A travers les deux compagnies Cepsa et Dragon Oil, les Emirats arabes unis sont devenus le plus grand investisseur étranger dans le secteur des hydrocarbures en Algérie. Présentes sur plusieurs champs pétroliers et gaziers, ces deux compagnies procèdent depuis quelque temps à des OPA pour le rachat de parts de certains associés étrangers de la Sonatrach. L'appétit d'Abou Dhabib A l'origine Cepsa était une compagnie espagnole dans laquelle les Français de Total détenaient la moitié des actions. En 2010, un fonds d'investissement d'Abou Dhabi a finalisé le rachat de la totalité des parts sociales de la compagnie qui devient arabe à 100%. Cepsa est présente en Algérie depuis le 14 octobre 1992, date à laquelle est entré en vigueur le contrat d'association avec la Sonatrach pour l'exploitation du champ de Rhourde El Khrouf. Cepsa avait pris en charge tous les frais de réalisation des puits et du réseau de collecte ainsi que toutes les installations de surface. Ce champ livrait une production de 30 mille barils par jour jusqu'au 29 mai 2008, une date qui correspond alors à l'échéance du contrat d'association avec la Sonatrach. Mais, il était dit que l'association devait continuer en raison du boom réalisé par la compagnie américaine Anadarko sur le champ d'Ourhoud où Cepsa est justement impliquée. Une prolongation de cinq ans a été accordée à l'association de la Sonatrach avec Cepsa sur Rhourde El Khrouf, puis une autre prolongation d'une année et enfin, en 2014, l'avenant n°5 a été approuvé par les autorités pour que ce champ revienne entièrement à la Sonatrach à partir du 29 mai prochain. Même si le déclin naturel de ses puits a sensiblement affecté le débit, le champ de Rhourde El Khrouf continue de produire jusqu'à 10 mille barils par jour. Le tournant de 2011 Cepsa aura été également la seule compagnie étrangère à sauver le troisième appel d'offres lancé par Alnaft en 2011. Elle a remporté le contrat d'association avec la Sonatrach sur le périmètre de Rhourde Er Rouni II (Blocs 401a et 403f), situé dans le bassin de Berkine. Sur ce permis, Cepsa est toujours dans la phase de recherche et d'exploration. Jusqu'ici, les puits forés n'ont pas livré les résultats escomptés, mais les cadres de Cepsa ne désespèrent pas pour autant. En parallèle, Cepsa aura été l'un des pionniers à investir dans les champs gaziers du Sud-Ouest algérien. Elle a investi avec la Sonatrach et la française Total dans les champs de Timimoune («Blocs 325a et 329) qui devront entrer en production dans une année pratiquement. Sur ces champs financés par la Sonatrach à hauteur de 51% (Total 37,75% et Cepsa 11.25%), on évoque un potentiel énorme. Il est prévu 4.6 millions mètres cubes par jour de gaz et 4500 barils de condensat. La réalisation de ces installations de production de ces gisements a été confiée, en avril 2014, aux Sud-Coréens de Samsung pour une durée de 35 mois. L'opération a coûté pas moins de 798,8 millions de dollars. La date de livraison de ces installations coïncide justement avec l'achèvement des travaux du gazoduc GR5 qui devra relier le bassin de Reggane au Centre national de dispaching du gaz (CNDG) de Hassi R'mel. Au passage, il faut noter que ce projet a permis l'expansion de certains opérateurs nationaux tels que l'ENGCB (filiale de la Sonatrach) qui a décroché un contrat de 4.64 milliards de dinars pour la réalisation des routes, de la piste d'atterrissage et de certains sites. Pour les stratèges de la Sonatrach, ces projets du Sud-Ouest devront combler à partir de 2017 le déclin de certains gisements et relancer en puissance la production nationale. L'association Touat Gaz, entre la Sonatrach et GDF-SUEZ sur les blocs 352a et 353 devrait renforcer le potentiel algérien à partir du Sud-Ouest. Cepsa est également associée dans le champ d'Ourhoud au sud-est du pays. Dans l'exploitation de ce complexe, qui forme un triangle somptueux avec El Merk et Hassi Berkine, Cepsa est associée avec la Sonatrach, Anadarko et ConocoPhilips, qui vient de céder ses parts à la compagnie indonésienne Pertamina. Des OPA dans tous les sens Outre ces engagements dans l'amont pétrolier et gazier, Cepsa est en train de grignoter les parts de certaines compagnies étrangères présentes en Algérie. Elle se trouve à un stade avancé de négociations pour le rachat des parts de la compagnie canadienne Talisman. Celle-ci est associée dans plusieurs champs pétroliers et gaziers en Algérie. Il s'agit notamment de Menzel Ledjmet Nord et satellites (bloc 405a), Ourhoud (blocs 404a,405a,406a) et El Merk sur les blocs 404 et 208. Avec la conclusion de cette vente, la production en Algérie de Cepsa passera de la troisième position à la seconde, en attendant l'entrée en production des champs qui sont en phase de recherche et d'exploration. Dans les milieux pétroliers, il est fait état de la préparation par Cepsa d'une offre pour la compagnie irlandaise Petroceltic qui exploite conjointement avec la Sonatrach et l'italien Enel, le champ de Aïn Tsila. Petroceltic est en difficulté financière et pourrait céder une partie de sa participation aux Emiratis de Cepsa. Par ailleurs, l'autre compagnie émiratie, Dragon Oil, a déjà lancé, il y a quelques mois, une offre publique d'achat de l'ensemble des parts de Petroceltic. Mais les dirigeants de cette compagnie se sont alors montrés particulièrement gourmands. Dragon Oil, cette compagnie qui est née dans la mer Caspienne au Turkménistan, a été entièrement rachetée par l'ENOC ( la compagnie pétrolière publique de Dubaï). Outre les parts de Petroceltic, Dragon Oil convoite également les parts de la petite compagnie tunisienne Medex qui détient un permis à Bourarhat, au sud d'In Amenas. Opportunités à saisir Dragon Oil est entrée en Algérie à travers le quatrième appel d'offres, lancé par l'agence publique Alnaft. Avec l'italien Enel, elle a pu décrocher, en septembre 2014, deux permis. Le premier, Msari Akabli ( bloc 332a, 341a3 et 339a1), se situe au sud du bassin de Reggane. Enel (opérateur) détient 34,30% des parts, alors que Dragon Oil s'est contentée de 14.70% seulement des parts. Cette proportion de parts a été inversée sur le second permis de Tinrhert Nord (blocs 223b, 244b et 235b), situé au sud-est du pays. Dragon Oil devient opérateur avec 34.30% de participations. Sur le permis de Msari Akabli, il est prévu un investissement de l'ordre de 122 millions de dollars répartis sur les sept ans de la phase recherche et exploration. Pour celui de Tinhert Nord, les associés ont convenu d'un budget de 100 millions de dollars. Toutefois, un problème de stratégie a surgi dans ces deux associations lorsque la direction d'Enel a déclaré son intention de se débarrasser de ses actifs dans l'amont en Afrique. Dans ce cas précis, Dragon Oil se présente comme candidat potentiel au rachat des parts d'Enel sur les deux permis. D'autant plus qu'ils sont situés dans des zones très prometteuses. Ainsi, par le biais des actifs de Cepsa et Dragon Oil, les Emirats arabes unis deviennent le plus grand investisseur étranger dans l'activité pétrolière en Algérie. Avec l'entrée en production des gisements en cours d'exploration, les Emiratis dépasseront de loin les Italiens de l'ENI et les Américains d'Anadarko.