Au lendemain de l'adoption, dans la controverse, du projet de loi de finances 2016, à la majorité par l'Assemblée populaire nationale (APN), le ministre des Finances a tenu à répondre aux partis de l'opposition qui ont dénoncé certains articles qualifiés d'anticonstitutionnels à l'instar des articles 66 et 71. Ces derniers respectivement parle de l'ouverture du capital des entreprises publiques à l'actionnariat privé (à hauteur de 34%) et autorise le ministre des Finances à intervenir au courant de l'exercice. Younès Djama - Alger (Le Soir) - A propos de la disposition relative à l'ouverture des entreprises publiques à l'actionnariat privé (art.66) , le ministre, invité hier de la Radio nationale, a indiqué que toutes les entreprises publiques «doivent s'ouvrir et se moderniser y compris les grandes entreprises publiques», précisant que l'article 66 en question protège les entreprises publiques dès lors que, dit-il, «personne ne pourra prendre 100% des parts et le maximum qu'on pourra prendre sera de 34%». Avant d'expliquer que pour ce qui est de l'ouverture du capital des entreprises publiques, il y a trois passages : d'abord qu'aucun partenaire ne doit prendre plus de 34% du capital, en addition à cela l'ouverture du capital des entreprises publiques passe d'abord par le Conseil des participations de l'Etat (CPE) présidé par le Premier ministre avec moitié du gouvernement. Troisièmement, cela suppose aussi qu'il y ait des argumentaires, outre qu'il y a des règles juridiques qui protègent l'emploi, l'activité et les filières, etc. Pour donner corps à son argumentaire, Benkhalfa cite le cas d'entreprises publiques «autrefois endormies» et qui ont ré- émergé grâce à des partenariats comme c'est le cas de la SNVI. «Les entreprises publiques doivent élargir leurs capitaux, investir plus et surtout se moderniser et l'article 66 du PLF2016 les protège», a indiqué Benkhalfa. «Aucun pays ne vit avec des entreprises publiques à 100%. Nous ne pouvons pas retourner en arrière et à ceux qui veulent nous faire retourner dans les années 1980 nous disons nous sommes en 2015», a encore martelé Benkhalfa dans une réplique directe aux parties qui voient en cette disposition une privatisation qui ne dit pas son nom. «Nous avons un éveil du secteur public, il faut maintenant le pousser et élargir les capitaux. En définitive, il faut que nos entreprises publiques soient comme les grandes entreprises internationales et s'ouvrir de manière sélective, bien entendu sous le regard permanent du gouvernement», a plaidé Benkhalfa qui souligne qu'aucune disposition de la LF2016 n'exige l'ouverture du capital de toutes les entreprises publiques. «La LF2016 dit que si jamais le gouvernement ou le CPE décident d'ouvrir le capital d'une entreprise publique, cela ne peut se faire qu'à hauteur de 34%. Ce qui est, au contraire, une protection pour l'entreprise nationale», assure le premier argentier du pays. Selon le ministre, c'est le gouvernement qui «décide quelles sont les entreprises qui doivent ouvrir leur capital et non pas la loi de finances» qui, selon lui, n'a fait que fixer le seuil d'ouverture de capital. A propos de l'article 71 qui permet au ministre des Finances d'intervenir au cours de l'exercice pour transférer une partie du budget des différents secteurs, Abderrahmane Benkhalfa a indiqué que l'article en question a fait l'objet de «beaucoup d'incompréhension». Selon lui, tous les pays en période normale disposent d'une capacité de gérer le budget mois par mois, «car nous ne pouvons pas attendre l'année pour aller devant le Parlement pour passer d'un projet à un autre». Et d'expliquer : «Nous avons des milliers de projets. Au lieu de faire 10 projets et les laisser à 50% (d'achèvement), il est préférable de faire 5 projets et les terminer . Benkhalfa apporte une précision à propos de l'article 71 en indiquant que «ce n'est pas le ministre des Finances qui décide mais des décrets que le gouvernement prend après approbation du chef de l'Etat». Vers plus de ciblage des subventions A propos des augmentations sur les produits énergétiques (électricité, carburants), Benkhalfa a minimisé la portée des augmentations contenues dans le projet de loi de finances 2016. «Nous n'avons augmenté que de 5 à 6 dinars et non pas 500 ou 600DA. Or, 6 dinars cela ne représente même pas un café !» a affirmé le ministre des Finances. Il réitère que les «ménages modestes» ne seront pas touchés par ces augmentations, outre que l'Etat va compenser les agriculteurs qui activent dans «les agricultures non spéculatives». En somme, un début de ciblage des subventions s'amorce, selon le ministre des Finances. Selon lui, les subventions continueront mais bientôt il va falloir les cibler, parce qu'aujourd'hui, ces subventions sont généralisées et inéquitables, a prévenu Benkhalfa. A ce propos, le ministre a reconnu que le maintien du modèle actuel de subventions des prix, de manière généralisée et sans distinction entre les riches et les pauvres, est un «pur gaspillage» de l'argent public. «Nous avons une stratégie pour sortir, d'ici à deux ou trois ans, des subventions généralisées des prix pour aller à une vérité des prix, puis nous allons procéder à un soutien frontal à travers l'octroi d'une sorte de deuxième salaire pour les citoyens ayant des revenus inférieurs à un certain seuil», a annoncé Benkhalfa. Des commissions mixtes pour traquer les commerçants «malveillants» Abderrahmane Benkhalfa a profité de l'occasion pour alerter et dénoncer certains commerçants «malveillants» qui ont déjà anticipé les augmentations prévues et ont doublé leurs bénéfices. Cette «anticipation», prévient Benkhalfa, va être réprimée par le ministère du Commerce. Ainsi, des commissions mixtes Impôts-Commerce-Douanes vont frapper «fort» à chaque fois que des commerçants se mettent à spéculer, selon Benkhalfa. «Nous n'avons pas encore augmenté que les prix sont partis à la hausse», s'insurge Benkhalfa qui accuse ces commerçants «malveillants», qui s'adonnent à la spéculation, de manquer de «patriotisme économique». Benkhalfa en appelle au «patriotisme» des citoyens En ces temps d'austérité, le premier argentier du pays en appelle au «patriotisme» des citoyens pour qu'«ils ne gaspillent pas» et qu'ils «paient leurs amendes et impôts». «Maintenant qu'il y a la conformité fiscale volontaire, j'appelle nos concitoyens à ne pas laisser l'argent dans les sacs et les mettre dans les banques. Il vaut mieux que nous utilisions l'argent des Algériens au lieu de nous endetter», a-t-il lancé. Le ministre assure que de ces ressources, l'Etat en a suffisamment assez notamment pour financer l'investissement, et c'est avec cette politique d'optimisation des ressources internes que le pays peut selon lui «aller plus loin». L'année 2016 «sera la première année» où la fiscalité non pétrolière va rapporter au Trésor «une fois la fiscalité pétrolière», puisque, explique Benkhalfa, la fiscalité non pétrolière va rapporter 3000 milliards de DA contre 1500 milliards DA pour la fiscalité pétrolière. Par ailleurs, l'opération de bancarisation de l'argent informel avance bien à en croire Benkhalfa qui se garde toutefois d'en indiquer le montant. Il a invité les Algériens détenteurs de fonds à l'étranger à les rapatrier en Algérie pour les y investir car, prévient-il, ils risquent de perdre leur argent et que les comptes bancaires dont les sources sont inconnues seront fermés dans plusieurs pays dans le monde.