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FIN DE CYCLE PRIMAIRE (LA 6e)
«L'examinite» ou le calvaire de l'élève algérien
Publié dans Le Soir d'Algérie le 01 - 06 - 2015


Ahmed Tessa
[email protected]
«Trop de contrôles (compositions, devoirs, interrogations, examens) tuent l'évaluation et démotivent l'élève.» Lors de la réintroduction de l'examen de fin de cycle primaire (l'ex-sixième), il y a de cela neuf ans (année scolaire 2005/2006), le ministère de l'Education nationale affirmait en guise d'argument : «Cet examen a pour seul objectif de connaître le niveau réel de nos écoliers et ce, afin de compenser leurs lacunes.» En termes pédagogiques, on traduira ces propos par «organiser une évaluation diagnostic». Cette annonce a été faite après la proclamation des résultats, en juin 2006, alors que les deux circulaires, envoyées au terrain en septembre 2005, stipulaient une évaluation sommative à des fins d'une sanction, le passage au collège. C'est dire si cette décision de réintroduire un examen devenu obsolète a été suffisamment mûrie. Pour rappel, sa génitrice, la France, l'a supprimé depuis cinquante ans et l'Algérie, un peu moins. Cafouillage ?! La vraie raison de cette réhabilitation est donnée par une déclaration à la presse d'un responsable de l'époque : «Il y a trop de notes de complaisance lors des passages au collège.» En soumettant des enfants, à la carapace psychologique fragile, à un examen national avec son organisation quasi militarisée, hypersurveillé, le ministère avait pensé trouver la parade à «ces notes de complaisance». Autre argument avancé en «off»: «Cet examen poussera les parents à se mobiliser autour de la scolarité de leurs enfants.» Si ces intentions – lutter contre les notes de complaisance et mobiliser les parents – sont louables, il n'en demeure pas moins qu'elles sont mal négociées par le recours à une formule (l'examen final) qui ne présente que des inconvénients. Trop d'inconvénients ! La preuve, les examens de ce genre ont pratiquement disparu du paysage scolaire mondial. Il existe d'autres modalités d'évaluation plus motivantes pour l'élève et plus pertinentes et efficaces sur le plan psychopédagogique.
Imitation tronquée
Revenons à l'explication officielle de juin 2006. Elle prétend qu'avec cet examen de 5°AP, nos élèves sont soumis à une évaluation diagnostic. Or, ce concept n'est opérationnel que s'il est adopté dans sa globalité. Cela signifie qu'une fois analysées et corrigées, les épreuves d'une évaluation diagnostic doivent être ponctuées par des séances de remise à niveau. Rien de tel n'a été prévu pour les élèves ayant trébuché à cet examen de 5°AP. Encore, faut-il détecter ces élèves sur la base de leurs difficultés qui doivent être cernées au préalable. Ce qui n'est pas le cas : nos candidats ne connaîtront jamais la nature de leurs erreurs, leurs enseignants non plus. Après les résultats, ils partent en vacances et se rendront au collège, en septembre, comme si de rien n'était. Il est vrai que la période entre la première et la seconde session de cet examen est théoriquement destinée à aider les élèves recalés, leur dispenser des séances de soutien. Là aussi, le discours officiel est fragilisé par la réalité. Les enseignants qui encadrent ces élèves pour les préparer à la deuxième session ne disposent pas de leurs copies d'examen de la première session. Sur quoi vont-ils baser la remise à niveau ? Sur les brouillons ramenés par les élèves concernés ? Impossible. De plus, les trois semaines qui séparent les deux sessions sont largement insuffisantes pour combler d'énormes lacunes dont certaines remontent aux premières années de scolarité. Une évaluation diagnostic en 5°AP, à l'échelle nationale, consiste à vérifier les pré requis des élèves, critère d'adaptation aux études du collège. Elle exige une organisation de longue haleine : épreuves finement élaborées, feed-back des évaluations, traitement et analyse fouillée des résultats, détection des élèves à remettre à niveau, perfectionnement des enseignants, séances de remédiation. Les notes, ces chiffres froids, une fois récoltées ne seront exploitées qu'à titre de statistiques à usage administratif. Encore une dérive d'un système scolaire obsédé par la compétition entre élèves : la primauté de la fonction sociale de la note au détriment de sa fonction pédagogique. Et comme prévu, la nature des erreurs constatées et leur prise en charge sont occultées. Cette pratique nous la retrouvons, à un degré moindre, à l'occasion des compositions et des devoirs où la correction collective, quand elle a lieu, marginalise la spécificité des erreurs et des lacunes de l'élève. A l'évidence, l'évaluation diagnostic dont le ministère avait habillé cet examen de 5°AP n'aura été que pure illusion. Il s'agissait, avant tout, d'un examen/sanction pur et dur. Heureusement que la décision a été prise de supprimer la deuxième session, à partir de l'édition de Juin 2015. En attendant, nous l'espérons, d'emprunter d'autres modalités d'évaluation et supprimer un examen/ sanction décrié par tous les spécialistes. La vérité de la réintroduction de cet examen est que l'Algérie a voulu imiter la France. Comparée à l'évaluation diagnostic à la française, la version algérienne souffre d'un mauvais emploi. En effet, ce qui ressort de cet examen de 5°AP, c'est la grossière erreur d'imitation d'une action d'évaluation nationale organisée chaque année en France pour les élèves de fin de cycle. L'erreur algérienne est commise à un double niveau : au timing et au niveau des objectifs assignés à cette forme d'évaluation. Observons ce modèle français maladroitement copié par l'Algérie. En France, le passage au collège se fait par le contrôle continu – lequel est tout aussi préjudiciable, ce concept étant différent de l'évaluation formative continue. Depuis les années 1980, le ministère français organise une évaluation diagnostic au début du mois de septembre, à la première semaine de la rentrée. Cette opération touche les élèves de première année de cycle (cours élémentaire, 1er année de collège et 1re année du lycée). A l'opposé du modèle algérien, les objectifs visés par cette évaluation française ne concernent nullement l'admission au collège (ils le sont déjà), ni la compétition/classement entre élèves ou entre établissements, encore moins pour juger de l'honnêteté des enseignants en cherchant à mettre fin aux «notes de complaisance ». C'est uniquement pour vérifier le niveau acquis par les nouveaux élèves à la lumière des prérequis exigés par le cycle auquel ils accèdent. Les notes ne sont remises ni aux parents, ni aux élèves. Les enseignants disposent des copies, une fois terminée l'opération. Ils détectent les erreurs de chaque élève et leur prescrivent des séances de remédiation, avant l'entame du nouveau programme. Les épreuves ne portent que sur les disciplines essentielles, celles dites des apprentissages de base, formule reprise par l'Algérie. En France, avant que cette remise à niveau n'ait lieu, les enseignants sont invités à des sessions de perfectionnement. Ils prennent connaissance des nouvelles techniques et des modalités de remédiation. De retour dans leurs classes, ils entament leur travail. Ce n'est qu'une fois cette phase de remédiation bouclée et évaluée que démarrera le programme de l'année en cours (la 1re année de collège ou le CM1 ou la 1re AS). Par cette évaluation diagnostic à des fins de remise à niveau, le ministère français a essayé de respecter le principe «d'égalités des chances» de l'école républicaine. Tous les élèves sont censés partir sur une même ligne de départ vers la ligne d'arrivée, celle du bac. La formule française de l'évaluation diagnostic en début de chaque cycle d'enseignement est séduisante sur le papier. A l'épreuve du terrain, elle devient lourde et contraignante. Beaucoup plus efficace demeure le système d'évaluation anglosaxon, celui de la Finlande notamment. On en parlera dans une autre contribution. Et si cet examen de 5°AP à l'algérienne était un message clair véhiculant le choix de l'option de la compétition scolaire avec son cortège de dégâts ? A l'image des examens/ filtres de triste mémoire, ceux pratiqués en France jusqu'aux années 1960. Un retour à l'archaïsme pédagogique au moment où une révolution, en matière d'évaluation, est en marche. Celle qui démocratise la réussite scolaire. Les partisans de cette réintroduction de l'ex-examen de sixième poseront cette question : en quoi cet examen de fin de cycle est-il préjudiciable ? Réponse.
Les dérives de «l'examinite»
Sur le plan pédagogique, nous assistons à la dévalorisation/discrédit de nos examens et des pratiques pédagogiques en classe. Nos examens scolaires se caractérisent par le faible niveau taxonomique (niveau de difficulté) de leurs épreuves. Une étude menée au Crassc d'Oran l'a clairement démontré. Ses conclusions confirment l'intuition des pédagogues avisés qui n'ont de cesse de pointer le doigt sur cet état de fait. Ces épreuves sont basées sur la mémorisation à outrance et ne sollicitent de l'élève que les niveaux inférieurs de son activité intellectuelle, à savoir, la compréhension et l'application des connaissances mémorisées. Ainsi, elles (ces épreuves) occultent des fonctions intellectuelles supérieures telles que l'analyse, la synthèse, la production originale, la créativité. Inévitablement, dès la première année d'école, ces fonctions supérieures de l'intelligence sont négligées dans les pratiques des enseignants. Dans l'acte d'enseignement, leur attitude et leurs pratiques, ces derniers intègrent le modèle des épreuves de l'examen qui systématisent la mémorisation des connaissances et le montage d'automatismes (règles, théorèmes, lois). Cette conformité/alignement aux épreuves standard perdurera tout au long de la scolarité de l'élève tout en contribuant à son appauvrissement intellectuel. Il est clair que lorsque les aptitudes intellectuelles supérieures ne sont pas sollicitées, elles ne se développent que timidement. Conséquence : l'intelligence ne saurait s'exprimer dans toute sa puissance. Des enfants formés dans ce moule (épreuves de mémorisation/restitution) deviendront des adultes diminués sur les plans intellectuels et culturels. Edifiants sont les témoignages des professeurs de collège, de lycée ou d'université sur les profils de certains élèves qu'ils reçoivent. Pour lever toute équivoque, nous dirons que la faute incombe au système, pas aux enseignants ou aux élèves. Une autre dérive pédagogique que nos élèves connaissent assez bien et dont ils souffrent. Il s'agit du couple infernal «bachotage et parcœurisme». Conscients que sa crédibilité se joue à l'occasion de l'examen, l'enseignant développe deux réflexes préjudiciables à la formation intellectuelle des élèves. Il adapte sa pratique pédagogique en copiant aveuglément le modèle de l'examen (son organisation et surtout la nature de ses épreuves). Ainsi est né le bachotage, pratique anti-éducative qui occulte des pans entiers de la formation intellectuelle de l'enfant-adolescent. Le bachotage est une préparation intensive aux épreuves d'examen. L'équivalent du dopage en sport ! L'enseignant se transforme en machine à débiter des leçons (et des exercices). Le bachotage infantilise l'élève, le rend assisté. L'enseignant use en abondance de l'enseignement magistral (les critiques la qualifient de «pédagogie de la salive ») en demandant à ses élèves de mémoriser les leçons et à défaut, en leur distribuant des polycopies. Programme à boucler et échéance de l'examen obligent. Souvent, taraudé par le taux de réussite, l'enseignant aura à cœur de ne s'intéresser qu'aux élèves potentiellement habilités réussir. L'effet Pygmalion viendra aggraver cette attitude. Les nobles principes d'impartialité et d'équité en prennent un coup. De tout temps, les pédagogues novateurs ont dénoncé l'effet nocif de ce couple (bachotage/ parcœurisme). C'est qu'à la longue, génère un autre phénomène, celui de la «sélection scolaire - ségrégation sociale», une sorte d'apartheid scolaire. Pierre Bourdieu a magistralement démontré les rouages de la machine «à reproduire les classes» qu'est l'école française, celle qui cultive le mérite aristocratique. L'école algérienne est-elle mise sur orbite pour aller vers ce rivage idéologique porteur de déséquilibres ? Que Dieu nous en préserve ! Qu'en est-il de l'impact de cette logique de la compétition sur l'enfant/élève ? Sur le plan psychologique, il est aisé de constater de visu une situation scolaire caractérisée par le triptyque : méfiance-défiance-violence. Le contexte d'avant l'examen fait baigner l'élève dans un climat anxiogène : tensions dans la relation pédagogique maître/élève, stress, alarmisme nourri par la famille, les amis, l'institution, certains médias. L'élève affronte une pression qui, de plus, est aggravée par l'organisation policière du centre d'examen. Ce type d'organisation, pour prévenir de la triche, dénote clairement de la méfiance de l'institution à l'égard de tous les intervenants et des candidats. Cette méfiance, à son tour, crée de la défiance (complaisance, triche, actes de violence). Et parfois il y a le pire. En Algérie, ces dernières années, des cas de tentatives de suicide de candidats ont été signalés après proclamation des résultats. Une candidate a subi un choc mortel à la lecture de sa copie d'examen, lors du brevet 2013 à Akbou (wilaya de Béjaïa), des cas d'évanouissement sont monnaie courante au bac, au brevet et à l'examen de 5e AP. Dans d'autres pays où la compétition scolaire est érigée en dogme, les suicides jalonnent les examens scolaires. La palme revient à la Corée du Sud avec près de 800 suicides par an, recensés parmi les écoliers, les collégiens, lycéens et étudiants. Ou le témoignage de ce papa qui accompagne sa fille, candidate à l'examen de 5e AP de mai 2010. En arrivant aux abords du centre d'examen, elle voit un petit groupe de policiers en tenue. Elle panique et s'enfuit. Il n'y a pas que les policiers à être mobilisés. L'armée, les gendarmes, les services de la santé, les pompiers sont eux aussi à pied d'œuvre. C'est un plan Orsec insolite : parer aux dégâts de «l'examinnite.» A-t-on évalué le coût de cette mobilisation extra-secteur ? Sans parler des dizaines de milliards de centimes de départ. Un argent qu'il ferait bon d'économiser et d'orienter vers d'autres destinations à impact plus positif. Sur un autre volet, il est connu que la compétition scolaire génère une concurrence entre les élèves avec l'apparition accentuée des défauts de la nature humaine que l'école a pourtant pour mission de juguler : la vanité, l'orgueil, la jalousie. Et malheureusement aussi, la frustration, la dévalorisation de soi, le manque de confiance. Des ingrédients annonciateurs de l'échec scolaire. Sur le plan organisationnel, nous savons que l'année scolaire algérienne est tronquée de plusieurs semaines. C'est le prix à payer pour l'organisation des examens de fin de cycle. Par la lourdeur de leur gestion (préparation des centres, passation des épreuves, la correction, les délibérations...), les examens entraînent, de facto, la suppression des apprentissages dès la mi-mai, voire à la mi-avril dans certains établissements scolaires. De la sorte, l'année scolaire algérienne est la moins courte au monde : 24 à 25 semaines de leçons ; la norme internationale étant de 38 à 40 semaines. Nous détenons un record du Guiness : sur une scolarité de 13 ans, l'élève algérien arrive à l'université avec un déficit en acquisitions de savoirs équivalent à deux années scolaires. Par ailleurs, la journée passée à l'école entre les quatre murs de la classe est excessivement chargée. Le comble est atteint avec cette circulaire ministérielle, en date de 2005, saluée en son temps comme l'alpha et l'oméga de la réforme. Mais que les parents avaient dénoncée. Elle est venue plomber la vie de l'élève algérien en calquant, dans son quotidien scolaire, les dérives psychopédagogiques induites par les examens de fin de cycle. Une circulaire qui confond évaluation formative et contrôle des connaissances. A la clé, pas moins de quatre formes de contrôle des connaissances mémorisées (à restituer) sont exigées de l'enseignant, chaque mois. A raison d'une moyenne de 10 disciplines, l'élève aura à affronter pas moins de 40 contrôles par mois et environ 300 pendant l'année scolaire. Sur une scolarité de neuf ans (primaire et moyen), ce sont presque 3 mille contrôles. Plus dur que celui de l'école des années 1900, un tel régime pédagogique a de quoi alimenter la phobie de l'école. Un adulte en bonne santé pourra-t-il supporter un rythme aussi infernal ? L'élève algérien, pourra-t-il se cultiver via la lecture/plaisir et la fréquentation assidue de la bibliothèque de l'école ? Il n'aura pas le temps. En aura-t-il, pour exercer son esprit critique et sa pensée rationnelle, son sens de l'analyse et de la synthèse ? Non ! La mémoire seule est sollicitée, et il doit l'avoir éléphantesque. Un tel régime l'enferme entre les quatre murs de la classe pour subir la torture des contrôles, même les leçons ne l'enchantent pas, l'épée de Damoclès planant dans les airs (la note/sanction). Exit les joies du théâtre, de la musique, de la chorale, du journal scolaire, de la correspondance interscolaire, des sorties pédagogiques, du sport. Ce sont là des activités bannies des programmes scolaires, déjà, du temps où l'Eglise régentait l'instruction publique en France et sélectionnait les enseignants selon le profil de la docilité religieuse. Vous avez dit mimétisme ou aliénation ? Avec ce climat anxiogène imposé par cette circulaire de 2005 (et pas seulement elle), les parents et leurs enfants, dès le primaire, adoptent des stratégies dites d'évitement de l'échec scolaire. Leur angoisse servira de carburant à la mauvaise foi d'une minorité d'enseignants qui s'adonne au business des cours payants, avec son cortège de dérives morales, pédagogiques et économiques. Une véritable école parallèle, clandestine. Même la toile internet est investie avec des sites web dédiés au bachotage. Conséquence de la réintroduction de l'examen de sixième : le business des cours payants a explosé y compris en 1re année du primaire. Depuis cette réforme de 2003, se manifeste un autre phénomène qui trahit le drame de l'école algérienne. Les visites spéciales se multiplient : chez le psychologue pour cause de surmenage, anxiété, insomnie... ; chez le médecin (scoliose). Même le charlatan est mis à contribution. On lui demandera de faire disparaître le mauvais œil par
une «rokia» (désenvoûtement) et à remettre le «hrouz» de la réussite (amulette). On notera l'avènement, plutôt le retour, d'une attitude ségrégationniste dans certains établissements scolaires. Pour faire plaisir «aux puissants», tel chef d'établissement créera des classes spécialement destinées à leurs enfants. Avec la réintroduction de l'ex-examen de sixième, nous avons devant nous un tableau noirci par les désagréments causés à nos élèves par une réforme nécessaire mais mal engagée. Mais en aucune façon, il n'y a matière à désespérer. La Conférence nationale de juillet 2014 a donné le tempo pour redresser la barre. Il reste à codifier dans la pratique du quotidien scolaire sa recommandation phare : le triptyque Refonte pédagogie – Gouvernance et Professionnalisation des personnels. Il s'agit là d'une vision claire, prospective et de bon sens. Toutefois, elle impose l'adaptation de mentalités trop longtemps bercées dans le mythe de l'école/arène de combat. Une adaptation qui concerne toute la société à commencer par les acteurs du secteur de l'éducation nationale. C'est à ce prix que l'élève algérien retrouvera le sourire d'un enfant heureux et épanoui. Est-il différent de ses pairs des pays qui ont réussi le pari d'une école où il fait bon vivre? A moins que certains ne le pensent.


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