En guerre pendant cinq ans au XIXe siècle, Chili et Pérou vont remettre le couvert sur le gazon, lundi, pour la première demi-finale de la Copa America, dans un «clasico du Pacifique» sulfureux entre une «Roja» sevrée de titre et des «Incas» en feu autour de leurs papys trentenaires. Pour espérer inscrire enfin son nom au palmarès de la Copa America, le Chili devra s'imposer dans ce 77e match entre frères ennemis, à Santiago. Une rencontre qui n'aura pas seulement le goût du football. Car ce choc a des racines historiques. Les deux pays se sont affrontés entre 1879 et 1884 dans une guerre sanglante pour le contrôle d'une région riche en nitrate, et chaque match entre les deux équipes donne lieu à des manifestations de patriotisme forcené. Au moment des hymnes ce soir dans l'Estadio Nacional de Santiago, celui du Pérou risque donc d'être conspué par 45 000 spectateurs tout acquis à la cause de la «Roja». Même si les deux équipes refusent, pour l'instant, les déclarations guerrières, l'atmosphère avant cette demi-finale est déjà explosive, par la faute de Gonzalo Jara. Le défenseur chilien de Mayence (Allemagne) est en effet dans la tourmente pour son geste obscène (un doigt dans les fesses) qui a fait sortir de ses gonds Edinson Cavani lors du quart de finale gagné par le Chili face à l'Uruguay (1-0). En attendant Jara La Confédération sud-américaine (Conmebol) a officiellement ouvert une procédure disciplinaire samedi et a averti qu'elle statuerait avant le début des demi-finales. Et Jara, qui forme l'intransigeante charnière centrale chilienne avec Gary Medel, pourrait écoper d'une lourde suspension de cinq matchs, selon certaines sources. Qui plus est, la «Roja» du sélectionneur argentin Jorge Sampaoli a déjà connu une retentissante affaire lors de cette Copa, avec l'arrestation pour conduite en état d'ivresse d'Arturo Vidal, après que celui-ci a fracassé sa Ferrari. Et cela ne l'a pas empêché d'éliminer le tenant du titre uruguayen. Des quatre équipes encore en course, le Chili a fait la plus forte impression avec trois victoires et un nul, onze buts marqués et seulement trois encaissés (contre le même adversaire, le Mexique). «Mais il ne faudrait pas penser trop vite à la finale, sinon le Pérou va nous punir, car ils ont de très bonnes individualités», a prévenu Matias Fernandez, le milieu offensif de la Fiorentina. Une référence peut-être au trio Guerrero-Farfan-Pizarro, ces trois trentenaires de la sélection inca, près d'un siècle de football à leur actif et des dizaines de buts à la clef. Dont ce triplé de Paulo Guerrero, attaquant du club brésilien de Corinthians, face à la Bolivie en quart de finale. Bicyclette Le Chili sent qu'il se rapproche d'un exploit historique : depuis la création de la Copa America en 1916, il attend toujours son premier sacre après quatre finales perdues, la dernière en 1987. Le Pérou a enlevé deux éditions de l'épreuve-reine du football sud-américain, en 1939 et 1975, mais l'équipe-surprise du dernier carré n'entend pas s'arrêter en demi-finale, même face au pays hôte. «Nous sommes sereins et tranquilles car nous savons que nous jouons bien au football», a résumé Carlos Lobaton. Et «Los Incas» assurent ne pas craindre le Chili, «une bonne équipe certes, mais face à qui on n'a pas de complexes à faire», a prévenu le milieu de terrain du Sporting Cristal, autre «ancien» péruvien (35 ans). Pourtant les statistiques du «Clasico du Pacifique» favorisent clairement le Chili, victorieux 41 fois pour 21 défaites et 14 nuls. Quel que soit le vainqueur lundi, une épineuse rivalité devrait en tous cas persister entre les deux pays, qui revendiquent chacun la paternité de la «bicyclette» : ce retourné acrobatique est évidemment une «Chilena» au Chili, mais une «Chalaca» au Pérou, en référence au port de Callao où elle aurait été inventée !