Par Kader Bakou Chester Himes est peu cité parmi les «grands» de la littérature universelle. Pourtant son roman La croisade de Lee Gordon est considéré comme un des grands ouvrages du XXe siècle. Ce chef-d'œuvre se distingue par sa capacité à appréhender la grande histoire à partir de la petite. A partir de l'histoire du Noir Lee Gordon, le lecteur a l'occasion de connaître la situation économique, politique et sociale aux Etats-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale. Le racisme y fait rage : «les gardiens de l'usine n'allaient-ils pas l'attaquer ? Que risquaient-ils ? Joe l'avait prévenu : le syndicat n'hésiterait pas à le désavouer. Certes, en tant que citoyen américain, Lee avait le droit de distribuer ses tracts. La loi l'y autorisait. Mais se réclamer de la loi est toujours futile quand on est nègre. Les gardes n'auraient qu'à dire : c'est un communiste, il faisait de l'agitation.» A cette époque, on parlait de la montée d'un «antisémitisme noir». «Vous savez que l'antisémitisme se développe aux Etats-Unis de manière effarante ?» continua la femme. - Ah ! vraiment ? Combien de juifs ont été lynchés l'an dernier en Amérique ? - Pourquoi ? Je n'ai jamais entendu dire qu'on lynchait des juifs. - Eh bien, six Nègres l'ont été, l'an dernier...— Oui, monsieur Rosie Rosenberg, durant la première année de votre guerre contre le fascisme — et pas un seul juif ! Pourtant, vous dites que le problème noir est indivisible du problème humain. Rien que les lynchages démontrent le contraire.» Dans un autre roman La reine des pommes, Chester Himes a écrit : «Il y avait là trois photos de Noirs, recherchés pour meurtre par la police du Mississippi. Ce qui signifiait qu'ils avaient assassiné un Blanc, car dans l'Etat du Mississippi, tuer un Noir n'était pas considéré comme un crime.» K. B.