Cette fois Louisa Hanoune a décidé de tout livrer en vrac à l'opinion publique. Des noms, et pas des moindres, ont été dévoilés hier lors d'une conférence de presse inattendue, durant laquelle elle a passé en revue la situation que traverse son parti et elle-même. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Elle s'était donc jusque-là longtemps abstenue de citer nommément les personnalités, ministres ou autres, qu'elle disait responsables des représailles, menaces et pressions multiples déclenchées contre le Parti des travailleurs et son leader. Mais hier, le couvercle a fini par céder. A l'origine de cette décision de tout étaler sur la place publique, les propos tenus par Labatcha, ce député et membre du BP du PT dont le nom est apparu pour la première fois sur la scène publique suite à une tentative avortée de mener un mouvement de redressement au sein de son parti. Sa démarche, on s'en souvient, a été expliquée par le PT comme étant un «détournement et une tentative de destabilisation interne» entrant dans le cadre d'un processus de représailles enclenché contre Louisa Hanoune et le mouvement qu'elle dirige. Au cours de cette conférence de presse, nous avons donc appris que ce même Labatcha crie depuis plusieurs jours à qui veut l'entendre les noms des personnalités qui le soutiennent et avec lesquelles il se réunit afin de recevoir ces instructions. «Il affirme se réunir avec Ammar Saâdani, SG du FLN, Tliba, vice-président de l'APN. Il a également affirmé à nos militants qu'il se réunissait avec le ministre de l'Energie, M. Bouchouareb, le ministre de la Santé, M. Boudiaf, Ali Haddad, patron du FCE, et même l'actuel responsable du DRS, M. Bachir Tartag.» La liste des noms énoncés est ensuite scindée en deux pour des besoins de clarification. «Nous savons, dit-elle, que Ammar Saâdani et Tliba ont proféré publiquement des menaces de représailles contre ma personne. Il en est de même pour le ministre de l'Energie lequel a déclaré publiquement que je devais m'attendre à des représailles. Mais je n'accuse pas les autres personnalités citées. Je ne connais personne d'assez fou pour faire confiance à des gens comme ceux-là.» Mais, ajoute-t-elle, Labatcha affirme être sûr de lui. «Il a dit à nos militants que toutes ces personnalités avec lesquelles il se réunit pour discuter de mon sort reçoivent des ordres des plus hautes autorités du pays. La question leur a été posée : s'agit-il de Sellal ? Il affirme que non. Gaïd Salah ? Non plus. Il dit que les ordres émanent des environs de Abdelaziz Bouteflika.» Les journalistes présents à la conférence veulent savoir s'il s'agit du frère de Bouteflika. Louisa Hanoune refuse d'accuser. «C'est la bande de Saâdani, Tliba et Bouchouareb qui ont donné ces noms. Nous attirons l'attention des autorités sur ces faits d'une gravité jamais égalée et demandons aux personnes citées de se démarquer afin de lever toute équivoque. Leur silence aura une autre signification.» Sereinement, elle explique ensuite les raisons des représailles dont elle fait l'objet : «Notre crime est de défendre la démocratie politique, de défendre l'économie du pays, de tout dévoiler au peuple algérien et crime suprême, ils m'en veulent d'avoir signé la lettre des 19 dans laquelle nous demandions audience au président de la République afin de l'informer des dangers qu'encourt l'Algérie.» Selon Louisa Hanoune, les attaques dont elle fait l'objet ainsi que les pressions que subit son parti entrent dans le même processus de déstabilisation que connaît le pays. Elle en veut pour preuve ces attaques très graves menées contre deux anciens moudjahids qui symbolisent la lutte de Libération, à savoir Zohra Drif et Yacef Saâdi dont ont tente actuellement de jeter le doute sur leur passé révolutionnaire. «Au profit de l'ancien colonisateur bien sûr et le plus grave, c'est que les auteurs de ces accusations honteuses puisent leurs sources dans le site du général Salan.» Elle poursuit : «On veut laisser revenir l'ancien colon, et l'affaire de Tiguentourine est là pour en témoigner.» La justice française, faut-il le rappeler, a récemment ouvert une instruction suite à une plainte déposée par une victime de l'attaque terroriste (janvier 2013). La famille accuse l'Algérie d'avoir failli à la sécurité du site pétrolier. «Le fait que la justice française ait accepté d'ouvrir une enquête au sujet d'une seule victime soulève de nombreuses interrogations. Ce sont des pressions destinées à amener l'Algérie à jouer le rôle de gendarme dans la région et à délaisser la sécurité dans le pays. On a même réactivé le dossier des disparus pour mettre un peu plus de pression au moment où nous vivons des moments cruciaux liés à la chute du prix du pétrole. L'association des disparus a été créée au siège du PT, j'ai étudié les dossiers, ils sont complexes, ces personnes ont disparu dans le cadre d'une guerre, il est temps de clore ce dossier. » Pour l'instant, dit-elle, le pays ne semble pas gouverné.