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L'entretien de la semaine Ahmed Nouar, PhD en mathématiques, enseignant chercheur à l'université DU 20-août-1955, Skikda, au soirmagazine : «Les insuffisances sont dans les approches et les méthodes d'enseignement des mathéma
Dans l'entretien qu'il a bien voulu nous accorder, Ahmed Nouar cernera la place des mathématiques dans le système scolaire tout en précisant que pour être doué dans cette matière, il suffit d'avoir le sens de l'abstraction et l'esprit de synthèse. Soirmagazine : En quelques mots quelle est la définition que vous donnez aux mathématiques ? Ahmed Nouar : Il y a plus d'un siècle, on disait que les mathématiques sont la science qui étudie les nombres et les figures géométriques, et les rapports entre eux. Aujourd'hui on doit ajouter à ces deux classes d'objets, les structures et les transformations. D'autres préfèrent dire que les mathématiques sont la science de la quantité et de l'espace, et du symbolisme qui les relie. Si nous voulons être un peu philosophes, nous dirons que c'est la langue dans laquelle est écrit le grand livre de l'univers. Quelle est la place des mathématiques dans les programmes scolaires ? Cette place est-elle méritoire ? Je dirais oui, si on considère le volume horaire consacré à cette discipline, mais les insuffisances sont à mon avis dans les approches et les méthodes d'enseignement qui ne sont pas adéquates, surtout que dans les cycles primaire et moyen, le calcul mental n'est plus dans les programmes et que l'abstraction est évitée au maximum, on a l'impression qu'on veut «simplifier» les choses et il me vient alors à l'esprit cette réponse d'Euclide au roi Ptolémée 1er qui lui demandait une méthode plus simple pour comprendre le contenu de ses livres : «il n'y a pas de voie royale en géométrie». Avons-nous une société «matheuse» ? Si vous voulez parler d'une société imprégnée de la pensée mathématique, une telle société est rationnelle par excellence, je ne pense pas que notre société le soit. Dans votre cursus professionnel, avez-vous rencontré des étudiants de génie ? Je ne parlerai pas de génie. D'ailleurs comment peut-on le mesurer ? Mais je peux dire que j'ai eu beaucoup d'étudiants très brillants qui ont d'ailleurs très bien réussi leur parcours en mathématiques et il est certain par ailleurs que l'université en général a «raté» beaucoup d'étudiants brillants qui auraient fait de bons mathématiciens mais les valeurs de la société les ont plutôt orientés vers d'autres disciplines à retour d'investissement plus intéressant sur le plan matériel. Quels sont les indicateurs qui peuvent déterminer qu'un élève ou un étudiant est doué pour cette matière ? Les mathématiques sont la science de l'abstrait et être doué pour les mathématiques, c'est surtout avoir une grande faculté d'abstraction et un bon esprit de synthèse. On dit que les mathématiques sont nées d'une volonté de compréhension de l'espace ambiant, peut-on extrapoler pour le faire dans les domaines politique et social en Algérie ? Les mathématiques sont nées surtout pour répondre aux besoins de la vie quotidienne de l'homme et ont commencé avec la notion élémentaire du nombre et des figures géométriques simples. Après plusieurs millénaires de développement, faits d'accumulation, d'abstraction, de généralisation, de synthèse et de ramification, les mathématiques ont conquis un large éventail de champs d'application et ont depuis longtemps débordé du cadre naturel des phénomènes objectifs et déterministes pour occuper une place de plus en plus grande dans les différents domaines de l'activité humaine et de nos jours, elles s'appliquent même en linguistique. Eugène Wigner parle de «la déraisonnable efficacité des mathématiques», que veut-il donc dire ? Le développement des mathématiques s'est fait à travers les siècles dans un long processus fait de rapports dialectiques avec la nature et le monde matériel en général, un long processus d'interactions où les mathématiques trouvaient dans les autres disciplines un stimulant pour le perfectionnement de leurs techniques et l'élargissement de leurs horizons. Les autres branches du savoir, surtout l'astronomie et plus tard la physique, puisaient pour leur part dans le «bagage mathématique» les outils et les techniques nécessaires à la consolidation de leur édifice théorique. Parvenues à un stade avancé de leur évolution, les mathématiques ont acquis une certaine autonomie par rapport au monde extérieur et ont commencé à s'occuper de leurs problèmes internes : systématisation, fondements... Ce qu'il y a de déraisonnable, c'est que des concepts nés de raisonnements purement mathématiques se soient avérés de puissants outils d'investigation et même de conceptualisation dans d'autres branches du savoir. On peut citer les exemples de la théorie des groupes et des géométries non euclidiennes qui sont nées à partir de problématiques de mathématiques pures et qui ont eu bien ultérieurement un grand succès dans les applications en chimie et en physique théorique. En parlant de «déraisonnable efficacité des mathématiques», Eugène Wigner, ce grand physicien théoricien, exprime, à mon avis, de l'étonnement et de l'admiration. Un dernier mot... À tous les enfants, à tous les parents : il n'y a pas de voie royale en mathématiques.