Maintenir le flou autour d'une évidence (nucléaire) ne dissipe pas celle-ci et n'autorise pas à porter un jugement de valeur sur autrui. Rappelons seulement qu'en 1986, Morchedai Vanunu, technicien à la centrale de Dimona, avait fait des révélations publiques sur le programme nucléaire israélien. Cela lui avait coûté une condamnation de 18 ans de prison. De même le lapsus révélateur de l'ex-Premier ministre israélien E. Olmert, en 2006, lorsqu'il avait indiqué, involontairement, qu'Israël avait l'arme nucléaire !(16) L'opposition d'Israël a tout accord nucléaire avec l'Iran et aux appels des Etats arabes de la région en faveur d'un Moyen-Orient dénucléarisé ne règle pas la problématique du nucléaire militaire israélien et ne disculpe pas les Etats occidentaux alliés d'Israël, notamment ceux qui détiennent l'arme nucléaire, de l'abus dans l'usage de la pratique du «un poids, deux mesures», donc de l'iniquité, voire de l'injustice, en instrumentalisant le Conseil de sécurité de l'ONU et l'AIEA au service d'un «super-Etat» et contre «tout le reste». L'une des nombreuses résolutions de l'AIEA demandant à Israël de se conformer au régime de non-prolifération date du 19 septembre 2009. Elle est restée lettre morte comme bien d'autres, et le dossier nucléaire israélien n'a jamais été transféré au Conseil de sécurité. Et pour semer la psychose au sein de sa propre population, Netanyahou brandit la menace de représailles iraniennes et organise un exercice simulant une évacuation de masse de la population israélienne(17). Netanyahou est convaincu que tout accord nucléaire avec l'Iran constitue «le plus grave danger pour la paix mondiale depuis les calamités intervenues au milieu du XXe siècle !»(17)(8). Il déclare qu'un tel accord provoquerait «une course aux armements avec les Etats arabes sunnites de la région»(19). Selon lui, un Iran nucléaire menacerait l'existence même d'Israël dont il demande la reconnaissance par l'Iran comme condition préalable à tout accord. Non content de s'opposer à la légalité internationale, Israël menace de bombarder les installations nucléaires iraniennes ! Par ailleurs, les autorités iraniennes accusent les services israéliens d'être à l'origine de l'assassinat de 5 scientifiques iraniens ayant travaillé sur le projet nucléaire. Tout comme ils les accusent, notamment l'«Unité 822», en collaboration avec la NSA, des très dangereuses cyberattaques (voir sur internet les vers informatiques Stuxnet, Duqu et surtout Flame, un virus «capable d'identifier et de recopier n'importe quel type de fichier, de mémoriser chaque frappe sur le clavier, de faire des captures d'écran, encore d'activer le micro de l'ordinateur pour enregistrer des conversations alentour... )(20) dont leurs installations pétrolières et nucléaires ont été les cibles entre 2010 et 2012. Enfin, il a poussé l'audace jusqu'à défier le président de la première puissance mondiale en prononçant un discours au Congrès, le 3 mars 2015, sans avoir été invité par Obama. Il s'est incrusté, sans retenue et avec l'aide de ses fidèles supporters républicains, dans un débat de politique étrangère américano-américain. Fort heureusement, il y a des esprits lucides et réalistes même en Israël qui admettent l'échec de la politique extrémiste des dirigeants jusqu'au-boutistes israéliens, à l'image du journaliste Nahum Barnea qui écrit notamment : «Il serait temps de cesser de fantasmer et de reprendre pied dans la réalité : Israël ne dispose d'aucune option militaire concernant la destruction du programme nucléaire iranien. Et même si une telle option a pu exister dans le passé, elle est désormais dépassée. Washington ne bombardera pas l'Iran, les principaux partis politiques américains sont hostiles à une action militaire contre Téhéran. Les républicains peuvent bien critiquer Obama, mais ils n'ont aucun désir de se voir attribuer la responsabilité d'une nouvelle intervention armée... Benyamin Netanyahou a placé la lutte contre le programme nucléaire iranien en tête de son agenda politique. Pour lui, l'Iran est l'Allemagne hitlérienne. Il espérait que Téhéran renoncerait à son projet, s'effondrerait en raison des sanctions, ou serait mis à genoux par une intervention américaine. Rien de tout cela ne s'est produit. Israël s'est lamentablement trompé.»(21) Un analyste conclut sur un site israélien : «Même Israël devrait apprendre à vivre avec !»(22) C'est aussi, un peu, la conclusion à laquelle semblent être parvenus les dirigeants occidentaux. Un accord nommé «séisme» : il n'y a pas que les Occidentaux et les Israéliens qui redoutent un programme nucléaire militaire iranien. Il y a aussi les Etats arabes voisins sunnites, notamment l'Arabie Saoudite et ses alliés du Conseil de coopération du Golfe et d'autres comme l'Egypte du maréchal Abdel Fattah al-Sissi. Ce ne sont certainement pas les bonnes intentions exprimées par le vice-ministre iranien des Affaires étrangères déclarant que son pays n'essayait pas de développer l'arme nucléaire» et invitant «les autres acteurs de la région, y compris Israël, à avoir les mêmes intentions et détruire leurs têtes nucléaires» (23) qui les rassurent. Malgré les assurances répétées des Américains, soutenus en cela par les autres puissances occidentales et impliquant la Chine, la Russie et l'ONU, un Iran doté de l'arme nucléaire ou simplement maîtrisant le processus de sa fabrication inquiète le monde sunnite. En l'absence de démocratie dans cette partie du monde, ce qui aurait pu se limiter à une question de prolifération nucléaire a été récupéré par des officines politiques qui trouvent leurs comptes dans... un règlement de comptes entre chiites et sunnites. C'est avec un grand émoi et une profonde désolation que nous assistons à l'effritement et à la déchirure d'un Moyen-Orient jadis berceau de grandes civilisations et des trois grandes religions monothéistes. Le «printemps arabe» qui était porteur de grands espoirs d'émancipation, de démocratie et de développement pour des peuples longtemps marginalisés a été dévoyé et dépourvu de son idéal au profit de forces occultes et rétrogrades internes et externes exploitant les antagonismes ethniques et confessionnels. La Palestine et la démocratie dans la région attendront, peut-être, un... autre printemps arabe. Les premières réactions dans certains pays de la région témoignent des clivages et des différences d'appréciation de l'accord nucléaire. Dans ce cadre, un représentant (sunnite) de l'opposition syrienne en exil, Monzer Akbik, rejette l'accord de Lausanne au prétexte que la levée des sanctions contre Téhéran signifiera davantage de soutien financier pour Bachar Al Assad. Par ailleurs, une coalition de factions politiques chiites et du Hezbollah libanais a publié un communiqué félicitant l'Iran pour sa victoire «après tant d'années de souffrance, de patience et de confrontation avec l'Occident». Et soulignant «l'exploit historique qui est le fruit d'une longue lutte menée par le peuple iranien, sous la direction de son leadership éclairé, courageux et sage». A Baghdad, Hakim Al Zamili, membre du parti de Moktada Al Sadr, ne cache pas, non plus, sa satisfaction de voir «un Etat musulman posséder un réacteur nucléaire civil qui accroît la puissance de l'Iran»(24). Mais à Riyad, le ton est toujours suspicieux à l'égard de Téhéran comme le révèle un analyste saoudien pour qui «nul ne pourra nous convaincre que l'Iran est un pays pacifique»(25). Relayé en cela par Turki Al Fayçal, ancien directeur des renseignements saoudiens, qui considère que l'Iran est «un acteur perturbateur et déstabilisateur du monde arabe»(26). L'engagement direct de forces iraniennes (Syrie et Irak) ou indirect à travers le soutien de ses alliés chiites dans la région (Liban et Yémen) est qualifié par les Etats sunnites de subversion et de menace pour leur sécurité. De plus, l'Iran est accusé de vouloir exporter sa révolution vers tous les pays de la région et de manipuler les minorités chiites de ces pays. Par ailleurs l'intronisation de Salman le 23 janvier 2015 à la tête du royaume d'Arabie Saoudite marque sans doute un tournant dans la politique extérieure du pays. Son prédécesseur Abdallah était presqu'impotent du fait de la maladie. Durant les dernières années de sa vie, le royaume semblait abdiquer devant la vitalité de la République islamique d'Iran. Depuis qu'il a pris les rênes du pouvoir, Salman tente d'assainir son entourage, de redresser la situation après les déboires sunnites en Irak, en Syrie et au Yémen et de raffermir le leadership de Riyad au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Il faut souligner que le rôle de leader que tente d'imposer Riyad à ses partenaires au sein du CCG n'est pas une sinécure. L'unanimité est loin d'être acquise autour du point de vue de Riyad sur l'Iran. En effet, le sultanat d'Oman opte pour un rôle de facilitateur entre l'Iran et les EU, tandis qu'Abu Dhabi, Doha et Kuwait City préfèrent se préserver une marge de manœuvre avec l'Iran. Pour preuve, à l'exception de Riyad et de Manama (Bahreïn), les Etats du CCG avaient «accueilli positivement l'accord de novembre 2013»(27). Dans ce cadre, le rétablissement de l'économie iranienne, la possible résurgence en force de l'Iran sur la scène internationale à travers un accord nucléaire et un rapprochement avec les EU est le pire scénario redouté par les pétromonarchies du Golfe, à leur tête l'Arabie Saoudite. Un journaliste britannique écrit à ce sujet : «C'est ainsi que l'Etat que nous avions l'habitude de considérer comme un ennemi — l'Iran — commence à apparaître comme un ami potentiel, et que celui que nous traitions comme un allié (Arabie Saoudite) fait de plus en plus figure, si ce n'est d'ennemi, du moins du genre d'ami qui rend inutile l'existence d'ennemis.»(28) Si Téhéran semble réussir dans sa politique de déstabilisation des pays sunnites voisins, ce «succès» n'est pas dû seulement à «l'idéologie» que véhiculent les milices chiites au Liban, en Syrie, au Yémen et surtout en Irak, mais plutôt aussi à l'extrémisme wahhabite et à l'absence de l'expression démocratique dans la majorité des monarchies arabes. La force de l'Iran provient de la faiblesse de ses voisins. Et ce n'est certainement pas la coalition de circonstance au Yémen qui le contredirait. C'est dire aussi que la tâche du président Obama et de son Administration n'est pas aisée. Mais quel sens donner alors à la stratégie américaine envers l'Iran ? Lors d'un entretien à la National Public Radio, le 29 décembre 2014, le président Obama déclarait que «l'Iran pourrait devenir une puissance régionale prospère s'il parvenait à un accord sur son programme nucléaire»(29). Le message a été bien reçu à Téhéran. Une ère nouvelle s'ouvrirait dans les relations entre les deux pays. En effet, si l'on examine de près les principaux axes de la politique extérieure américaine durant l'ère Obama, on relève que pour le Moyen-Orient, il existe une volonté de mettre en place une stratégie d'équilibre entre les deux grandes branches confessionnelles de l'Islam : chiisme et sunnisme. En plus de la stabilité de la région qu'elle pourrait servir, elle serait d'un apport précieux pour Washington dans sa lutte contre le terrorisme. Aujourd'hui, et exception faite du Hezbollah libanais qui inquiète plus Tel-Aviv que Washington et des milices chiites irakiennes souvent incontrôlables, force est de croire que les plus grands défis sécuritaires pour l'Amérique sont d'essence sunnite (Etat islamique, Al Nosra, Al Qaeda). Dans ce cadre, la présence militaire iranienne sur le terrain est acceptée par Washington, notamment en Irak. Dans ce pays, les circonstances ont fait que le paradoxe soit devenu un fait ordinaire lorsqu'on découvre que les éléments de la force iranienne «Al-Qods»(30), la branche extérieure des Gardiens de la Révolution, dirigés par le général-major Ghassem Soleimani, combattent les éléments de l'Etat islamique à côté des forces (aériennes) américaines, des forces régulières, des milices chiites et de certaines tribus sunnites irakiennes. Dans ce cadre, l'assistance irano-chiite est plutôt appréciée, quand bien même le département d'Etat déclare dans un récent communiqué, que les EU ne «coordonnent pas militairement» avec l'Iran en Irak, et que le ministre des Affaires étrangères Ibrahim Al Jafari déclare que «l'Iran soutient l'Irak, mais n'interfère pas dans sa souveraineté et ceci ne signifie pas que l'Irak est en train de devenir perse»(31). Pour preuve, le secrétaire d'Etat J. Kerry a récemment reconnu qu'en marge de ses entretiens sur le nucléaire avec son homologue iranien Javad Zarif, le dossier irakien a bien été abordé. L'Iran devient ainsi un partenaire des EU sur un dossier de haute importance, au grand dam des pays arabes. Obama devait avoir de sérieux arguments à exposer à ses invités arabes à Camp David, le 13 mai. Au Yémen, le conflit meurtrier qui secoue le pays est la conséquence de la rébellion Houthis-chiites zaydites contre le pouvoir central et de la politisation du clivage confessionnel entre chiites et sunnites. Selon Riadh, il trouve sa genèse dans le soutien de l'Iran aux insurgés et sa volonté de déstabiliser le royaume. Ce que dément Téhéran. Certains analystes pensent même que Riadh n'a informé Washington qu'à la dernière minute de l'opération «Tempête décisive» au Yémen. Cette attitude est assimilée à une réaction de mécontentement des Saoudiens et une volonté de prouver à l'allié américain que, si nécessaire, les Etats arabes sunnites prendraient leur destin en main et décideraient seuls, quand bien même cela se ferait sans Washington, voire contre sa volonté. En Syrie, la ténacité du régime d'Assad acquise grâce au soutien politique, économique et militaire de l'Iran et du Hezbollah a fini pas rendre le président syrien «apte» à participer à une solution du conflit. Ce qui inquiète au plus haut point Riadh et ses alliés sunnites, mais, par contre, rassure Téhéran même si ce soutien lui revient très cher, en raison des sanctions internationales. Les EU n'ont pas mené de raids contre les forces régulières de Damas, à la satisfaction de Téhéran, mais pas de Riadh et de Doha. Un autre hiatus dans les relations américano-saoudiennes. Par ailleurs, la récente exploitation du pétrole et du gaz de schiste par les EU qui deviennent exportateurs d'énergie tendra, si elle se poursuit, à relativiser l'importance du Moyen-Orient, donc des pétromonarchies, comme source majeure de fourniture d'énergie fossile à ce pays. Enfin, le rapprochement entre Washington et Téhéran pourrait avoir été renforcé par l'intérêt croissant des Américains pour la région Asie-Pacifique(32) où se joue une forte rivalité avec la Chine. Dans cette région du monde, les EU s'investissent pour donner corps au «Pacific Trade Pact» qui renforcerait leur puissance économique et stratégique face à la puissance ascendante de la Chine. Si la stratégie américaine réussit, l'«endiguement» de la Chine allégera certainement les pressions sur la politique extérieure américaine au Moyen-Orient. Si ce rapprochement se confirmait un jour, rien ne dit que l'Arabie Saoudite et ses alliés se contenteraient de continuer à financer l'industrie d'armement américaine par des achats massifs et à garantir la permanence de bases militaires sur leur territoire à une Amérique qui les laisse tomber au profit du pire adversaire qu'ils aient. L'influence de Moscou dans la région qui remonte loin dans l'histoire n'est pas près de s'estomper. La tension qui pèse actuellement sur les relations américano-russes et les sanctions qui frappent tout autant Téhéran que Moscou, en raison de la situation en Ukraine dans le second cas, constituent une similitude entre les Iraniens et les Russes, que ces derniers ne se priveraient pas d'exploiter en leur faveur. De plus, Moscou qui a réussi à remettre en marche la centrale de Bouchehr, inaugurée en grande pompe le 12 septembre 2011, a décidé, le 13 avril 2015, de livrer à Téhéran des missiles S300 pour un montant de 800 millions de dollars. L'accord remonte à 2007, mais la livraison avait été suspendue, en 2010, par le président Medvedev, en application de la résolution 1929 de l'ONU contre l'Iran. Téhéran ferait volontiers valoir ses liens avec Moscou dans ses rapports avec Washington. Le nucléaire : un droit ou une arme ? Le TNP est formel sur le droit inaliénable des Etats-parties à «développer la recherche, la production et l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques», droit que revendique l'Iran. La difficulté majeure réside dans l'absence de ligne claire de démarcation entre l'usage nucléaire civil et la prolifération nucléaire (usage militaire)(33). L'énergie nucléaire civile maîtrisée et sécurisée (se rappeler les accidents de Tchernobyl, Three Mile Island et Fukushima) répond à plusieurs préoccupations économiques et environnementales des usagers : durabilité, fiabilité, coût, non émettrice de gaz à effet de serre (pollution)... Cette source d'énergie pourrait très bien servir l'humanité, si elle est utilisée à bon escient. Quelles leçons tirer du processus en cours du nucléaire iranien ? L'Iran dispose désormais d'un droit que lui reconnaît la communauté internationale en tant qu'Etat signataire du TNP et du protocole additionnel, à savoir que rien ne s'oppose à ce que l'enrichissement de l'uranium se fasse au pays. C'est une grande victoire pour les dirigeants iraniens qui ont su résister aux pressions occidentales pour aboutir à ce que le pays ne dépende pas d'un autre pour lui fournir du combustible enrichi. Ce n'est pas seulement une question de fierté nationale, mais une affaire économique et de liberté d'action. Par leur entêtement et leurs capacités de négociation, les dirigeants iraniens ont eu gain de cause. La maîtrise de la technologie nucléaire est désormais une réalité. Par ailleurs, les Iraniens, qui ont prouvé leur capacité d'endurance, misent sur le facteur temps. Et si toutefois l'ambition de l'arme nucléaire taraude réellement leurs esprits, avec cet accord, ils n'auraient cédé qu'avec l'espoir qu'un jour le pays atteigne cet objectif. Et là, la communauté internationale, surtout les monarchies arabes du Golfe, auraient raison de s'inquiéter. Les Occidentaux, à leur tête les Américains, tablaient au départ sur une destruction, ou du moins une réduction à sa plus simple expression, de l'infrastructure nucléaire iranienne. Aujourd'hui, ils se rendent à l'évidence : l'Iran nucléaire est une réalité avec laquelle il faut compter. Ne reste alors que l'objectif de tout faire pour que le programme nucléaire iranien soit et reste exclusivement civil, grâce à un contrôle sévère et permanent jamais exercé sur un pays. D'ailleurs, c'est ce que reconnaît J. Kerry en personne : contenir l'Iran dans ses retranchements avec des mesures politiques et économiques drastiques est la voie choisie par les Américains. Il s'agit, en contrepartie, de lui faire miroiter la paix et le développement contre le respect strict de ses engagements. Pour le Président Obama, l'option du bombardement des installations iraniennes ne correspond plus à la réalité du terrain. Le Moyen-Orient est déjà suffisamment déchiré par de nombreux conflits pour lui en rajouter un autre qui pourrait mettre à feu et à sang toute la région. Faire éclater tout le Moyen-Orient par une frappe aérienne serait synonyme de déflagration pour toute la région avec des conséquences inimaginables sur les vies humaines, l'économie de la région et l'environnement. Pour certains va-t-en- guerre, si attaque il devait y avoir, il aurait fallu qu'elle se fasse au tout début, vers 2002. - Dans ce cadre, le plus déçu reste évidemment Israël. Mais les dirigeants israéliens qui ont fait du nucléaire iranien une marchandise électorale interne et une stratégie visant à enterrer la question palestinienne déchantent à présent. Même la «justification» de défense de «l'existence d'Israël menacé d'être rayé de la carte géographique» n'est plus de mise. Ils savent pertinemment que les déclarations intempestives d'un ultra comme Ahmadinedjad ne dépasseront jamais le niveau de propagande politique destinée à l'opinion nationale et arabe. D'ailleurs pour les ultras iraniens, comme pour nombre de dirigeants arabes, la question palestinienne est un facteur rassembleur de leurs peuples et une légitimation de leurs régimes autocratiques. L'extrémisme israélien est non seulement infondé, il est surtout irréaliste, et il a compliqué la tâche à l'Administration américaine actuelle. Celle-ci est embourbée dans des négociations difficiles avec le Congres à ce sujet (droit de regard), en partie à cause des pressions du lobby juif américain, relais de Tel-Aviv. Par ailleurs, tout porte à croire que l'option militaire n'est plus dans le «menu» israélien. Si la perspective du bombardement des installations nucléaires venait à être réalisée, Israël se retrouverait bien seul, sans même la France (pourtant acquise à ses thèses) ou les EU pour l'assister. Bien au contraire, une telle action risquerait de faire exploser une vraie bombe de colère dans la rue arabo-musulmane et progressiste dans le monde. L'Etat hébreu risquerait de perdre sa quiétude pour très longtemps. A l'évidence, toute l'attention était portée sur Camp David et la rencontre américano-arabe. Le président Obama a reçu les 13 et 14 mai 2015 les représentants des six pays membres du CCG, en l'absence du roi d'Arabie Saoudite, représenté par l'héritier du trône. Durant cette rencontre, le président américain a tenté de convaincre ses invités de la solidité des liens entre leurs pays et surtout de les convaincre que l'accord nucléaire en voie de finalisation procède d'une volonté de diminuer la capacité de déstabilisation, déjà réelle avec les sanctions, de l'Iran. Les membres du CCG craignent que la levée des sanctions, la réhabilitation internationale (avec Occident) et surtout un rapprochement des EU avec l'Iran ne renforcent ce pays aux dépens de leur sécurité et leurs intérêts. Ils souhaitent la signature d'un pacte de sécurité avec les EU comme évoqué il y a quelques jours par J. Kerry. Mais pour Obama, cela relève aussi du Congrès où il ne constitue pas une priorité. Le programme nucléaire iranien, même civil, reste un symbole d'épée de Damoclès suspendue sur les têtes couronnées des Etats du Golfe arabo-persique. Un Moyen-Orient — zone exempte d'armes nucléaires ? Pourquoi pas ? Il y a bien six zones dénucléarisées dans le monde. Il faut l'espérer et prier pour que l'accord sur le nucléaire iranien, en attendant Israël, soit le premier pas dans cette direction. Nul n'a besoin d'une bombe A, qu'elle soit iranienne ou d'ailleurs, car «par un tournant étrange de l'histoire, la menace d'une guerre nucléaire globale a disparu, mais le risque d'attaques nucléaires a grandi»(34). C'est la réalité. M. Z. Bibliographie/Web graphie 16- «Le secret de Polichinelle de la bombe atomique en Israël» in Libération et «Israël et la bombe» in Le Monde du 13 décembre 2006 - http://www.dissident-media.org/infonucleaire. 17- «En Israël, la psychose d'un conflit avec l'Iran» par Véronique Falez in Le Monde du 6 septembre 2012. 18- «Netanyahou : la France ne doit pas fléchir face à l'Iran» in Le Figaro des 16 et 17 novembre 2013. Interview donnée la veille de la première visite de F. Hollande en Israël et dans laquelle Netanyahou rappelait «les positions communes des 2 pays, quelle que soit la majorité au pouvoir». 19- «Netanyahou réaffirme sa crainte pour la survie d'Israël» in http://www.rtl.fr/actu/international/nucléaire-iranien. 20- «Début de la coopération entre l'Iran et les Etats-Unis dans les années 1950-1960» http://www.fr.wikipedia.org/wiki/programmenucleaire-civil-iranien. 21- «Vu d'Israël : entre peur et fantasmes» par Nahum Barnes in Yediot Aharonot du 4 avril 2015. 22- Ron Ben-Yishai a security analyst for the news site Ynet voir Jodi Rudoren «Gauging the tenor of Israel's response» in International New York Times des 4 et 5 avril 2015. 23- «The nuclear renaissance : an opportunity to enhance the culture of non-proliferation» par Anne Lauvergeon in http://fr.sputniknews/com/international. 24- 27- «Arab allies cry betrayal over nuclear accord with Iran» in International New York Time des 4 et 5 avril 2015. 25- «La grande peur de l'Arabie Saoudite» par Alain Gresh in Le Monde diplomatique de mai 2014. 26- «Une menace avec ou sans nucléaire» in The National Abu Dhabi du 10 mars 2015. 28- «Le casse-tête de l'Occident» par Michael Axworthy in The Guardian du 28 janvier 2015, article traduit et publié par le Courrier international – dossier «Faut-il avoir peur de l'Iran ?», cité plus haut. 29- «Le temps de la haine entre les Etats- Unis et l'Iran est-il révolu ?» par Trita Parsi, président du Conseil national irano-américain, in Le Monde diplomatique de mars 2015. 30- «Soleimani, l'étoile montante» par Dan Lamothe – The Washington Post du 5 mars 2015. 32- «Vers une tentative de normalisation diplomatique entre l'Iran et l'Arabie Saoudite» par Michel Makinsky in Les clés du Moyen- Orient du 23 mars 2015. 33- «Nuclear power without proliferation ?» par Steven E. Miller & Scott D. Sagan in Journal of the American Academy of Arts and Sciences 2009 – Dossier «On the global nuclear future». 34- «Flame, virus espion d'Etat» par Yves Eudes in Le Monde du 20 juin 2012.