Par Boubakeur Hamidechi [email protected] Où se situe au juste ce fameux Parti des travailleurs ? En vingt années d'existence, il a fait un long chemin qui, loin de le bonifier doctrinalement, lui a fait découvrir les bienfaits du «soutien critique». Et c'est ainsi que de déclaration en déclaration, sa patronne, Louisa Hanoune, distille de l'ambiguïté en prétendant afficher une équidistance de forme vis-à-vis de toute la nomenklatura politique. Sermonnant sans ménagement les initiatives anti-régime, elle critique en même temps le pouvoir, mais du bout des lèvres seulement. Grâce à cet exercice de grand écart qui lui permet de toujours «loger» dans l'opposition sans, par ailleurs, s'attirer les foudres de la sanction du palais, elle est quand même parvenue à doter d'une assise et d'une visibilité politique ce qui à l'origine n'était qu'un club de réflexion adossé à de petits réseaux de militants. Ce dont profitera très tôt le président de la République. Dès la présidentielle de 2004, Madame Hanoune avait, en effet, fait le choix d'une satellisation d'un autre genre. Celle de postuler au statut «d'opposante» à la carte. Ce qu'elle a par la suite théorisé à travers la posture d'intellectuelle de positionnement au regard des projets. Depuis, elle s'était immanquablement impliquée, par le discours et la harangue dans la défense de la «vision» du chef d'Etat et n'imputant ses échecs qu'à l'incompétence de quelques ministres. Mieux encore, elle s'autorisa le 12 novembre 2008, au moment où la Constitution allait être violée, de s'abstenir par «pudeur» de voter l'amendement tout en faisant acte de candidature à la présidentielle afin de faire la courte échelle à l'auteur de cette atteinte au principe de l'alternance. C'était à partir de ces gages que naquit une sorte de connivence avec le palais. Le reste allant de soi, le PT verra alors ses représentants au Parlement tripler en l'espace de deux législatures et jusqu'à envoyer lors des élections locales une centaine d'impétrants au sein des APC et APW. Certes, il n'y avait pas que le «pacte de non-agressivité» à l'égard du Président qui était à l'origine de l'instrumentalisation consentie du PT. Leur convergence, en apparence tactique, se ressourçait également dans certaines valeurs partagées. Bouteflika et Hanoune n'avaient-ils pas toujours eu une même approche de la problématique de l'islamisme politique ? Même si la porte-parole du PT avait soutenu activement les tractations de Sant'Egidio quand, celui qui n'était pas encore chef de l'Etat, avait fait preuve de prudence, néanmoins celui-ci n'avait-il pas «résolu» la crise à sa manière, dès son arrivée au pouvoir. De même qu'il faut rappeler que Hanoune s'est toujours reconnue dans l'hyper-centralité de l'Etat (du pouvoir ?) que prône toujours Bouteflika. De la défense d'une certaine concorde (puis amnistie) jusqu'au dogmatisme jacobin, n'ont-ils pas été alimentés par les mêmes analyses ? Par tous ses aspects édifiants, l'on peut reconnaître à Louisa Hanoune le mérite d'un choix conséquent loin de tout opportunisme. Dès 2004 d'ailleurs, le MDS publiait un document d'analyse où il était également question de ce rapprochement. Louisa Hanoune, nous apprend-on, est apparue dans son vrai rôle de soutien à Bouteflika par son discours d'opposante à la ligue dite «éradicatrice». Un constat qu'elle n'a jamais récusé arguant du fait que ce n'était pas son parti qui a changé d'analyse depuis Sant'Egidio, mais le pouvoir qui est passé du zeroualisme obnubilé par la solution militaire au bouteflikisme recadrant la crise dans les mêmes termes que ceux du contrat de Rome en 1994. Précurseur, aux côtés d'autres courants, d'une solution négociée, son parti n'est pas du tout étranger à la démarche référendaire du chef de l'Etat. Sauf qu'on s'est efforcé de l'occulter pour finalement reprocher au PT de supposés reniements idéologiques, plaidait-elle il y a quelques années. Mais alors pourquoi le PT n'a-t-il pas fait le saut à cette époque : celui de faire bloc avec l'Alliance présidentielle qui a gouverné dix années ? Sur cette question qui, d'ailleurs, lui a été rarement posée, il est quand même possible de trouver des réponses dans ses interventions. En fine dialecticienne, on l'a souvent entendue expliquer le distinguo subtil qui guide son entêtement à demeurer en dehors de l'exécutif. Au PT, il s'est toujours agi d'adhérer aux orientations majeures du chef de l'Etat tout en examinant avec un œil critique la praxis de l'intendance. D'une manière oblique, celui-là a pernicieusement renouvelé la stratégie du «partage des eaux». Celle dans laquelle il est loisible d'exercer son droit à l'inventaire en permanence et l'autre où il est inconvenant de s'aventurer. Or, qui mieux que cette tribunitienne des classes défavorisées pour s'atteler à la besogne de procureur des commis avec la bénédiction du Prince ? Voilà à quoi en est réduit le fumeux concept du «soutien critique» lorsqu'il fonctionne d'une manière discriminatoire. Un jeu de rôles dont la distribution incombe au pouvoir et qui n'est rien d'autre qu'un compagnonnage honteux. Le Parti des travailleurs n'est désormais que cela et sa marraine est déjà à pied d'œuvre.