Avec des prix fortement à la baisse, l'augmentation de la production d'hydrocarbures pourrait certes se traduire en volumes d'exportation plus importants mais risque d'être cependant peu rentable. Faudrait-il revoir le cap en matière de production ? Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) - Le marché pétrolier affiche encore de l'inquiétude. Les prix de l'or noir continuent d'enregistrer une tendance baissière. Avant-hier, les cours ont clôturé en forte baisse tant à New York à 45,17 dollars le baril, en recul de 1,95 dollar, et à Londres à 49,52 dollars, en diminution de 2,69 dollars. Certes, les cours ont rebondi hier matin en Asie, les cours du Light Sweet Crude (WTI) qui ont gagné 31 cents atteignaient les 45,48, tandis que le baril de Brent prenait 32 cents, valant les 49,84 dollars. En cours d'échanges diurnes européens, le baril de brent valait 50,36 dollars, en hausse de 84 cents par rapport à la clôture de la veille, tandis que le WT gagnait 79 cents à 45,96 dollars. Néanmoins, un rebond assez relatif dans la mesure où les cours oscillent encore autour des 50 dollars le baril et que les facteurs de la baisse des cours n'ont pas changé, voire se sont accentués. Avec une demande pétrolière qui suscite encore l'inquiétude, la croissance économique mondiale demeurant faible et l'économie chinoise montrant des signes d'affaiblissement, et un excès d'offre qui peine à être résorbé et que la possible augmentation de la production iranienne risque encore d'accroître, la perspective de voir les prix de l'or noir se raffermir relève certainement de l'illusoire. En chute accélérée depuis maintenant une année, dégringolant d'au moins 50% par rapport à leurs niveaux du début 2014 et retrouvant leurs bas niveaux d'il y a six ans, les cours de l'or noir risquent ainsi de poursuivre leur baisse à court et à moyen terme. Et ce, dans le contexte où la politique monétaire en œuvre aux Etats-Unis, le raffermissement du dollar et l'effet limité de la baisse de la production américaine ne sont pas de nature à encourager la remontée des prix. Mais aussi dans la mesure où l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) manque de réactivité face à la chute des cours, continuant à surproduire sans modifier sa politique commerciale. Pays membre de l'Opep, dont les revenus mais aussi la politique économique ont été négativement impactés par la baisse des cours, l'Algérie devrait voir sa production d'hydrocarbures augmenter, à la faveur de l'entrée en service progressive de certains gisements. Ce faisant, le rebond de la production algérienne serait-il opportun ? Certes, une augmentation de la production, évaluée officiellement à 1,2 million de barils par jour, d'au moins 5 à 10% durant les prochains mois, serait positive. Une telle augmentation signifie, en effet, une amélioration des quantités exportables, celles-ci enregistrant un déclin avéré depuis plusieurs années selon les statistiques des principales institutions nationales. Outre le fait que la hausse potentielle de la production devrait contribuer à l'amélioration de la couverture domestique, la consommation énergétique connaissant une croissance exponentielle, et réduire de ce fait la facture d'importation. A charge cependant que le relèvement de la production s'inscrive dans le cadre d'une démarche énergétique autre, davantage optimisée et basée sur les paramètres que nous avons évoqués dans l'article publié dans une édition précédente. Toutefois, cette relance de la production risque d'être peu rentable, en termes de valeur, d'autant que les quantités exportées ne généreront pas des recettes faramineuses en raison de la poursuite de la baisse des prix. Avec des cours qui devraient, à moins d'impondérables et d'une inversion des fondamentaux et des facteurs conjoncturels, se maintenir autour des 50 dollars, les recettes que l'Algérie engrangerait ne seront pas assez conséquentes. Dans ce contexte, une remise en cause de la stratégie énergétique prônée par l'exécutif, l'intensification de l'effort d'exploration et d'exploitation des gisements, ne serait-elle pas opportune ? En d'autres termes, ne faudrait- il pas revoir le cap en matière de valorisation des gisements, en rationalisant leur exploitation et même en la gelant dans certains cas ? Au lieu d'intensifier l'exploitation, et donc chercher à produire et exporter des ressources fossiles dont la rentabilité n'est pas aussi évidente, pourrait-on décider de laisser les ressources ciblées dans le sous-sol ou tout au moins de n'en extraire que les quantités suffisantes pour satisfaire la demande ? Que ce soit à titre temporaire ou sur le long terme, ne pourrait-on pas ainsi garantir des réserves de pétrole et de gaz disponibles pour les générations futures ? Une option pertinente mais qui reste conditionnée par le changement du modèle de consommation énergétique, sa rationalisation, le développement des énergies renouvelables et la diversification des sources de génération électrique. Ce qui suppose, au-delà des autres impératifs de bonne gouvernance, de mettre enfin en œuvre une réelle stratégie énergétique, de se doter d'une vision et de développer davantage de réactivité par rapport à l'évolution du marché énergétique mondial, au-delà du discours actuel, assez velléitaire, souvent aphone et même populiste.