Dans une lettre datée du 1er novembre, adressée au Président Bouteflika, Louisa Hanoune et 18 autres personnalités demandent audience au président de la République pour, disent-ils entre autres au Président, «vous faire partager nos profondes inquiétudes quant à l'avenir du pays et solliciter vos interventions sur l'extrême gravité de la situation». S'il y a bien un reproche que l'on ne peut faire à la responsable du Parti des travailleurs, c'est bien celui d'être silencieuse face à la conjoncture politique actuelle. Pas silencieuse et surtout des positions qui paraissent de moins en moins cohérentes depuis Sant'Egidio et qui interrogent sur son parcours et le positionnement qu'elle veut se ménager. Le dernier fait en date est cette demande d'audience adressée au Président et signée par 18 autres personnalités, dont : Khalida Toumi, Abdelhamid Aberkane, Zohra Drif, Rachid Boudjedra, Lakhdar Bouragâa, Fatiha Mentouri, Nourredine Benissad et Boudjemaâ Ghechir. Que Louisa Hanoune initie ou se joigne à ceux qui ont initié cette demande d'audience, n'étonne pas outre mesure, la patronne du PT étant dans la tonalité de cette missive depuis le revirement très net qu'elle a pris ces derniers mois vis-à-vis du Président et de son entourage. Nous sommes bien loin de la Louisa Hanoune, celle qui a signé, en février 1995, à Rome, aux côtés des islamistes, du FFS et du FLN, la plate-forme de Sant' Egidio. Nous sommes plus loin encore de Louisa Hanoune la candidate à l'élection présidentielle de 2014, qui, dans ses meetings pré-électoraux épargnait le candidat Bouteflika et cognait sur le candidat Benflis auquel elle reprochait de «vouloir reproduire le scénario ukrainien dans le cas où il ne gagnerait pas les élections». Rappelons encore la grande satisfaction de Hanoune lors de la proclamation des résultats du scrutin présidentiel. Son score : 1,37% des suffrages exprimés, venue en 4e position, avait l'air de ne pas l'inquiéter plus que ça, ses commentaires étant alors réservés quasi exclusivement au candidat du 4e mandat. «La réélection du candidat Abdelaziz Bouteflika lors de cette présidentielle, c'est une victoire pour la nation algérienne», tonnait-elle lors d'une conférence de presse à l'hôtel El-Aurassi. Mieux encore, alors que l'opinion était globalement convaincue que les élections étaient truquées et que la machine électorale a été mobilisée en faveur de la fraude que dénonçaient les autres concurrents, Louisa Hanoune déclarait : «Le vote des citoyens algériens en faveur de M. Bouteflika était franc, clair et net et ne laisse aucune place au chantage et à la manipulation du destin et de l'avenir du pays.» Rien moins que ça et pour ceux qui ne l'auraient pas compris, elle se fait plus précise : «La victoire de Abdelaziz Bouteflika est aussi une victoire pour le PT. Nous partageons la même vision et les mêmes objectifs.» De soutien inconditionnel, de tirs nombreux envoyés sur tous les opposants au quatrième mandat, Hanoune passe à un soutien critique, puis à une attaque en règle d'abord de l'entourage du Président. Après Saâdani, c'est au tour de celui qui s'est érigé en ministre des Affaires étrangères bis, en l'occurrence Ali Haddad, le chef du FCE, d'être sa cible. «Le problème de l'actuel président du FCE, c'est qu'il parle au nom de l'Etat comme il l'a fait avec les ambassadeurs et les délégations étrangères qu'il a reçues en leur promettant la suppression de la règle 49/51 avant de changer d'avis puisque c'est lui qui prend souvent les 51%», comme il est aussi «en train de siphonner l'argent public grâce à ceux qui le représentent au sein du gouvernement». Au-delà de Haddad, Hanoune évoque aujourd'hui et dénonce « la gloutonnerie de l'oligarchie qui n'a pas de limite». La montée de cette oligarchie est aujourd'hui la cible de Hanoune qui y voit «un Etat parallèle, de pillage». Louisa Hanoune et son parti ont parallèlement vivement réagi aux changements opérés au sein du DRS et aux limogeages opérés dans ce service et en premier lieu de Toufik. «Nous ne comprenons pas ces dernières décisions, affirmait-elle tout en déclarant que, désormais, «l'Algérie était ouverte à tous les vents. Les digues commencent à sauter». Si Bouteflika est depuis quelques semaines évoqué par Hanoune comme ayant failli à ses engagements et ses promesses, elle le crédite tout d'un coup de méconnaissance du pourrissement de la situation et va même jusqu'à douter que le Président soit l'émetteur réel de son dernier message dans lequel il évoque quelques grandes lignes sur la future Constitution. Elle est convaincue, déclare-t-elle, que «beaucoup de décisions se prennent au nom du Président Bouteflika» et d'évoquer «un groupe qui pèse sur le choix de ses décisions». Est-ce pour vérifier cela que la lettre de demande d'audience a été envoyée cette semaine ? Les signataires et Hanoune en tête espèrent-ils, réellement, être reçus un jour par Bouteflika ou va-t-on leur déléguer un de ce «groupe» qui tentera de les faire taire ? Pour l'heure, ils ne sont même pas sûrs que la lettre a été remise à son destinataire et c'est pourquoi, expliquent-ils, ils l'ont rendue publique «pour prendre à témoin l'opinion publique». Grandes et nombreuses désillusions non avouées totalement, a donc connues Hanoune qui clamait à qui voulait l'entendre que Bouteflika est en bonne santé et qu'il est le meilleur.