«On connaît le coach, il est capable de tout, on l'a vu», a lâché dépité Steve Mandanda, commentant la fracassante démission de Marcelo Bielsa de l'Olympique de Marseille, nouvel éclat de la riche carrière d'«El Loco». L'ombrageux Argentin de 60 ans a illustré son surnom de «fou» en coupant le souffle à tout son monde : il a quitté l'OM après une seule journée de Championnat de France, d'ailleurs perdue, pour un changement de dernière minute dans son nouveau contrat. L'intransigeant entraîneur à la glacière fétiche, devenu l'idole des supporters de l'OM en un an, a déjà été plus précoce lors des spectaculaires démissions qui ont jalonné sa carrière. De retour au club mexicain de l'Atlas Guadalajara en 1997, il avait démissionné dès le début de sa conférence de presse de présentation pour un désaccord sur la formation! Samedi soir, Bielsa a d'abord poliment répondu aux questions des journalistes sur le match (contre Caen, 0-1). Il a même adroitement, a-t-on pu juger a posteriori, évoqué la préparation du match contre Reims, rappelant que les semaines d'entraînement étaient «standardisées»... Lors de son premier passage à l'Atlas, il avait démissionné juste après avoir obtenu le licenciement du préparateur physique après une violente altercation avec lui. Six journées à l'Espanyol Dès ses débuts l'Argentin a développé ses trois grandes caractéristiques: un jeu emballant, l'amour des supporters... et la guerre avec les dirigeants. Champion d'Argentine pour sa première expérience sur le banc, au Newell's Old Boys, le club de son cœur, il échoue en finale de la Libertadores 1993, aux tirs au but contre le Sao Paulo de Rai. Il reste un mythe du club de Rosario, sa ville natale où depuis 2009 le stade des NOB porte son nom, fait rare. Mais il part à la surprise générale en 1993 pour le centre de formation de l'Atlas... Dans son chapelet de démissions, celle de l'Espanyol Barcelone, en 1998, ressemble à la marseillaise. Au bout de six journées, avec un seul match remporté, il quitte son poste pour prendre la sélection de l'Argentine. «Je ne pars pas d'ici pour aller autre part», a promis samedi Bielsa, réfutant tout contact avec la sélection mexicaine. C'est à la tête de l'«Albiceleste» qu'il a connu son plus retentissant échec... mais sans démissionner. Arrivée en immense favori à la Coupe du monde 2002, tout comme l'équipe de France, l'Argentine de Gabriel Batistuta et Hernan Crespo ne franchit même pas le premier tour (tout comme les Bleus). L'homme de Rosario reste aux commandes malgré cet accident industriel, et remportera son plus grand succès avec la médaille d'or aux JO 2004 à la tête de l'équipe olympique. Econduit «à l'unanimité» Mais il quittera de lui-même la sélection en février 2004, irrité de n'avoir pas le soutien de sa fédération pour la mise à disposition des internationaux jouant en Europe. L'ancien prof de sport prend ensuite une autre sélection, le Chili, pour quatre ans de succès (2007-2011). Le pays andin lui reconnaît une part d'héritage dans le premier succès de sa «Roja» en Copa America cet été. Mais là aussi il a démissionné, quand le nouveau président de la Fédération ne lui seyait point. Son aventure suivante, à l'Athletic Bilbao, ne s'est pas terminée par une démission mais par une non-prolongation de son contrat annoncée d'un communiqué vengeur par le président du club basque, Josu Urrutia, soulignant que le contrat n'avait pas été reconduit «à l'unanimité». «Je comprends que les supporteurs voulaient que Bielsa reste (...), mais c'est la meilleure chose pour l'Athletic», avait-il dit. Après une première saison riche, conclue par deux finales perdues en Coupe du Roi et Europa League, l'Argentin avait passé la seconde en conflit avec ses dirigeants, mécontent des travaux au centre d'entraînement. Est-il un homme «qui place ses intérêts personnels bien au-dessus de ceux de l'institution», comme le lui reproche l'OM dans un communiqué? Ce fou de foot issu d'une famille d'intellectuels est capricieux et difficile à gérer pour ses dirigeants, Vincent Labrune s'en est aperçu. Le président olympien avait déjà essuyé un tir de barrage l'an dernier pour promesses non tenues. Cette fois «El Loco» a évoqué l'absence du «minimum de confiance» nécessaire après un seul match. «Le timing n'est pas idéal», juge Mandanda dans un euphémisme. Bielsa ne claque pas les portes, il les défonce.