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Autoroute Est-Ouest, logements, Grande Mosquée d'Alger, Silos de Corso, stades de Tizi-Ouzou et Baraki Vrais problèmes, fausses solutions (2e partie et fin)
A propos du projet de la Grande Mosquée d'Alger Trois ans après le lancement des travaux en grande pompe de cet ouvrage par le ministre des Affaires religieuses, et ce, malgré tous les questionnements soulevés par rapport aux multiples aléas géotechniques et géologiques, d'une part, et d'autre part, les multiples risques majeurs encourus (mitoyenneté d'une autoroute et d'un grand oued «pollué» avec les risques d'inondations et regroupements humains importants), dangers clairement identifiés et explicités dans deux contributions publiées dans le quotidien Le Soir d'Algérie en 2012 ; voilà qu'au jour d'aujourd'hui l'état des lieux de ce chantier-pilote présenté comme un modèle de référence par les responsables publics lors de son démarrage est plus que sujet à caution. Nous assistons ainsi à des changements importants au niveau de la gestion courante et du pilotage de cet ouvrage comme : - le retrait «définitif ou provisoire ?» du cabinet allemand chargé de la maîtrise d'œuvre. Pour quelles raisons ? - Le changement du maître d'ouvrage. En effet le ministère des Affaires religieuses vient d'être débarqué et remplacé par le ministère de l'Habitat, du pareil au même ! Dans ce cas, il aurait été, pensons-nous, plus judicieux et plus professionnel de designer un maître d'ouvrage délégué regroupant uniquement des experts et BET's indépendants afin de permettre une évaluation objective de l'état des lieux de ce projet et surtout imposer un suivi et un contrôle rigoureux au niveau de toutes les phases d'exécution et des intervenants sur le site ; - l'entreprise chinoise présentée comme une institution infaillible par les pouvoirs publics malgré sa réputation très douteuse (il n'y a qu'à faire une brève consultation sur internet) accuse un retard dans les travaux sans que des pénalités, pourtant comprises dans les clauses du marché, soient appliquées, une «véritable forfaiture technique» ; - où sont passés les 100 kg et les 10 000 pages du dossier technique présenté par les responsables de l'Anargema comme infaillible en réponse à nos préoccupations et nos questionnements soulevés quant à la robustesse et la maturation des études d'exécution. Aussi un simple constat visuel permet de conclure sur le sur-ferraillage des différents ouvrages composant ce projet ; dans ce cas, une question mérite d'être posée : quelle est l'utilité des appuis sismiques (très onéreux) si la superstructure est hyper-rigide et ferraillée à l'extrême. Il est facile de prouver que les quantités de béton et d'acier utilisées dans ce projet sont nettement supérieures à celles requises pour une centrale nucléaire de la même dimension. Quelle gabegie ! Et pour cause ! A propos du confortement des silos stratégiques de Corso La situation du dossier «confortement et réhabilitation du complexe agroalimentaire de Corso (wilaya de Boumerdès)» est quasi statique depuis novembre 2004. Ce projet qui concerne principalement la démolition de la cinquième batterie de silos fortement cisaillée par le séisme qui a ébranlé la région de Boumerdès le 21 mai 2003 et le renforcement structural des quatre autres batteries ainsi que des deux moulins. En 2013, le gouvernement algérien avait décidé d'offrir unilatéralement 50% de cet énorme complexe (propriété exclusive du groupe Eriad Centre) à un fabricant de couscous (berkoukes) avec comme seul objectif, je suppose, le pilotage et le financement de toute l'opération clairement explicitée et détaillée dans le cahier des charges élaboré par le cabinet GPDS et disponible au niveau du groupe Eriad Centre. En effet cette mission concerne la reprise en sous-œuvre par des travaux «chirurgicaux» sur des ouvrages complexes nécessitant une connaissance parfaite des pathologies des sinistres provoqués par le séisme, d'une part, et le modèle exact des infrastructures en place, d'autre part. Ne possédant ni l'expérience, ni l'équipe technique adéquate, ni les moyens financiers correspondants pour ce type de réparation structurale, le nouveau copropriétaire a adopté une attitude immobile de «wait and see» laquelle a débouché inéluctablement sur une situation de statu quo mettant en danger l'avenir professionnel de tout le personnel du groupe Eriad alors que l'Algérie manque sérieusement de capacités de stockage de grains (il n'y a qu'à se référer aux divers appels d'offres lancés récemment par le ministère de l'Agriculture pour «études et réalisations de silos à travers plusieurs wilayas» pour comprendre l'urgence de la mise en chantier de ces ouvrages. Pour combler le vide abyssal engendré par cette défaillance, le nouveau bénéficiaire a choisi d'engager quelques travaux superficiels d'aménagement de l'ancienne boulangerie industrielle des Eriad qui, il faut le dire, n'a subi aucun endommagement lors du séisme de Boumerdès compte tenu de sa typologie, la régularité et la simplicité de sa superstructure. Ce qui nous autorise à conclure que l'Etat n'a rien gagné de cette opération, bien au contraire, et on peut sur ce point affirmer sans la moindre hésitation que beaucoup de temps et d'argent ont été gaspillés et perdus pour rien ! Un bref questionnement sur les projets des stades de Tizi-Ouzou et Baraki Des retards considérables défiant toute notion de programmation et de planification sont enregistrés au niveau de ces deux chantiers. Le stade de Tizi-Ouzou cédé à un groupe privé algéro-espagnol patauge dans des problèmes inextricables dus à une mauvaise conception des infrastructures (semelles quasi superficielles pour un ouvrage de cette importance), ainsi que du système d'ancrage de sa couverture (système très controversé). C'est toujours le résultat de la superficialité des études techniques faites dans la précipitation et en l'absence d'une mission sérieuse de pilotage, de suivi et de contrôle qui sont à l'origine de ces carences. Il en est de même pour le stade de Baraki qui en plus souffre d'une mauvaise investigation géotechnique par rapport aux caractéristiques mécaniques et dynamiques de son sol d'assise à la fois lâche et marécageux. Avec ce bref constat descriptif des tares et carences gravissimes facilement identifiables sur la totalité des projets dits du «siècle», résultat direct de la concomitance des trois conditions nécessaires et suffisantes pour la mise en échec d'un projet de génie civil quelle que soit son importance, à savoir la faiblesse et la fragilité de toute la structure des pouvoirs publics en charge du pilotage, de la maturation et du lancement «improvisé» de ces projets, l'absence d'expertise fine couplée avec un encadrement technique «rachitique» au niveau des organes nationaux de suivi et de contrôle et enfin l'inconsistance des textes normatifs nationaux. Pour les professionnels et les experts de l'acte de construire, ces défaillances majeures qui touchent de plein fouet le socle même de l'Etat algérien ne peuvent s'expliquer que par l'absence totale d'une gestion saine et intelligente des ressources humaines. Dès lors ne sommes-nous pas en droit aujourd'hui de nous poser la question suivante : que sont devenues ces trois générations de cadres et professionnels compétents laminées depuis 1999, frappées d'ostracisme, excommuniées et remplacées par des personnages dithyrambiques totalement soumis sans formation adéquate sans bilan pré-requis et sans l'envergure nécessaire. Malgré la grande divergence d'opinions parmi les experts vis-à-vis des méthodologies d'approche pour une conception fiable des modèles de développement, notre conviction est qu'en prévision d'un désastre naturel (à ne pas exclure) qui va nécessiter des sommes colossales pour la protection des biens et des personnes et face à l'accélération du mouvement de la dégringolade des cours du brut sur les marchés internationaux et l'impact direct sur l'avenir économique et social de ce pays, les décideurs devraient marquer une pause dans le lancement des projets du quinquennat 2014-2019 insuffisamment maturés (aspect technico-économique) avec la mise en place d'une commission nationale regroupant des experts indépendants et des bureaux d'études privés et publics ayant fait leurs preuves toutes filières confondues pour procéder dans l'immédiat à une évaluation objective et à un audit détaillé de tous les projets livrés ou en cours de réalisation, ce qui permettrait de dégager des propositions de correction et/ou de changement de cap si nécessaire. Le résultat à l'échelle national est patent, à savoir un pays en lambeaux (titrait le quotidien français Le Monde dans son édition du 25 novembre 2014), un pays disloqué, asphyxié, embouteillé en long en large et en hauteur, un pays hermétiquement fermé. En conclusion, permettez-moi de faire une brève incursion dans un domaine qui n'est pas le mien en référence à un article de presse en réponse à une proposition d'un ancien Premier ministre concernant l'une des solutions à la situation politique en Algérie. Dans cet article, j'ai été surpris par l'utilisation de vocables tels que «neutralité», «intérêts supérieurs de l'Etat», ce qui appelle de ma part les questions suivantes : 1- Laminer et excommunier trois générations de cadres et experts compétents en les mettant à la retraite à l'âge de cinquante ans et moins ne relève-t-il pas «des intérêts supérieurs de l'Etat» ? 2- Lancer des projets qui connaissent quelques années plus tard des surcoûts exorbitants (4 ou 5 fois supérieurs au prix initial pour la plupart) ne relève-t-il pas «des intérêts supérieurs de l'Etat» ? 3- Lancer des projets d'importance majeure à coup de centaines de milliards de dollars en l'absence d'organes compétents d'études, de contrôle et de suivi ne relève-t-il pas «des intérêts supérieurs de l'Etat» ? 4- Approuver une politique énergétique qui fixe le prix d'un litre de gasoil à celui d'un demi-litre d'eau minérale ou celui de 200 g de patates ne relève-t-il pas des «intérêts supérieurs de l'Etat» ? Car pour nous cela hypothèque l'avenir des générations futures du pays et participe très fortement à tous les gaspillages que nous dénonçons. 5- Importer 17% de la production mondiale de la poudre de lait pour quelle destination, ne relève-t-il pas «des intérêts supérieurs de l'Etat» ! 6- Mettre l'université dans un état de sinistrose et de délabrement avancé avec des infrastructures «dégueulasses» qui ne répondent à aucune norme tant au plan pédagogique qu'à l'élémentaire niveau de la propreté, voire l'hygiène et avec la mise en place sans consultation avec le corps enseignant-chercheur d'un système LMD ravageur et inopérant en matière d'amélioration de la ressource humaine du pays plagié en bloc à partir d'internet et sans l'environnement adéquat ni moyens pré-requis pour un système profondément interactif avec le milieu du travail ne relève-t-il pas «des intérêts supérieurs de l'Etat» ? Un bilan de cette réformette est sans appel, à savoir : - une forte inflation de diplômes sans valeur, des thèses de master et de doctorat plagiées et soutenues avec la complicité de jurys complaisants et dont les membres n'ont généralement aucune relation avec les sujets exposés ; - une inflation massive de «laboratoires de recherche» avec des sujets de recherche «bidon» réchauffés, le plus souvent plagiés. Le plagiat étant devenu la mode et l'air du temps dans ce pays sous le silence complice de la tutelle. Le résultat est que nous sommes face à une université inclassable, des responsables inamovibles depuis plus de 15 ans et une absence patente de production scientifique de renom. A. C. (*) Docteur du Laboratoire GPDS (Génie parasismique, dynamique et sismologie) Président Club des risques majeurs.