Beaucoup en Algérie s'émeuvent des images terribles des centaines de migrants «envahissant» les côtes sud de l'Europe, selon la terminologie de la presse occidentale, et des milliers d'autres disparus en mer faisant de la Méditerranée un cimetière engloutissant hommes, femmes et enfants. Ils sont beaucoup moins nombreux à s'interroger et à compatir du sort des autres migrants vivant sur notre sol, qui est devenu au fil des années, avec la fermeture des frontières européennes, les crises dans le Sahel et l'Afrique centrale, un pays de fixation temporaire. De manière cyclique, des articles de presse traitent de ce phénomène de la migration, de manière superficielle, sans véritable connaissance de la réalité du vécu des migrants. Ainsi, comme à Oran qui compterait quelque 5 000 migrants, issus de 4 à 5 nationalités et aux statuts multiples, ces populations sont systématiquement stigmatisées pour évoquer les maladies transmissibles sexuellement, la criminalité et les emplois «volés aux autochtones». Et en la matière, une initiative importante portée par deux ONG internationales activant en Algérie, Médecins du monde et l'Unicef, s'apprêtent à lancer une vaste étude sur la situation des enfants migrants, dans le cadre du programme «d'accès aux soins et aux droits des migrants subsahariens présents en Algérie, notamment sur les questions liées à la santé sexuelle et reproductive des femmes migrantes». Le choix de cette frange de la population migrante est évident, les femmes et les enfants étant les plus fragiles et vulnérables alors que leur nombre ne cesse de croître dans cette même population migrante. Les données dont disposent ces deux ONG sont un indicateur de cette évolution des flux migratoires vers l'Algérie puisque l'on apprend dans ce cadre, que les femmes représenteraient 47% des migrants présents en Algérie, entraînant la constitution de familles et donc plus de naissances sur le sol algérien. Selon une enquête réalisée de 2013 à 2014, 30% des adultes étaient accompagnés d'enfants, et seulement 10% de ces enfants étaient scolarisés, en grande majorité dans des écoles privés. Par ailleurs, il est encore mis en relief que «près de 50% des femmes ayant des enfants ne se déclaraient pas en couple, ce qui laisse entendre que certaines femmes élèvent seules leurs enfants en Algérie. Ces familles monoparentales sont alors plus exposées à la précarité économique, sachant qu'il est plus difficile pour une femme de trouver une activité rémunératrice». En 2014, Médecins du monde a recensé 118 naissances entre Alger et Oran seulement. Tous ces indicateurs qui doivent être confortés par des études de terrain sont importantes pour, en premier, assurer à ces populations le droit d'accès aux soins et à l'éducation comme le stipulent les conventions internationales sur les migrants, mais aussi avec cette interrogation de revoir, pourquoi pas, les lois nationales régissant la présence d'étrangers en Algérie. Un débat qui est important mais qui ne semble pas être perçu comme prioritaire alors que tous les experts prédisent que la question des flux migratoires vers l'Algérie va perdurer et s'accroître inévitablement.