L'opposition à l'abolition de la peine de mort s'appuie, en premier lieu, sur l'argument religieux. C'est Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH), qui l'a déclaré hier devant les participants au séminaire d'experts sur «l'abandon de la peine de mort». Un séminaire organisé conjointement entre la CNCPPDH et le Haut-Commissariat des droits de l'Homme de l'ONU. Abder Bettache - Alger (Le Soir) Lors de son intervention devant les participants à cette rencontre, Farouk Ksentini a indiqué qu'il «y a aujourd‘hui une très violente opposition à l'abolition de la peine capitale, qui s'appuie, en premier lieu, sur l'argument religieux». Mais il y a «aussi un héritage sociétal, a-t-il ajouté, l'idéologique et des traditions qu'on ne peut pas éluder». Le conférencier a estimé également que la multiplication des actes de violence et des crimes commis à l'égard des enfants, ces derniers temps, n'ont fait qu'«accroître» cette opposition. Selon lui, «pour faire progresser les sociétés sur cette question, il faut prolonger la discussion et le débat dans le respect des convictions de chacun». «Nous devons porter nos valeurs, notre histoire, nos cultures, mais aussi notre idéal humaniste sans arrogance mais avec conviction, respect et ferveur», a-t-il dit. Il a rappelé, en outre, que depuis le recouvrement de son indépendance, l'Algérie a procédé à l'exécution de 33 condamnations à mort au cours desquelles «on ne compte aucune exécution de femmes ou de mineurs». «En examinant notre droit en la matière, 17 crimes sont susceptibles de la peine capitale», a-t-il souligné, précisant que l'Algérie a amorcé le processus de réduction de l'application de la peine de mort par l'existence du mémorandum de 1993 relatif à la suspension de l'exécution de la peine de mort. Pour le président de la CNCPPDH, cette décision a été prise, au moment où l'Algérie «vivait une période sanglante de son histoire et souffrait isolément d'un terrorisme aveugle et barbare». «Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, s'exprimant devant le Parlement européen à Bruxelles en 2003, avait affirmé être personnellement favorable à l'abolition de la peine de mort, mais qu'il attendait que le contexte du terrorisme se termine pour l'appliquer», a-t-il encore rappelé. Le président de la CNCPPDH a estimé que «même si le moratoire est un progrès en soi, il n'en demeure pas moins qu'il a pour effet de décomplexer certains magistrats qui condamnent plus facilement à mort, sachant que le condamné ne sera pas exécuté». Cette rencontre qui a vu la participation de plusieurs experts nationaux et internationaux, se fixe pour objectifs, selon ses organisateurs, d'«échanger les points de vue sur l'abandon de la peine capitale dans la région MENA, et de faire le pont sur les initiatives et les développements dans le sens de l'établissement de moratoires». En 2013, Amnesty International a dénombré au moins 40 condamnations à mort prononcées en Algérie, pour «des meurtres ou des actes en lien avec des attentats terroristes», précise le rapport. Parmi ces 40 condamnations à la peine maximale, «au moins 26 condamnations à mort ont été prononcées par contumace» et «au moins à titre posthume». C'est beaucoup moins qu'en 2012, où «au moins 153 condamnations à mort ont été prononcées», selon la même source. Là encore, il s'agit de jugement par contumace pour «des infractions liées au terrorisme ou pour des meurtres». Mais la tendance pourrait de nouveau être à la hausse au regard du récent changement de législation. Depuis décembre 2013, le code pénal algérien a adopté de nouvelles dispositions par rapport à la peine de mort, qui peut désormais être infligée aux «ravisseurs d'enfants dans les cas où la victime meurt».