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LA CLASSE POLITIQUE REAGIT
L'ombre d'un procès-alibi
Publié dans Le Soir d'Algérie le 16 - 03 - 2015

Le procès Sonatrach 1 ouvert, hier dimanche, au tribunal criminel d'Alger est diversement apprécié par la classe politique. Parce qu'il traite du phénomène de la corruption, entre autres points d'achoppement entre l'opposition et le pouvoir, ce procès est à valeur de «geste de bonne volonté» de lutter contre ce fléau qui n'a jamais prospéré comme il l'a été ces dernières années.
Ceci pour les partis du pouvoir et ceux évoluant à sa périphérie qui adoptent le même «tube», celui d'une confiance en notre Justice à même d'aller au fond des choses et faire éclater la vérité. Car pour les partis de l'opposition, c'est tout le contraire, eux qui estiment tout aussi unanimement ou presque, qu'il ne s'agit là, que d'un «procès-alibi» à l'issue duquel seuls des «lampistes» seraient jetés en pâture pour être condamnés à la place des véritables commanditaires de ces grosses affaires de corruption, comme ce fut le cas de l'affaire Khalifa qui ne risque pas de divulguer tous ses secrets.
Des commanditaires volontairement laissés en «rade» de ces scabreux scandales.
M. K.
Propos recueillis par M. Kebci et N. Imès
Atmane Mazouz, chargé de la communication au RCD :
«Le dossier judiciaire de l'affaire Sonatrach 1 n'est que l'arbre qui cache la forêt. Encore une fois, nous assisterons à une parodie de procès où les véritables coupables ne seront pas inquiétés. Des boucs émissaires seront jetés en pâture. Avec une justice soumise et arbitraire, les grandes affaires de corruption ne seront pas élucidées.
Dans les pays qui se respectent, lorsqu'on est face à une association de malfaiteurs, corruption, violation de la réglementation des marchés, perception d'indus avantages et blanchiment d'argent, des gouvernements tombent et tout le pouvoir est mis devant ses responsabilités. Aujourd'hui au tribunal, des représentants diplomatiques sont dépêchés pour suivre le procès et le pays s'offre ainsi en spectacle devant toutes les nations.
Pour nous, ce procès est d'abord celui du pouvoir et de ses différents clans qui sont tous coupables de l'état de délabrement institutionnel et politique du pays. Cette affaire est celle des règlements de comptes entre les différents prédateurs qui ont miné le destin de la nation.»
Soufiane Djilali, président de Jil Jadid :
«Ce procès a trop duré pour arriver. Nous allons voir si des vérités vont être dites ou s'il s'agit d'un simple procès-alibi. Sonatrach est une société gérée au plus haut niveau de l'Etat. La responsabilité du P-dg reste limitée car le choix des P-dg relève de la Présidence, les actes de gestion, surtout quand il s'agit des gros contrats sont de la responsabilité de l'Etat quelle que soit l'implication du P-dg. Ses supérieurs qui l'ont choisi et désigné à ce poste et qui sont censés évaluer son travail ont une grosse responsabilité.
Espérons que M.Méziane aura le courage de dire toute la vérité, qu'il doit assumer sa part de responsabilité et dévoilera les noms de ceux qui sont impliqués dans ces scabreuses affaires sans faire exception...»
Moussa Touati, président du FNA :
«C'est un procès où il n'y aura pas les acteurs principaux. Il ne faut pas accuser des gens qui ont obéi à des ordres de ceux qui les ont nommés. Le problème est beaucoup plus profond que cela. Le magistrat doit-il statuer sur le fond ou la forme du problème ? Nous ne comprenons pas le fait que certains responsables soient à la barre et pas d'autres. J'ai peur que ce procès ne soit que de la poudre aux yeux et une simple opération de diversion de l'opinion publique.»
Ahmed Adhimi, porte-parole du Parti des avant-gardes des libertés, en cours de constitution :
«C'est un procès inédit comme les précédents puisqu'il ne va pas déroger à la règle qui veut que chez nous, le principal accusé est à chaque fois absent de la barre comme c'est le cas pour ce procès Sonatrach I. J'estime que dès le départ, la chose est faussée. Surtout que l'ex-P-dg de Sonatrach a avoué tout récemment lors d'un entretien médiatique avoir agi sur ordre de son supérieur direct, l'ex-ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil. Cela dit, même si le P-dg a dépassé ses prérogatives, il y a la responsabilité de son ministre de tutelle qui est entièrement engagée.»
Noureddine Bahbouh, président de l'UFDS :
«Que ce procès Sonatrach s'ouvre maintenant importe peu car l'essentiel est dans la démarche. Nous verrons si tous ceux qui ont été cités passeront ou pas à la barre et en quelle qualité. Il y a beaucoup d'énigmes qui entourent cette affaire. Ce procès ira-t-il au fond des choses ou se limitera-t-il à condamner des lampistes et épargner les commanditaires ?»
Belaïd Abdelaziz, président du Front El Moustakbel :
«Beaucoup de dossiers sont actuellement ouverts. Il faut que la justice fasse son travail. Nous faisons confiance à la justice. On verra s'il y aura des interventions pour influencer la décision de la justice. Le plus important, c'est que la société connaisse la vérité sur le contenu de ces dossiers. Il faut plus de clarté et de transparence.»
Nouara Djafar, porte-parole du RND :
«La justice fait son travail. Nous lui faisons entièrement confiance pour que toute la lumière soit faite. Le dossier est entre les mains de la justice. La vérité devra voir le jour. Ceux qui sont impliqués dans cette affaire doivent être identifiés.»
Fateh Rebaï, Ennahda :
«Nous ne sommes pas rassurés. Nous ne pensons pas que ça soit un procès qui condamne les vrais coupables pour deux raisons essentielles. La première, c'est que l'indépendance de la justice n'est pas encore une réalité. La seconde raison, c'est que les expériences du passé, notamment le procès Khalifa, ont démontré que ce ne sont jamais les personnes réellement impliquées qui sont condamnées par la justice. C'est le cas de Chakib Khelil qui, malgré le fait qu'il soit cité, n'est pas interrogé. Nous craignons que ça soit "le petit poisson" qui paye pour le "gros poisson". Ces derniers vont certainement échapper comme à chaque fois à la justice. La corruption et la dilapidation de l'argent public nécessitent de la volonté politique et une légitimité populaire avec des élections libres, loin de la pression de l'administration. Ce n'est qu'à ce prix-là que la justice sera enfin indépendante.»
Djelloul Djoudi, porte-parole du PT :
«Pour nous, c'est un crime économique. Une grande trahison. La justice doit jouer son rôle en toute indépendance. On a vu avec l'affaire BCIA Bank, ça serait illogique que l'affaire Khelil soit ouverte dans cinq pays mais qu'il ne soit pas inquiété en Algérie.
Tous ceux qui ont contribué à dilapider l'argent public doivent être jugés. Toute la lumière doit être faite . On doit connaître tous les détails. L'opinion publique doit savoir ce qui s'est passé.»


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