Par Hassane Zerrouky En football, la meilleure défense, dit-on, c'est l'attaque. Accusée de toutes parts de financer, directement ou via des fondations dites religieuses, l'extrémisme religieux, Riyad a trouvé la parade... et quelle parade ! Quoi de mieux que de se défausser sur d'autres pays. C'est tellement simple qu'il aurait été dommage de ne pas y penser. Ainsi, plusieurs sites d'information dont huffpostmaghreb ont rapporté que le 17 mai dernier, le ministère des Affaires étrangères saoudien a enjoint, sans rire, plusieurs institutions du pays, de faire montre de «prudence» et de «vigilance dans le traitement des opérations financières» avec onze pays dont l'Algérie, «pour ne pas tomber dans le piège des opérations douteuses entrant dans le cadre du financement du terrorisme et des réseaux extrémistes». Riyad les accuse précisément de «ne pas respecter leurs engagements dans le cadre du Groupe d'action financière (Gafi) contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme». Parmi les pays «blacklistés», pour reprendre une expression très usitée, figurent aux côtés de l'Algérie, l'Equateur, l'Ethiopie, l'Indonésie, Myanmar, la Syrie et le Yémen mais aussi la Turquie et le Pakistan, ses deux alliés dans la région. Dans cette affaire, hormis le Maroc qui tente vainement de confondre le Polisario avec Al-Qaïda, on se demande qui avalera une telle couleuvre ! Personne n'est dupe. D'autant que, pas une semaine ne passe sans que des médias ou des chercheurs ne fassent de nouvelles révélations, sur la base de faits documentés, concernant le soutien financier et matériel des pétromonarchies du Golfe aux groupes djihadistes via des fondations religieuses ou de richissimes hommes d'affaires. Un soutien qui ne date pas d'aujourd'hui mais de la lointaine guerre d'Afghanistan contre les Soviétiques. Même d'ex-chefs de la diplomatie, comme Dominique de Villepin, qui sait de quoi il parle, ont appelé les pays du Golfe à cesser ce «jeu destructeur» consistant à financer des groupes comme l'Etat islamique (EI, Daesh). Dernier en date de ces accusations à charge, le rapport du Congressional Research Service (CRS) rattaché au Congrès américain (le parlement US), dont a fait état le Canard enchaîné du 29 avril. Ce rapport, transmis au gouvernement des Etats-Unis, accuse ouvertement, preuves à l'appui, des donateurs privés saoudiens, qataris, koweïtiens et émiratis de financer les djihadistes de l'EI. Sans ces fonds, Daesh ou le Front Al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda, ne seraient que des groupuscules et seraient incapables de monter des opérations d'envergure comme celles ayant conduit à la chute de Ramadi en Irak. On retiendra que Washington n'a pas l'intention de donner suite à ce type de rapports mettant en cause ses obligés saoudiens et des pays du Golfe. Alger n'a pas réagi. La raison ? L'accusation lancée par les faux frères saoudiens est intervenue dans un contexte de confusion au sommet de l'Etat concernant le dernier remaniement où le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a vu le département dont il a la charge amputé dans un premier temps de la coopération internationale, qui concerne les intérêts vitaux du pays, au profit du ministère des Affaires maghrébines et africaines et de la Ligue arabe, sorte de ministère des Affaires étrangères bis. Une situation qui, encore une fois, donne une image peu flatteuse de l'Algérie à l'étranger. Passons sur cette singularité qui fait que l'Algérie est sans doute l'un des rares pays au monde ayant une diplomatie à deux têtes, dont l'une a rang de ministre d'Etat et l'autre, chargée spécialement du monde arabo-africain, a rang de simple ministre. Et constatons que le retour en force de l'Algérie sur la scène régionale depuis que Ramtane Lamamra est en charge de la diplomatie algérienne et le fait que cette diplomatie renoue avec ce qui a fait sa force par le passé, à savoir ne pas être encore totalement soumise aux intérêts de certains pays dits «amis», dérange. Elle dérange certains cercles politiques et affairistes qui convoitent les secteurs stratégiques de l'économie nationale et, sans doute, ces partenaires étrangers (et leurs alliés arabes) pour qui l'Algérie doit rester une «chasse gardée», qui ne doit pas sortir de son statut de pays mono-exportateur et d'immense marché de consommation pour les produits fabriqués ailleurs. Il n'y a pas d'autres explications.