L'Association Ouled El-Houma que préside l'ancien arbitre international de football, Monsieur Abderrahmane Bergui, prend en charge les activités sportives et culturelles des jeunes non structurés des cités et quartiers et des activités des détenus en milieu carcéral. En pleine zone de turbulences d'une Algérie déchirée par le terrorisme, sa création se voulait, donc, un lien d'amitiés et de rencontres pour une grande frange de la société, les jeunes en l'occurrence, lesquels n'activaient qu'à la faveur d'une circonstance ne répondant point à leurs aspirations. C'est en collectif constitué d'une manière spontanée et ne bénéficiant d'aucune aide ni subvention que l'Association Ouled El-Houma a ouvert ses bras à cette jeunesse en quête d'évasion, en organisant des activités sportives, des tournois de football inter-quartiers en particulier. Aujourd'hui, Ouled El-Houma qui a joué un rôle important dans le mouvement associatif algérien se trouve à la croisée des chemins. Après plus de 20 ans de présence sur le terrain, cette association, qui n'a pas tourné le dos aux jeunes surtout dans les moments les plus difficiles et douloureux durant les années 1990, compte se ressourcer auprès de cette jeunesse en quête à de nouvelles aspirations. Abderrahmane Bergui, le dévoué président de Ouled El-Houma, est conscient que l'œuvre entamée en 1994 n'a pas atteint tous ses objectifs. Et qu'il faudrait persévérer, en injectant du sang neuf, pour réussir à ancrer les idéaux de l'association. Le Soir d'Algérie : M. Bergui, cela fait plus de vingt ans que vous activez à la tête de Ouled El-Houma. Pouvez-vous, d'abord, nous relater succinctement l'idée de créer une telle Association et pour quels objectifs? Abderrahmane Bergui : Juste après avoir mis un terme à ma carrière d'arbitre international de football, j'ai fait le choix de lancer cette association malgré les moments douloureux que vivait le pays. C'est durant la tragédie qu'il nous fallait agir pour préserver notre jeunesse des dangers multiples qui la guettaient. C'est un problème de conscience qui se posait à moi en ces temps-là, car je n'avais pas le droit de rester indifférent ace à cette situation où les jeunes étaient livrés à eux-mêmes. J'ai décidé de mettre mon expérience sportive au service de cette Jeunesse. Mon équipe et moi-même avons décidé de sortir sur le terrain et d'être à l'écoute des jeunes des cités et des quartiers. C'est à partir de ces lieux que nous puisons notre énergie et le savoir-faire pour aller de l'avant. Nous essayons tant bien que mal, et avec les moyens du bord je tiens à le préciser, d'aider ces jeunes non-structurés et les intégrer dans le mouvement associatif dans le but de les soustraire à leur environnement difficile et hostile en organisant des rencontres de proximité. Nous soutenons aussi des tournois inter-quartiers en mettant à leur disposition ballons, coupes et récompenses ainsi qu'une prise en charge à titre gracieux de l'assurance-police des joueurs. Vous ciblez principalement le quartier dans vos actions. Quel regard portez-vous justement sur cet espace ? Le quartier est un réservoir inépuisable de jeunes talents tous doués dans tous les domaines. Je peux vous affirmer que des potentialités réelles existent à la base au sein des cités et des quartiers. Il est vrai que l'on trouve le bon et le mauvais comme partout ailleurs. Mais avec une stratégie coordonnée, planifiée et étudiée, on peut offrir au premier l'occasion d'émerger et au second une intégration saine dans la vie active. Ce n'est pas évident d'attirer un nombre impressionnant de jeunes vers ces activités. Quelle a été votre recette ? A vrai dire, il n'y a pas de recette miracle. C'est juste le sérieux et la volonté sincère des membres de l'Association qui permettent de telles prouesses. Notre réussite réside aussi dans la vision de la prise en charge des activités des jeunes. L'expérience acquise sur le terrain nous a renseigné que le jeune veut qu'il soit concerté dans l'élaboration de son programme. Ce que nous faisons actuellement en organisant des rencontres avec les jeunes dans leur propre environnement. Sans formalité ni conformisme et sans protocole. Aujourd'hui, on est convaincu que le jeune a besoin de plus de considération que d'autre chose. Vous agissez aussi en milieu carcéral. Qui est-ce qui vous a inspiré à activer dans ce milieu supposé hostile ? L'Association est consciente du problème de la jeunesse. Notre préoccupation est de porter aide et assistance à cette frange de jeunes en difficulté. C'est dans la voie de l'insertion des jeunes détenus dans la vie active et associative que l'association Ouled El-Houma s'est engagée en organisant des activités au profit des détenus en milieu carcéral. C'est suite à l'invitation du mouvement associatif américain, aux Etats-Unis, où j'ai eu l'occasion de visiter les grands établissements pénitentiaires américains, que j'ai mesuré l'importance du sport dans le milieu carcéral. Faut-il rappeler que le sport est le meilleur moyen de communication avec les détenus. Cette expérience personnelle m'a inspiré. En 2004, notre Association s'est engagée dans cette grande entreprise unique et inédite dans son genre en organisant des manifestations sportives et culturelles au profit des jeunes détenus en milieu carcéral. Notre action a eu un incommensurable écho et une grande reconnaissance sur le plan national et international. En Algérie, j'ai eu l'honneur d'être désigné comme expert et membre de la Commission nationale de la réinsertion des jeunes détenus par le ministère de la Justice et sur le plan international, nous avons obtenu plusieurs distinctions de reconnaissance. Je ne vous cache pas que ce qui nous a honorés le plus, c'est l'hommage que nous avons reçu lors du dernier séjour des experts britanniques de l'institut de Londres chargés de l'évaluation des prisons dans le monde entier. Lors de leur visite au siège de notre Association, ces experts ont eu à vérifier le programme réalisé par Ouled El-Houma au sein des établissements pénitentiaires en Algérie. Ils ont classé notre association parmi les meilleures qui activent dans ce domaine sur le plan international. C'est aussi un honneur que nous partageons avec l'ensemble du mouvement associatif du pays.» M. Bergui, on ne peut discuter avec vous sans évoquer la situation de l'arbitrage algérien... Ce que je peux dire est que nous avons de bons arbitres qui, malheureusement, évoluent dans des conditions extrêmement difficiles. Aujourd'hui, notre football est devenu un enjeu financier considérable. Les arbitres subissent d'énormes pressions et autres influences. On doit protéger nos arbitres de toutes les influences surtout en cette fin de saison qui s'annonce très difficile avec tous les enjeux sportifs (titre et relégation, ndlr). A vous de conclure Tout le monde sait que le quartier est un réservoir inépuisable de jeunes talents doués, que ce soit dans le sport ou la culture. Notre souhait le plus cher est la mise en œuvre d'une stratégie coordonnée, planifiée et étudiée. L'implication de l'environnement du jeune pour une sérieuse prise en charge des jeunes est un gage de réussite pour la génération à venir. Aussi, je lance un appel aux autorités locales pour encadrer nos cités et quartiers par la mise en place d'éducateurs de quartiers qualifiés. La maîtrise parfaite de l'environnement du jeune des quartiers est une condition sine qua non à la concrétisation de ce challenge. Se mettre à l'écoute de ces jeunes est le moyen pour obtenir des propositions concrètes en vue de la mise en œuvre d'un programme qui puisse répondre à la réalité du terrain.