Par Naoufel Brahimi El Mili Après l'historique «groupe des 22» de la Révolution algérienne, vient le «groupe des 19» dont la démarche n'est pas encore historique mais qui, pour le moment, fait le «buzz» ! Oui des personnalités algériennes et non des farouches opposants demandent à être reçues par le Président Abdelaziz Bouteflika. Elles veulent s'assurer que c'est le président de la République qui prend en toute liberté et en toute conscience toutes les décisions. Pour une bonne partie de ces 19, elles ont été les soutiens indéfectibles du quatrième mandat. Le groupe des 19 laisse entendre que le pouvoir est vacant, surtout depuis, pour certains d'entre eux, leur limogeage. Vacance ou appétit insatiable de pouvoir ? Aussi, je m'interroge s'il s'agit d'une demande d'audience ou d'un contrôle médical comme celui de la médecine du travail, question de savoir si le concerné est apte pour le service. Alors pourquoi ne pas déposer un miroir sous son nez pour collecter une buée, un irréfutable signe de vie ? Pas du tout. Le Président est en bonne santé, la preuve, l'Algérien résidant à Neuilly le plus célèbre a répondu à ces 19 : «Demandez à François Hollande si le Président va bien.» Oui le Président va bien, le roi du Lesotho, Letsie III, reçu en audience peut aussi le confirmer. La France et le Lesotho détiennent la réponse, que dis-je ? la vérité face aux inquiétudes des Algériens. Cependant, contrairement à Bouteflika, le pays va mal. En effet, presque trente ans plus tard, l'Algérie connaît le syndrome de Bourguiba. Homme historique, fatigué après de longues années de pouvoir absolu, isolé par son entourage, notamment sa nièce (Habib Bourguiba était le dernier de la fratrie, il n'a pas donc de jeune frère), de nombreuses décisions sont prises en son nom. La fin de règne du combattant suprême avait instauré une situation chaotique qui se termina le 7 novembre 1987 par un coup d'Etat médical, soit un article 88 avant la lettre. Avant de connaître une fin de règne tumultueuse, l'Algérie a connu une trop longue transition prolongée excessivement par une curieuse délimitation des mandats présidentiels. Syndrome de Bourquiba ou syndrome d'Iznogoud ? La démarche, respectueuse dans la forme, des 19 est intéressante, à plus d'un titre. Déjà elle a suscité une réponse par procuration et non de l'intéressé lui-même. Ce qui est en soi une preuve de la justesse de cette approche car il est impensable que le Président traite par le mépris certains de ses plus fidèles, quoique... Plus important, après ce qui est présenté comme le démantèlement du DRS, qualifié hâtivement de police politique, certains se sont mis à croire à la réalisation du rêve d'Abane Ramdane : la primauté du politique sur le militaire. Alors logiquement, ces 19 politiques ne peuvent être ignorés puisque le pouvoir est enfin prétendument revenu aux élus et personnalités politiques. A noter que l'une des signataires de l'appel des 19 n'est autre que la vice-présidente du Sénat, sans oublier son glorieux passé. En réalité, le «groupe des 19» en suggérant la vacance du pouvoir, pose la question : où est le pouvoir ? «La substitution d'un fonctionnement parallèle, obscur, illégal et illégitime, au fonctionnement institutionnel légal en faveur duquel nous connaissons votre engagement.» Ce passage de la lettre du groupe des 19 est en soi un réquisitoire. Partout dans le monde, il est admis que le pouvoir c'est l'argent, alors pourquoi l'Algérie serait une exception ? D'autant plus, le ministre du Commerce, Bakhti Belaïb, livre le chiffre de 20 milliards de dollars de transferts illicites (surfacturation) pour la seule année 2014, soit plus que le coût de l'autoroute Est-Ouest, et circulez il n'y a rien à voir ! C'est énorme surtout si on compare ce chiffre étayé par la vieille déclaration de l'ancien Premier ministre, Abdelhamid Brahimi, basée sur un approximatif calcul théorique qui fait état de 26 milliards de dollars de pots-de-vin s'étalant sur une période de 20 ans. A l'époque, l'affaire des «26 milliards» a fait un grand bruit alors que les 20 milliards de détournement annoncés pourtant par un ministre en exercice, rejoint la rubrique des «faits divers». Oui autant d'argent octroie le pouvoir réel. Un général de corps d'armée peut être mis à la retraite alors que les flux financiers, fussent-ils illicites, continuent à structurer la vie économique et politique du pays. Finalement, la primauté de l'économique moyennement légal s'installe peu à peu au détriment du militaire et du politique. Revenons à la lettre des 19 sur laquelle beaucoup de choses ont été dites et à qui sont prêtées des arrière-pensées. Bien que déférente et révérencieuse, il ne s'agit pas moins d'un défi lancé au Président de prouver que c'est lui qui gouverne. Abdelaziz Bouteflika répondra à son rythme d'une façon ou d'une autre.