L'Académie française a récompensé, jeudi dernier, les écrivains Boualem Sansal et Hédi Kaddour, faisant le choix audacieux de deux écrivains originaires du Maghreb incarnant la vitalité de la francophonie. Les deux écrivains l'ont emporté au 4e tour avec 11 voix chacun contre une voix pour Agnès Desarthe en lice avec Ce cœur changeant (éditions L'Olivier). En donnant leur prix à Boualem Sansal pour 2084 (Gallimard) et à Hédi Kaddour pour Les Prépondérants (Gallimard), les Immortels ont récompensé deux livres salués par la critique. «C'est un prix fabuleux», a déclaré Boualem Sansal (66 ans). «Ce n'est pas un prix commercial : c'est l'Académie française ! ça pose son auteur», a-t-il encore dit en souriant. L'Algérien Boualem Sansal, né le 15 octobre 1949 à Theniet-El-Had (Tissemsilt), auteur du roman 2084, a longtemps fait figure de favori des prix littéraires d'automne en France. Il fut dans toutes les sélections (Goncourt, Renaudot, Femina, Medicis). Il demeure en lice pour le Femina et l'Interallié. Né à Tunis, il y a 70 ans, d'un père tunisien et d'une mère française, Hédi Kaddour, auteur du roman Les Prépondérants (Gallimard) demeure en course pour le Goncourt, le Femina et le Medicis. En dénonçant clairement dans son roman, même sans la nommer, la menace islamiste, Boualem Sansal apparaît comme un des écrivains les plus courageux et les plus engagés de la rentrée littéraire. L'académicien Jean-Christophe Rufin a salué «l'audace de Boualem Sansal» qui «attaque un sujet brûlant d'actualité, une contre-utopie qui se situe dans la filiation d'Orwell». Dans ce livre, a poursuivi Rufin, «on fait l'expérience d'un totalitarisme à base religieuse. Dans cette forme de théocratie, on n'impose pas aux gens de croire mais les rituels autour de la religion ne laissent plus la possibilité de penser». 2084, sous-titré «La fin du monde», et dont le lien avec le chef-d'œuvre de George Orwell 1984 est évident, nous entraîne dans le futur au cœur de l'Abistan, un Etat religieux fanatique dont le pouvoir s'étend presque sur toute la planète. Le livre est servi par une écriture puissante et compacte. Il n'y a pratiquement pas de dialogues. «Je ne pratique pas la langue de bois», dit souvent le romancier algérien qui ajoute s'être «mis à écrire comme on enfile une tenue de combat». 2084 a été vendu à plus de 100 000 exemplaires. Un livre récompensé par le prix du roman de l'Académie française se vend, en moyenne, à plus de 200 000 exemplaires. Boualem Sansal et Hédi Kaddour rejoignent dans ce palmarès des auteurs prestigieux comme François Mauriac, Michel Tournier ou Patrick Modiano.