La Sonatrach vient de dévoiler un ambitieux plan de développement de son activité Amont sur les trois prochaines années. En effort propre, le groupe pétrolier a planifié 799 forages, dont 335 puits d'exploration et 464 puits de développement. Cela devrait augmenter le volume des réserves exploitables et élever sensiblement les quantités de production. Une démarche stratégique C'est à travers un appel d'offres pour la réalisation des plates formes de forage que la Sonatrach a révélé ce gigantesque plan d'activité. D'ailleurs, à l'occasion d'une interview accordée jeudi dernier à l'agence américaine Bloomberg, le vice-président Amont de la Sonatrach avait annoncé une augmentation de 5% de la production en 2016. Salah Mekmouche, qui a été installé au poste il y a à peine deux mois, tente de relancer la production en effort propre de la Sonatrach et augmenter son potentiel. Cette nouvelle vision est stratégique pour le pays, car en 2015, la part des compagnies étrangères a atteint le seuil de 30% de l'ensemble de la production nationale. Il faut rappeler que les chiffres affichés par la Sonatrach sont devenus alarmants depuis le départ de Nouredine Cherouati en novembre 2011. L'activité Amont a fortement régressé. Dans la production, la compagnie nationale est passée de 161 puits forés en 2011 à 116 en 2012 pour atteindre la barre critique de 62 puits en 2013. Idem pour l'exploration. En 2011, la Sonatrach avait foré 78 puits avant de réduire cette activité à 56 puits seulement en 2012. L'année suivante a connu un léger regain d'activité avec 83 puits forés. Cette politique a conduit inévitablement à un déclin rapide de la production. Nous étions à 194.6 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) en 2012 avant d'atteindre 186.9 millions de tep en 2013. Depuis lors, c'est le complexe d'El Merk (en association avec plusieurs compagnies étrangères) qui a assuré à lui seul l'équilibre de la production nationale. Cette tendance dangereuse avait été largement dénoncée par les jeunes cadres de la Sonatrach, mais rien n'a été fait pour réajuster la production de l'entreprise en effort propre. Pire encore, la Sonatrach annonçait des découvertes dans des régions qui ne pouvaient être développées que dans une quinzaine d'années alors que les champs de Hassi Messaoud et de Hassi R'mel, qui constituent des valeurs sûres, étaient presque délaissés. Sinon, comment expliquer le fait que la Sonatrach observait passivement la fermeture de 40 puits à Hassi Messaoud ? Le nouvel Eldorado Dans le nouveau plan triennal, il y a lieu de relever deux aspects importants. Le premier est lié à l'importance qu'accorde désormais la Sonatrach aux régions du Sud-Ouest. 28 puits d'exploration sont programmés dans les régions de Tindouf, Reggane et Sbaa alors que 29 autres sont prévus dans les régions de Béchar et Oued Namous. C'est une première pour la Sonatrach qui a toujours prospecté ces zones avec de timides moyens de relevés sismiques ou de forage d'exploration. Le Maroc, en revanche, ne cesse d'inviter les compagnies pétrolières étrangères à venir prospecter les hydrocarbures à proximité de nos frontières. Ajouté à ce potentiel, les champs de Timimoune et Touat (exploités en association avec des compagnies étrangères) et Akabli et Tidikelt en effort propre, le Sud-Ouest est en passe de devenir le nouvel Eldorado gazier du pays. Les compagnies de services se préparent déjà à s'installer massivement dans ces régions. Pour sa part, l'ex-district I connu sous l'appellation du Sud-Est constantinois a été également relancé avec 34 puits d'exploration. On pense qu'un énorme potentiel sur nos frontières avec la Tunisie est à l'état d'abandon et qu'il est devenu nécessaire de le valoriser. D'autre part, à la division exploration de la Sonatrach tout le monde rêve d'une découverte semblable à celle réalisée par Anadarko sur Hassi Berkine. Alors, une bonne partie de l'effort a été concentrée sur les zones à fort potentiel tels Oued Mya (38 puits), Berkine (61 puits), Amguid Messaoud (64 puits), Illizi (48 puits) et l'Ahnet avec 33 puits d'exploration prévus. Plateau de 200 millions de tep Sans surprise aucune, la production nationale reviendra, au terme de ce programme, à une production supérieure à 200 millions de tep, soit la moyenne des années 2006-2009. Car, rien qu'à Hassi Messaoud et sa périphérie, 144 puits sont prévus dans le programme de la Sonatrach. La région de Hassi R'mel, quant à elle, devra connaître le forage de 34 puits alors que 36 autres opérations sont prévues pour la zone de Haoud Berkaoui. La zone d'Illizi et les champs de Tinhert seront renforcés avec 34 forages. Le champ de Tin Foué Tabenkort, qui faisait la fierté de feu Houari Boumediène, sera repris en production cadencée avec les 35 puits programmés. On ressent par ailleurs cette nouvelle tendance de garantir une bonne production de pétrole à travers les programmes destinés aux champs déjà producteurs tels Alrar (19 puits), Gassi Touil (16 puits), Rhourd Ennous (17 puits) et surtout le champ de Berkine avec un record de 78 puits prévus. Pour le gaz, la Sonatrach a consenti un effort considérable avec 19 puits sur les champs d'In Salah. Il y a également une certaine volonté de redonner une seconde vie à certains champs qui ont fortement décliné, à l'image d'El Borma et Rhourd El Baguel avec 16 forages pour chaque gisement. La zone d'El Borma affiche aujourd'hui une image de désolation après le déclin de son principal gisement et la vie dans la région est devenue tellement monotone, en raison notamment du manque d'activité économique. Les populations locales devront reprendre espoir avec la relance de l'activité de la Sonatrach dans cette région. Avec l'effort d'optimisation des autres champs qui sont déjà en phase de production, la Sonatrach ne devrait pas trouver de difficultés à retrouver le seuil de 200 millions de tep. Ce volume devrait assurer la consommation interne grandissante et surtout maintenir les parts de la Sonatrach sur le marché international avec un retour au volume de 60 milliards de mètres cubes par an. A la Sonatrach, on pense déjà à de nouveaux champs à prospecter. Il y a quatre mois à peine, le groupe public a signé avec Alnaft un contrat de recherche et d'exploration portant sur une vingtaine de nouveaux permis situés dans les wilayas de Ouargla, Illizi, Ghardaïa, El Bayadh, Adrar, El Oued et Tiaret. Outre cette intention de rechercher les hydrocarbures dans les zones jusque-là non prospectées, la Sonatrach compte investir énormément autour des champs matures et augmenter ainsi le potentiel des réserves.