Ils sont là, debout, plantés côte à côte dans un espace nu, encerclés par des dunes imaginaires. Dans une gare au milieu du désert, ils attendent qu'un train passe. Un train ou une caravane. Et c'est d'entrée tout un univers de couleurs, de sensations porté par un texte d'Arezki Metref, ciselé, incisif, pénétrant jusqu'au plus profond de nos questionnements. Eux, ce sont Yiwan et Syne, joués respectivement par Nafa Moualek et Marc Touta, sous la direction de Hamma Meliani. Voyageurs sans bagage autre que des mots — «les seuls que l'on puisse passer en contrebande —, les personnages se cherchent, s'affrontent et s'apprivoisent. Ils ont fait la guerre dans des camps opposés, l'un dans l'armée de l'Empire, l'autre au maquis, et ils s'interrogent : «ça sert à quoi les héros ?» Comment parler, se parler ? Le cercle des dunes qui croissent et les enserrent conjugue leur peur et leur commune attente. Les problématiques sont universelles, la vie, la mort, la peur, la guerre, la torture, l'identité... Il pourrait s'agir de n'importe quel pays en conflit. Mais ici, pour qui sait les entendre, les références sont explicites. On parle de bleuite, de grève de 1956, de Dunkerque et de Tamanrasset. L'Algérie d'hier, et celle d'aujourd'hui : «On a rêvé, et maintenant ?» L'un et l'autre deviendront complices jusque dans l'affrontement, jusqu'à ce que l'un devienne l'autre. On oublie souvent que notre confrère, le journaliste écrivain Arezki Metref, est aussi un homme de théâtre dont les pièces, Priorité au basilic, La nuit du doute, L'Agonie du sablier, l'Amphore, notamment, ont été jouées tant à Alger qu'à Paris. Mais c'est la première fois que ce texte écrit en 2008 est mis en scène. Hamma Meliani, lui-même dramaturge et cinéaste, on orchestre la partition avec maestria, optant pour un théâtre sans aucun accessoire, totalement centré sur la poésie du verbe et le jeu des comédiens. Si c'est la vocation du comédien que de se glisser dans la peau de ses personnages, il est plus rare en revanche que leur vécu colle en partie avec la fiction. C'est le cas ici. Et ce n'est pas un hasard si le metteur en scène a choisi d'attribuer à Marc Touta, Français né en Algérie, le rôle de Sin, le maquisard algérien, et au comédien algérien Nafa Moualek, celui de Yiwan, l'ancien bidasse français. Là, dans ce désert imaginaire, la complicité des personnages est aussi celle des acteurs, car nous dit Nafa : «Il faut qu'il y ait des mirages à l'intérieur du comédien pour pouvoir faire vibrer les dunes.» M. J. R. Vendredi 9 janvier à 20h et samedi 10 janvier à 16h au Portail 77, avenue de Paris Villejuif. Métro 7. Station Léo Lagrange (à 50 mètres du métro).