n'a contribué qu'à accentuer cette chute, au moins à court terme. Dès l'annonce de la décision, les marchés affrontaient une tempête. Le baril de brent de la mer du Nord échangé à Londres a chuté jusqu'à 71,25 dollars, son plus bas depuis le 7 juillet 2010, perdant 6,5 dollars depuis la clôture de la veille. De son côté, le baril de light sweet crude (WTI) côté à New York est passé sous la barre symbolique des 70 dollars dans les échanges électroniques, atteignant même 67,75 dollars, un minimum depuis le 25 mai 2010. Une tempête au demeurant passagère, les marchés hésitaient hier vendredi à poursuivre la glissade des prix du pétrole. Vers 10h45 GMT, le brent valait 72,80 dollars (+22 cents) et le WTI 69,03 (-4,66 USD par rapport à la clôture de mercredi).