Par Belkacem Lalaoui «L'école est l'école de l'Etat... Quand j'entrais dans l'école, j'entrais dans l'Etat, et comme l'Etat détruit les êtres, j'entrais dans l'établissement de destruction des êtres.» (Thomas Bernhard) Le sport, comme élément de culture et grand tisserand du lien social, traverse une crise profonde en Algérie. Pour des raisons diverses, il n'est plus perçu comme un outil pédagogique efficace d'éducation et de formation, qui permet de faciliter l'apprentissage de différentes formes de sociabilité et de forger l'identité sociale de l'homme contemporain. Ayant perdu son ancrage national, il ne joue plus un rôle phare dans la construction du lien social. Il est devenu une «planète» séparée du monde et de la vie sociale : un simple sport-spectacle entaché de corruption et de violence, qui ne crée plus de l'enthousiasme, du sens et du rêve. C'est un sport sans âme, qui n'a plus en charge les grands idéaux de la société algérienne sous des formes simples : la solidarité, la coopération, l'amitié, l'ouverture à autrui, le respect, la tolérance, le bonheur d'être ensemble, la conception communautaire de la vie, etc. En termes de normes, de valeurs constantes et de volume de sociabilité, il ne pénètre pas toutes les couches sociales avec la même intensité et n'offre plus un support privilégié pour réaliser le brassage social. De multiples déterminants sociaux, culturels, politiques et économiques, de plus en plus complexes et «puissants», seraient ainsi à l'œuvre dans sa régression. Bientôt, en Algérie, le sport serait réservé, comme dans les cités-Etats de la Grèce antique, aux hommes libres, c'est-à-dire à une élite sociale restreinte, à une toute petite minorité de privilégiés (une caste fermée) entretenue par le travail de leurs esclaves. En effet, des observations de terrain ont permis d'affiner que certaines disciplines comme les sports de combat, l'athlétisme, le cyclisme, le football, etc., considérés jusqu'alors comme de grands sports populaires d'ascension sociale, ne sont plus accessibles à la majorité des catégories sociales d'origine populaire. Ils n'offrent plus un espace où il est possible d'accéder à l'égalité, à la dignité et à l'existence. Ce qui était une «pratique sportive» accessible à tous devient un «spectacle sportif» inaccessible, donné par quelques bienfaiteurs. C'est ainsi que le football, qui incarne le sport populaire par excellence (un sport que l'on peut pratiquer avec «deux pierres en guise de buts»), est devenu un sport «mondain», prioritairement profitable à quelques-uns, un «art académique», rigidement codifié et restreint au service exclusif des rejetons mâles des membres de la classe privilégiée. Ainsi, d'une «culture de la participation sportive» la plus large, on est passé à une «culture de la consommation sportive» aléatoire générée exclusivement par des processus sélectifs, voire sectaires d'accès à la pratique sportive. Dorénavant, «selon que vous aurez belles manières ou façons vulgaires, les pratiques sportives vous seront élégantes ou brutales, tennis ou lutte» (Y. Vargas). Dans cette optique, il devient difficile de comprendre la place que tient le sport dans la société algérienne, en général, et dans l'éducation de la jeunesse, en particulier. Aujourd'hui, nous nous demandons, comme bien d'autres, si le «système des sports» algérien ne repose pas, en définitive, sur une supercherie. Dans la mesure où il a totalement ignoré «l'éducation corporelle» de la petite enfance, de l'enfance et de l'adolescence ; c'est-à-dire la quasi-totalité des enfants âgés de 3-18 ans : en somme, le lieu d'expérience fondamentale d'incorporation des règles et des valeurs de toute culture sportive. D'autant plus que tous les spécialistes des apprentissages moteurs sportifs admettent, communément, que l'enfance et l'adolescence sont l'apogée du jeu sportif. L'Algérie fut une grande nation sportive au temps où sa jeunesse pratiquait le sport à l'école, au lycée et à l'université et n'avait pas honte de sculpter son corps au grand air. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Le «système des sports» algérien est faiblement opératoire : inefficace Selon Bourdieu, un «système des sports» nous offre l'occasion de saisir la manière dont les différents groupes sociaux se servent de leur «corps», se dotent d'une vision du monde et produisent des manières particulières de se comporter. En effet, dans une société «modernisatrice» ou en voie d'émancipation, les pratiques sportives devraient constituer un moyen efficace pour éduquer la jeunesse et transmettre ainsi un patrimoine culturel et sportif vivant. Secteur de la vie sociale, qui s'est autonomisé et qui possède ses propres règles de fonctionnement, le «système des sports» algérien s'est construit à partir du milieu des années quatre-vingt-dix sur des «inégalités» et des «jeux d'intérêts». Il a toujours évolué selon les fantaisies et les caprices des gens d'en haut : de ceux qui gouvernent. Ces dernières années, il a subi une reconfiguration par la montée en puissance du «spectacle professionnel football». C'est un «système des sports» faiblement opératoire, inefficace, sans aucune dynamique sociale et sans créativité. Il se distingue, notamment, par un processus d'appauvrissement, dans le fonctionnement des différentes formes de pratiques sportives. Sa lecture provoque, souvent, la colère de certaines personnalités sportives. En visite dans sa ville natale (Constantine), où elle parraine le challenge des courses de demi-fond, la double championne du monde du 1 500 m, Hassiba Boulmerka, n'a pas hésité à dresser un tableau noir de la situation du sport, en général, et de l'athlétisme, en particulier : «Nous étions 30 000 à l'époque où je courais ; aujourd'hui, il ne reste que 3 000 licenciés.» Ainsi, notre championne s'étonne que l'Algérien ne pratique plus de sport et l'Algérie ne produit plus de champions. Il y a absence d'une dynamique populaire autour de la pratique de ce sport, qui ne semble plus être en adéquation avec les normes et les idéaux corporels de la société. Il ne faut pas oublier, en effet, que pratiquer l'athlétisme, dans ses acceptions les plus simples, c'est apprendre des exercices de course, de saut et de lancer, qui sont ouverts à tous, doués ou non, jeunes ou moins jeunes. C'est là une expérience intime, une forme de liberté, qui consiste à faire vivre son corps sous toutes ses formes, et ce, afin de le conquérir. Or, aujourd'hui, la libre expression ludique du corps, aussi bien pour les filles que pour les garçons, est décriée. Un corps qui joue est un corps qui excite les sens et provoque émotion et passion, c'est un corps suspect, qui sort de la normalité collectivement définie. Les postures, les attitudes, les façons habituelles de se tenir, de se déplacer, participent à la fabrication sociale d'un «corps» soumis et fermé, qui n'est pas taillé pour la performance sportive. Le déclin du sport de compétition en Algérie (professionnel ou amateur) ne touche, donc, pas seulement l'athlétisme mais l'ensemble des disciplines sportives. Les institutions de base d'éducation et de formation (école, collège, lycée et université, etc.), censées participer à la construction d'une dynamique sociétale des différents sports, sont dépourvues d'infrastructures et d'encadrement pédagogique. Bref, il n'existe pas, en Algérie, une «culture sportive» spécifique (des espaces institués pour le façonnage des pratiques sportives) ; c'est-à-dire un «modèle sportif» particulier (comme forme institutionnalisée de la pratique sportive) d'éducation et de formation reconnu et transmis comme tel aux futures générations. Un «modèle sportif» enraciné dans la réalité nationale et qui soit capable d'enclencher un processus de transformation des mentalités et des comportements. Si bien que le fait sport, comme échange social et culturel, peine à s'infiltrer dans le corps social. A cela s'ajoute un problème culturel de taille : le sport n'est pas dans la tête de nos responsables politiques et il ne court pas dans leurs jambes. Ces derniers continuent à partager une indifférence méprisante à l'égard de l'ensemble des activités physiques et sportives, où le corps est en mouvement. Le «système des sports» algérien n'éduque plus Dans l'œuvre générale de l'éducation, le sport est un moyen qui doit être subordonné aux fins les plus nobles, à savoir la formation de l'homme et du citoyen. C'est un outil social et culturel, qui constitue «un indéniable processus civilisateur dès lors que l'on s'avise de combattre par champions interposés aux lieu et place des affrontements massifs» (Pociello). Dans l'ancienne civilisation islamique, raffinée et mûre, certaines pratiques sportives comme monter à cheval, tirer à l'arc, savoir nager, faisaient l'objet d'un enseignement strict, destiné à travailler le corps et à le cultiver. Ces trois disciplines sportives participaient à perfectionner certaines propriétés physiques, comme l'élégance et la noblesse de l'allure : elles contribuaient à édifier une forme de «civilité». Ces propriétés physiques permettaient de produire un mode d'expression et d'accomplissement de soi, et d'exhiber une «valeur du corps» conforme à un type d'homme à réaliser : un homme plus socialisé, plus raffiné, plus courtois, plus sensible, plus chevaleresque, etc. Le principe d'une «éducation corporelle», qui complète le développement de l'individu et assure un équilibre entre le corps et l'esprit, semble, depuis longtemps, acquis dans la culture musulmane. Aujourd'hui, cette «éducation corporelle» n'est plus travaillée à l'école. Dans le système éducatif algérien, le sport n'est plus considéré comme une partie intégrante de l'éducation à la citoyenneté : comme une forme d'éducation morale et civique. Les écoles, les lycées et les universités n'accordent aucune place à l'activité sportive dans le champ de l'éducation : les jeux sportifs ne représentent pas un idéal éducatif. Or, c'est au sein de ces institutions d'éducation et de formation que l'on peut promulguer les valeurs essentielles du sport, les hiérarchiser et les acquérir. Notamment, au sein des associations sportives scolaires et universitaires pour insuffler, aux jeunes, l'esprit du vivre ensemble. C'est, aussi, au sein de ces institutions d'éducation et de formation que l'on peut promouvoir la culture du corps performant, former de nouveaux modèles de comportement, favoriser l'affirmation de soi par voie compétitive, discipliner les impulsions affectives et les instincts, apprendre à libérer pacifiquement ses émotions, rendre les rivalités courtoises, prendre conscience de son propre corps en tant que moyen de connaissance, etc. C'est, enfin, au sein de ces institutions éducatives que l'on peut promouvoir une forme particulière d'expression culturelle du sport, par laquelle les jeunes construisent leur identité. Dans cette perspective, de nombreux auteurs ne cessent de se prononcer sur l'action morale des jeux sportifs et l'influence de l'effort mesuré sur la formation du caractère et le développement de la personnalité. Pour tous ces auteurs, l'école doit être un lieu décisif d'expérimentation et d'innovation dans l'élaboration d'une culture corporelle et sportive authentiquement algérienne, et dans son appropriation par les élèves, citoyens de demain. C'est pour cela que dans les pays développés, le «sport civil» s'inspire toujours des principes du «sport scolaire et universitaire». En Algérie, c'est l'inverse. Le «système des sports» algérien est devenu un simple «spectacle professionnel football» Au cours de ces trente dernières années, nous assistons à une «agitation permanente», voire à une «excitation baveuse» des acteurs politiques devant le phénomène «sport». Par un calcul à courte vue, les gouvernements successifs se sont montrés dans l'incapacité de faire du sport un élément important des programmes d'éducation et de santé au profit de toutes les couches de la population, ou encore un modèle de redressement physique et moral de la nation. Jusqu'à ce jour, les décideurs peinent encore à reconnaître que le sport est une pratique sociale concrète, une réelle pratique culturelle, qui s'élabore dans le quotidien de la vie et qui est nécessaire à la société pour son fonctionnement, son maintien et son équilibre. En effet, le sport n'est pas facteur de cohésion sociale par procuration. Il l'est d'abord par la pratique effective au sein de l'institution culturelle de base, qu'est l'école. Or, dans le «système des sports» algérien, seul subsiste le «spectacle professionnel football» utilisé comme un instrument de mobilisation pour distraire la «multitude» surexcitée et la maintenir dans un état d'abrutissement idéologique. On assiste, en effet, à la mise en place d'un «spectacle professionnel football» caractérisé par l'improvisation et l'impréparation ; ce qui n'a pas manqué de générer un supportérisme primaire, transgressif et violent. Un «spectacle professionnel football» en manque d'imagination et d'inventivité, qui a disloqué les anciens liens sociaux sans en susciter de nouveaux. Un «spectacle professionnel football» mesquin et sans joie, où le banditisme économique et social a trouvé son terrain privilégié. C'est pour cela, que si nous voulons comprendre le sport dans sa nécessité — pourquoi les algériens ne pratiquent plus de sport ? —, il nous faut focaliser notre attention sur le «spectacle professionnel football». D'autant plus qu'a priori, il s'agit là d'un outil privilégié, qui a pour dessein d'illustrer une culture sportive algérienne nouvelle et puissante. Marqué fortement par les forces de l'argent et les influences de la politique, le «spectacle professionnel football» algérien est devenu «... le centre d'une toile d'araignée aux ramifications diversifiées lancées sur toute la surface de l'espace social afin de se soutenir tout en réunifiant la diversité qu'il touche» (Y. Vargas). Dans ce cadre, des acteurs sociaux de tout bord ont très vite compris que c'est en s'agglutinant autour de cette «toile», qu'ils vont acquérir des privilèges, de la puissance et du prestige, qu'aucune autre carrière ne saurait leur offrir. Pour cela, ils considèrent qu'«il n'est pas nécessaire d'être à la bonne place, le principal est d'être quelque part sur la toile». Une «toile sportive» qui produit, aujourd'hui, du chauvinisme, du régionalisme, de la corruption et de la violence. Une «toile sportive» qui nous apporte un éclairage essentiel pour saisir la «face cachée», voire la «face maudite» du «spectacle professionnel football» algérien ; celle que de nombreux responsables ne veulent pas voir ou ignorent. Tissée par une horde de mercenaires pillards au tempérament, dit-on, patriotique, cette «toile sportive» a transformé l'Algérie en «un immense terrain de football ; en une forêt de cartons jaunes et rouges, de sifflets d'arbitre». Elle est l'illustration parfaite, dont se construit un «mouvement sportif» institutionnellement tronqué dans les pays en voie de développement. En effet, malgré les sommes d'argent faramineuses qui lui sont injectées, le «spectacle professionnel football» algérien ne participe pas à la construction de cette «communauté imaginée», qu'est la nation algérienne. Il ne s'est pas transformé en un vaste champ de bataille, doté d'une morale et d'une éthique, où les joueurs, les spectateurs et les supporters apprennent à se connaître et se reconnaître, avant tout, comme citoyens. Il n'a pas permis à la société algérienne d'être plus solidaire, plus morale et plus performante, que par le passé. Bien au contraire, loin de constituer un îlot de clarté et de perfection, c'est un «spectacle professionnel football», qui a contribué à fabriquer de vastes «domaines seigneuriaux», gérés par des «princes» autoproclamés ou désignés. L'anthropologue indo-américain Arjun Appadurai nous apprend que, dans les années 1910, les «princes indiens» ramenaient, pour leurs sujets, des joueurs professionnels anglais et australiens pour former leurs propres équipes de «cricket». Aujourd'hui, pour démontrer leur force, leur pouvoir et leur richesse, des «princes algériens» ramènent, pour amuser leurs sujets, des joueurs de toutes nationalités pour former leurs propres équipes de «football». Ces «pratiques princières» (les lois que font les princes) nous permettent de comprendre que «dans l'histoire de l'humanité, chaque système politique s'est appuyé sur un spectacle qui le justifiait et le rendait digestible par la pensée collective» (Y. Vargas). Ce sont des «pratiques princières» fondées sur l'arbitraire et la peur, qui caractérisent les régimes d'allure totalitaire ou à penchant d'autorité, débouchant nécessairement sur l'appauvrissement de l'homme et de la société. Elles ont pour fonction de distraire la populace houleuse, de stabiliser l'ordre en place vers la perpétuation, et de faire refleurir le système héréditaire. Aujourd'hui, en Algérie, il y a des abus dans le «spectacle professionnel football», il faut supprimer les abus (les «pratiques princières» de type colonial), non le «spectacle professionnel football». Le «système des sports» algérien produit de la violence Au cours des deux dernières décennies, le «système des sports» algérien s'est totalement confondu avec le «spectacle professionnel football». C'est là le résultat d'une stratégie mise en œuvre par le régime politique pour acheter la paix sociale, mettre en avant un nationalisme populiste et affirmer un pouvoir. Dévoyé de sa finalité première, le «spectacle professionnel football» algérien s'est transformé en une mécanique institutionnelle antidémocratique, où règne la loi du silence, la tricherie, le truquage, la corruption et la violence, symbolisant ainsi la rupture des liens collectifs et la précarité de l'Etat. Géré par des «professionnels» occultes, il a contribué d'une certaine manière à la généralisation de la violence dans les stades. Aujourd'hui, chaque club de football de première division renferme un nombre important de jeunes «supporters» extrémistes, qui véhiculent une idéologie prônant ouvertement la haine ou le mépris de l'autre. Déréglé et chaotique, c'est un «spectacle professionnel football» qui a dénaturé «méthodiquement les fondements non seulement populaires mais également humains du football...» (J.-C. Michéa). Que peut-on, en effet, attendre d'un «spectacle professionnel football», où tout le monde vient au stade pour voir toujours la même chose, c'est-à-dire la violence se répéter dans les gradins ? Que peut-on, encore, espérer d'un «spectacle professionnel football» préparé dans la pénombre et où les présidents de club sont devenus allergiques aux lois de la raison ? Chez eux, prédomine en permanence «le désir d'écarter les autres de leur chemin afin d'être l'unique». L'usage d'un pouvoir sportif excessif les a transformés en des paranoïaques colériques. Certains n'hésitent même plus à afficher une appartenance politique, voire ethnique, avec une volonté certaine de recourir à la violence si besoin est. Avec de tels comportements, le «spectacle professionnel football» algérien est en voie de diviser la population entre partisans et adversaires, entre soumis et insoumis : il a décrété une appartenance groupale à laquelle on est sommé de se conformer. Ce qui a donné lieu dans les villes et les villages à la constitution de «petites unités combattantes» rivales, de jeunes «supporters», n'ayant d'autre objectif que l'anéantissement de l'adversaire, voire de l'ennemi d'en face. Aujourd'hui, chacune de ces «petites unités combattantes», de jeunes «supporters», possède son tempérament guerrier et ses coutumes féroces. Ce sont des jeunes «supporters» en déperdition scolaire et sociale, qui viennent du fond de la société. Les gens «civilisés», qui ne les aiment pas, racontent que ce sont des jeunes «supporters» grossiers, méchants et cruels, qui détruisent et éliminent tout ce qui leur barre le chemin. Ils ne mangent pas comme «nous», ne dorment pas comme «nous», ne pensent pas comme «nous» et ne se reproduisent pas comme «nous». De plus, ils ont un langage inorganisé : ils parlent et chantent en «daridja» dans les tribunes. Les «experts» ès violence, en examinant en détail leurs pratiques, nous disent que ce sont des jeunes «supporters» qui ne savent pas ce qu'ils font. Pour eux, la violence est une simple explosion de joie non contenue, une manifestation conviviale. Ce sont des jeunes «supporters», qui pratiquent une violence «ordinaire», dénuée de sens précis, une violence de l'habitude, qui se déroule de façon répétitive et qu'ils ont acquise par l'éducation. Une violence absolue, régie par de la passion et du rituel : elle caractérise le mode de fonctionnement de la société, en général, et du «spectacle professionnel football», en particulier. Cette forme de violence est quasi impossible à arrêter, nous dit-on, elle est impalpable et échappe à toute prise. Elle véhicule avec elle un fond de bestialité, qui n'a pas été domptée par l'éducation. C'est pour cela, que le «spectacle professionnel football» algérien s'apparente, aujourd'hui, à un «bolide sans chauffeur», difficile à arrêter. Ce diagnostic lugubre est partagé par certains responsables de nos institutions sportives officielles, qui considèrent que la violence dans le «spectacle professionnel football» algérien prend l'aspect d'un «destin», c'est-à-dire une violence vouée à une répétition sans fin. Mais alors, que propose-t-on comme outils pédagogiques pour lutter contre la violence dans les stades, pour que le football continue d'être un «jeu festif» et pour redonner, enfin, au sport sa fonction fondamentale d'éducation et de formation ?