Saâdani incarne l'image de porte-parole officiel des plus hautes sphères du pouvoir bien au-delà de nos frontières. Les Marocains qui se réjouissent de sa position inédite face au dossier du Sahara occidental le présentent comme étant l'homme mandaté pour la communication officielle au moment où il accumule critiques et mauvais points à l'intérieur du pays pour ses déclarations qui finissent souvent par se vérifier. Question. Quel rôle incarne donc Saâdani ? Une chose est sûre, ces propos ne sont jamais démentis ou ne serait-ce que remis en cause quel que soit le sujet abordé. On le constate cette fois de plus avec sa réaction pour le moins choquante suite au discours virulent du roi Mohammed VI lequel avait carrément qualifié l'Algérie de pays ennemi et d'avoir en outre maintenu les réfugiés sahraouis de Tindouf dans une situation de misère extrême. Récemment, à travers les déclarations de son délégué à la Mission onusienne, le Maroc avait également clairement révélé son soutien à un mouvement autonomiste kabyle, le MAK de Ferhat Mehenni, mais cet élément, pas plus que l'implication directe de ce pays voisin dans les évènements sanglants de Ghardaïa n'ont ému le responsable du FLN lequel ne peut ignorer que la position marocaine n'est rien d'autre qu'une position d'hostilité, de revanche au soutien qu'apporte l'Algérie au principe d'autodétermination du peuple sahraoui. Le plus grave est que M. Saâdani ait réagi sciemment ou peut-être même inconsciemment peu de temps après notre ministre des Affaires étrangères lequel a tenu un discours très pondéré et dont la dignité tranche avec les propos de l'attaquant. «Si nous avons bien compris, a déclaré M. Lamamra, il y aura davantage de désunion, de déchirement fratricide et de combat d'arrière-garde comme nous l'avons vu durant les quarante dernières années alors que le monde va de l'avant et s'attache davantage à des valeurs universelles comme le droit à l'autodétermination des peuples.» Mais Saâdani, lui voit la situation d'un tout autre œil. Il a appelé ni plus ni moins à un «réexamen de la question du Sahara occidental» ajoutant qu'il préfère ne pas donner son avis actuellement sur le sujet par crainte de «causer des problèmes car si je parle, je risque de provoquer des manifestations dans les rues d'Alger». Immédiatement, les Marocains y ont perçu «un revirement historique de la position algérienne» sur une question qui a toujours fait l'unanimité à tel point qu'elle figure presque parmi les constantes nationales. La presse marocaine le présente aujourd'hui comme étant le «relais médiatique de son mentor Saïd Bouteflika, un rôle qu'il assume avec engagement» et rappelle que le responsable du FLN «a été le premier à réclamer le départ du général Toufik» laissant ainsi entendre que celui-ci n'est pas l'homme à «bourdes» tel qu'il est traité en Algérie, mais l'homme détenteur des messages officiels qui assez souvent le troublent. Le dernier fait en date est relatif à l'affaire Chakib Khelil qui a bizarrement réapparu publiquement au moment où Saâdani introduit une tentative de réhabilitation qui laisse l'opinion sans voix. En effet, l'ancien ministre de l'Energie, poursuivi pour corruption et blanchiment d'argent ainsi que son épouse et ses trois fils par un mandat d'arrêt international, est apparu tout souriant à la cérémonie organisée par l'ambassade d'Algérie à Washington pour la célébration du 61e anniversaire commémorant le 1er Novembre engendrant critiques et interrogations. Chakib khelil sera d'ailleurs jugé le 2 décembre prochain par la justice milanaise pour les mêmes chefs d'inculpation en compagnie de quatre autres accusés dont l'un a déjà fait l'objet d'une décision de saisie de biens par la justice italienne. L'agence Reuters a en effet annoncé jeudi que Farid Bedjaoui, co-accusé de Chakib Khelil, a été désaisi de biens d'une valeur de 268 millions de dollars dont trois immeubles situés à Manhattan. Dans cette affaire, Sonatrach-Saipem, Chakib Khelil est en outre accusé d'avoir reçu des pots-de-vin d'un montant de 198 millions de dollars en échange de marchés pétroliers algériens. Les juges enquêteurs milanais affirment détenir les preuves et les enregistrements téléphoniques prouvant son implication dans cette affaire. Pour Saâdani, «Sonatrach n'a jamais connu un ministre aussi compétent et intègre que Chakib Khelil (...) il a été victime d'un complot qui l'a visé en tant que personne, qui a ciblé la Sonatrach et le président de la République (...) ils ne voulaient pas que Bouteflika fasse un quatrième mandat. Les auteurs du complot savent très bien que la Sonatrach est la pourvoyeuse de la rente qui sert à l'exécution du programme présidentiel». Depuis, le débat sur la «réhabilitation» de Chakib Khelil s'est inévitablement enclenché dans le pays. Au nom de qui s'exprime alors Ammar Saâdani ? La question ne semble plus se poser réellement, puisqu'il lui appartient désormais d'apporter les réponses à toutes les questions que n'aborde pas la présidence. Y compris les plus sensibles, comme celle relative à l'initiative des signataires de la lettre demandant audience au président de la République. La réponse est parvenue encore une fois à l'opinion publique par le même canal qui a, en des termes choquants, renvoyé les initiateurs de cette démarche à s'enquérir de la situation auprès des étrangers, dont François Hollande, qui ont rencontré récemment le président de la République. Se peut-il alors qu'il s'exprime en son nom propre ? Très peu probable. Manifestement, la communication de Saâdani dépasse largement son statut de responsable.