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Mme BOUDJEMAÂ DALILA, MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT, AU SOIR D'ALGERIE : «une démarche fédérative et participative du secteur» (2e partie et fin)
Réalisé par Khedidja Baba-Ahmed A l'heure où l'environnement occupe beaucoup de gouvernants à travers le monde qui multiplient depuis quelques années les rencontres internationales pour tenter, pas toujours en réussissant, de préparer un avenir plus propre et plus vivable aux citoyens de la planète, nous avons voulu savoir comment justement notre pays conçoit cette question, comment il se prépare à éviter les catastrophes écologiques annoncées, réelles ou supposées. Qui mieux que Dalila Boudjemaâ, la ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, pour répondre à ces interrogations ? A la veille de sa participation à Lima (Pérou) à la Conférence mondiale sur le climat (du 1er au 12 décembre), nous l'avons rencontrée et évoqué avec elle non seulement les problèmes de préservation de l'environnement, d'écologie, mais aussi, et c'est un secteur de taille, l'aménagement du territoire, les plans, dispositifs et mesures, et tous les aspects nombreux qui y sont liés. Le Soir d'Algérie : La gestion des déchets ménagers semble poser toujours problème. Les centres d'enfouissement technique sont en bute aux réactions des riverains qui n'en veulent pas à cause des nuisances qu'ils engendrent. La solution n'est-elle pas dans le tri sélectif et le compostage industriel ? Mme Dalila Boudjemaâ : La gestion des déchets apparaît à la fois simple et tout le monde pense détenir la solution. Ce qu'il faut savoir, c'est que la gestion des déchets est organisée selon 3 maillons essentiels : la collecte, le transport et le traitement et, bien sûr, la bonne articulation entre ces maillons. Si aujourd'hui le traitement des déchets est maîtrisé, où beaucoup d'efforts ont été faits et qui doivent être bien sûr poursuivis, la collecte et le transport posent toujours des problèmes. Le Programme national de gestion intégrée des déchets mis en œuvre est un outil dynamique qui est basé sur une démarche intégrée, graduelle et progressive. Il a eu, en effet, le mérite de clarifier les responsabilités des acteurs et défini les instruments de gestion. Depuis sa mise en œuvre, il a connu un état d'avancement important qui s'est traduit par l'élaboration de 1 269 schémas directeurs de gestion des déchets ménagers, la réalisation de 124 centres d'enfouissement technique au niveau du territoire national qui sont dotés de centres de tri, d'installations de traitement des lixiviats et du biogaz, la fermeture et la réhabilitation de 64 décharges sauvages, la réalisation de 89 décharges contrôlées et des centres de déchets inertes. L'enfouissement technique sera renforcé par le traitement thermique avec traitement des gaz et récupération d'énergie et de chaleur et aussi l'introduction de nouvelles formes institutionnelles de gestion des installations de gestion des déchets avec la création d'établissements à caractère industriel et commercial de wilaya. Ce dispositif permettra le traitement intégré des déchets ménagers et assimilés. Oui, mais revenons, si vous le voulez bien, aux réactions nombreuses des riverains qui refusent de voir installés ces centres dans leur proximité immédiate. La diversification des techniques de traitement des déchets amène à des choix parfois complexes. Pour revenir à votre question relative aux centres d'enfouissement technique, qui suscitent dans certaines régions de vives réactions de la part des citoyens, chaque mode de traitement présente ses avantages et ses inconvénients ; il n'existe pas de panacée. Dès lors, différents outils de gestion des déchets les mieux adaptés au contexte socioéconomique local ont été mis en place. Permettez-moi de vous dire que le centre d'enfouissement technique n'est pas la décharge d'antan où on jetait n'importe où et n'importe comment, alors que le CET est une installation classée qui répond aux normes environnementales et le site devant recevoir le CET est soumis obligatoirement à une étude d'impact sur l'environnement et une étude de dangers. Le constat qu'on peut faire, de plus en plus, c'est que les Algériens ne sont pas contents également de la propreté des villes et les problèmes liés au cadre de vie. Vous en convenez avec moi que la propreté de la ville est une réalité complexe, multiforme, évolutive et qui bouge chaque jour, elle fait partie du quotidien et doit faire l'objet d'une attention particulière de tous. Les collectivités locales, «moteurs» dans la politique de gestion des déchets ménagers, sont responsables, d'un point de vue opérationnel, de la collecte et, par conséquent, ont un rôle déterminant à jouer dans la mise en œuvre concrète de la réduction et de la gestion durable des déchets. Bien sûr, il serait illusoire de dire que tous ces problèmes pourront être réglés tout de suite. Bien que la gestion des déchets soit une affaire locale, elle est tributaire des phénomènes de société et de culture. Il conviendra donc de procéder par étapes successives, de sélectionner des opérations-pilotes avec des communes choisies selon des critères objectifs, de les tester, avant de les généraliser. L'approche méthodologique consistera à progresser minutieusement, dans un premier temps, avec les communes les plus dynamiques, qui s'engagent dans le renforcement de leurs capacités institutionnelles, dans le recouvrement des ressources fiscales. Un contrat de performance sera souscrit par les communes candidates à la redynamisation de l'action communale. Revenons au recyclage des déchets et à la valorisation des déchets, y compris le compostage. Les enjeux d'aujourd'hui appellent à des comportements plus responsables et respectueux de l'environnement. En somme, le recyclage est devenu pour notre pays un impératif économique, environnemental et social. La gestion classique des déchets, demeure pour les communes un véritable centre de coût, pour ne pas dire une contrainte pesante et sans réelle valeur ajoutée. 13,5 millions de t/an de déchets ménagers ; avec une projection de 16 millions de t/an en 2015. 5% seulement étaient recyclés et 17% enregistrés en 2014. Une gestion circulaire des déchets permettra de transformer ce centre de coût (gestion classique des déchets) en un centre de profit économique, environnemental et social. Cette approche est la plus efficace pour résoudre le problème de gestion des déchets dans notre pays et d'ailleurs, notre plan d'action donne la priorité au développement de cette filière porteuse d'enjeux multiples : un nouveau secteur industriel en Algérie, créateur d'emplois, une industrie utile aux entreprises algériennes qui peuvent accéder à des matières premières moins onéreuses, ce qui participe à leur compétitivité, une réduction de la quantité de déchets enfouis et, par conséquent, augmentation de la durée de vie des centres d'enfouissement. Au travers de ce plan d'action, notre objectif est l'augmentation du recyclage matière afin d'orienter vers ces filières un taux de 25% en 2015, et de 40% à partir de 2016 et au-delà. Ces objectifs sont certes ambitieux, mais réalisables grâce à l'implication de tous les partenaires concernés : pouvoirs publics, acteurs économiques, associations et citoyens. Mais cette filière n'a de sens que si tous les maillons de la chaîne de gestion existent. Aujourd'hui, notre pays s'est doté d'infrastructures, la gestion des déchets a particulièrement évolué en termes de technicité, de qualité et de service. Elle est passée d'une approche de type «monofilière» à une approche globale, favorisant les filières de valorisation des déchets. Le tri des déchets est actuellement admis. Mieux, il est réclamé par tous. Chacun comprend la nécessité économique et environnementale du tri et de la valorisation des déchets : «Les déchets sont des produits marchands ayant une valeur économique.» L'Algérie s'apprête à exploiter le gaz de schiste. Pour l'heure, la seule technique connue et utilisée est la fracturation de la roche impliquant l'utilisation intensive de l'eau (relativement rare chez nous) et provoquant des rejets pouvant être contaminants sur les terres avoisinantes. L'on ne vous a pas beaucoup entendue sur ce sujet environnemental ô combien sensible. L'Algérie est en phase d'exploration des gaz de schiste. S'il est entendu pour l'heure de procéder par la technique de la fracturation hydraulique, il demeure également entendu qu'en attendant la phase d'exploitation de cette ressource, notre attention est portée à l'avancement et au développement des techniques dans ce domaine, y compris ceux concernant la fracture hydraulique. La fracturation hydraulique comporte un certain nombre de risques environnementaux qu'il est possible de recenser et de limiter, mais il est à rappeler que la pratique de la fracturation hydraulique en tant que technique utilisée dans les domaines de l'exploitation des eaux, des hydrocarbures conventionnels ou de la géothermie ne date pas d'aujourd'hui. Utilisée depuis 1940, cette technique a gagné en termes de pratique, de retour d'expérience, de maîtrise mais aussi de recherche et d'innovation. Les avancées technologiques de la chimie verte offrent des produits de substitution moins nocifs pour l'environnement et la santé humaine. En Algérie, un cadre institutionnel, législatif et règlementaire existe pour encadrer les projets des gaz de schiste. Les études d'impact sur l'environnement sont les outils fondamentaux pour l'évaluation des incidences environnementales des projets, dont l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste. Elles permettent de suivre cette activité dans toutes ses phases d'évolution depuis sa planification de part la caractérisation des lieux des projets et l'évaluation de leurs conditions initiales, jusqu'en phase «post-exploitation» en passant par l'analyse et l'évaluation des effets de l'exploitation, des effets cumulatifs induits, leur prévention et leur atténuation. Il s'agit d'abord pour l'étude d'impact de sélectionner des alternatives de sites pour la future exploitation en termes de moindres risques en éliminant les sites à failles, ceux présentant des puits abandonnés ou des fractures induites par des activités antérieures. Les sites pouvant poser des conflits ou des incompatibilités d'utilisation de l'eau sont également à écarter. Une fois le site retenu, une situation de référence détaillée de part la caractérisation de l'état initial du site doit être établie. Elle sera nécessaire pour pouvoir suivre l'évolution des activités d'exploration, d'exploitation et de post-exploitation, et d'apporter les remédiations nécessaires au temps nécessaire. Quant à la contamination des eaux souterraines, des sols et sous-sols par les produits chimiques utilisés dans les projets, en cas de fuites, c'est un risque de pollution appréhendé par l'étude d'impact sur l'environnement laquelle focalise sur la prévention de ce risque très à l'amont. Dans le cas particulier des gaz de schiste, une bonne isolation des puits, une bonne conception des tubages ainsi qu'une maîtrise de la technique de fracturation et des fractures induites sont les mesures phares d'atténuation des effets sur la qualité des aquifères des sols et des sous-sols. Les produits chimiques utilisés ne représentent que 0,5% du volume d'eau injecté. Malgré la faible concentration de ces produits, l'étude d'impact s'attelle à ce que les produits chimiques soient clairement identifiés puis évalués et substitués au maximum par des produits alternatifs biodégradables ou de moindre effet sur l'environnement. Il est à signaler que la plupart des produits utilisés sont ceux-là mêmes utilisés dans les produits détergents et désinfectants rencontrés dans la vie courante. Les eaux résiduaires de la fracturation hydraulique doivent impérativement être traitées qu'elles soient destinées au recyclage dans le cycle de la fracturation ou au rejet dans le milieu naturel. L'utilisation des quantités importantes d'eau est un facteur important dans l'évaluation des projets par les études d'impact. Bien que les quantités utilisées en matière d'exploitation des gaz de schiste diffèrent selon la nature de la roche mère, il demeure impératif de réduire au maximum l'utilisation de l'eau, en optimisant les protocoles de fracturation par une maîtrise des propriétés géo-mécaniques de la roche et une modélisation simulant au mieux le comportement de la roche dans la réalité. Une fracturation optimisée améliore le rendement d'un puits, réduit de fait le nombre de fracturations à effectuer et par conséquent réduit le recours à une injection intensive d'eau. Ceci dit, un plan de gestion de l'eau, partie intégrante d'un plan de gestion environnementale, doit être élaboré et scrupuleusement matérialisé. La mesure phare de ce plan porte sur le recyclage des eaux de reflux dans le cycle de la fracturation. Les terres environnantes sont une caractéristique du milieu qui intègre systématiquement l'étude d'impact sur l'environnement lors de la délimitation de la zone d'étude et de la description de l'état initial. Les rejets d'eaux de process au niveau de ces terres ne peuvent se faire que si leur qualité satisfait aux normes de rejet des effluents liquides. Par ailleurs et en plus des études d'impact sur l'environnement, l'exploitation des gaz de schiste est soumise à une étude de dangers préalable laquelle s'intéresse aux mesures de gestion des risques et permet l'élaboration de plans opérationnels d'intervention en cas d'occurrence d'incidents. Le retour d'expérience des puits exploités, notamment aux USA et au Canada, offre une référence non négligeable en matière d'accidentologie et de développement de systèmes rigoureux de gestion des risques. Des entreprises ayant été pionnières en matière d'exploitation de gaz de schiste ont développé leur renommée grâce à leurs propres recherches en vue d'assurer leur compétitivité. Des agents épaississants de qualité alimentaire viennent remplacer des produits chimiques utilisés, le développement du monitoring de la fracturation en utilisant la technologie microsismique et bien d'autres innovations viennent conforter cette position que l'exploitation du gaz de schiste par la fracturation hydraulique n'est pas une fatalité pour l'environnement au regard de la maîtrise de la technique et de son développement technologique progressif.