Malgré les promesses de trêve, une résolution du conflit syrien semblait hier de plus en plus illusoire, les différents acteurs internationaux, dont la Turquie et la Russie, s'accusant mutuellement de jeter de l'huile sur le feu. L'armée turque a bombardé au mortier hier pour la deuxième journée consécutive des positions kurdes dans le nord de la Syrie, aux alentours de la ville syrienne d'Azaz dans la province d'Alep. Le gouvernement syrien a condamné «les attaques répétées de la Turquie à l'encontre (...) de l'intégrité territoriale de la Syrie», appelant le Conseil de sécurité de l'ONU à «mettre un terme aux crimes du régime turc». En menant de nouveaux bombardements, Ankara a fait fi de l'appel à les «cesser» lancé par les Etats-Unis, son allié et partenaire au sein de l'Otan. Les Turcs expriment régulièrement leur frustration face au soutien militaire apporté par Washington aux groupes kurdes, notamment des Unités de protection du peuple (YPG). Ils redoutent que ces derniers, qui contrôlent déjà une grande partie du nord de la Syrie, n'étendent leur influence à la quasi-totalité de la zone frontalière. La progression des YPG à l'ouest de l'Euphrate en Syrie constitue «une ligne rouge», a expliqué le vice-Premier ministre turc Yalcin Akdogan. «Il s'agit de questions qui touchent à la sécurité nationale (...). La Turquie n'est pas une nation qui va regarder ce qui se passe les bras croisés», a-t-il prévenu. Farouchement hostile au régime de Bachar Al-Assad et en froid avec la Russie, la Turquie envisage par ailleurs de lancer avec l'Arabie Saoudite une opération terrestre en Syrie officiellement destinée à combattre les islamistes du groupe Etat islamique (Daesh), selon le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu. Des forces «spéciales» saoudiennes pourraient être ainsi déployées dans le cadre de la coalition antiterroriste conduite par les Etats-Unis, a déclaré dimanche le ministre des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, sans donner de détails. Ces déclarations coïncident avec le déploiement d'avions de combat saoudiens sur la base turque d'Incirlik afin d'«intensifier les opérations aériennes» contre Daesh, selon un haut responsable saoudien de la Défense. M. Jubeir a parallèlement vivement critiqué l'action de la Russie en Syrie, affirmant qu'elle ne parviendra «pas à sauver Bachar al-Assad». Son départ «est une question de temps et, tôt ou tard, son régime tombera», a-t-il prédit. L'engagement accru de Ryad et Ankara survient alors que les groupes rebelles soutenus par les deux puissances sunnites ne cessent de perdre du terrain face aux Kurdes mais aussi et surtout face aux forces régulières. L'Iran et la Russie, les principaux alliés de Damas, ont mis en garde ces pays contre l'envoi de troupes en Syrie. «Nous ne permettrons certainement pas que la situation en Syrie évolue conformément à la volonté des «pays rebelles». Nous prendrons les décisions nécessaires le moment venu», a averti l'adjoint du chef d'état-major des forces armées iraniennes, le général Massoud Jazayeri. Sur le terrain, l'armée syrienne continue de progresser au nord d'Alep et ne se trouvait plus hier qu'à environ trois kilomètres au sud de Tall Rifaat, l'un des trois bastions qui restent aux insurgés dans cette région. La localité, qui a été visée samedi par plus de 20 raids russes, est également attaquée à l'est par les Kurdes. L'offensive lancée le 1er février par le régime a provoqué l'exode de dizaines de milliers de personnes qui restent notamment bloquées au nord d'Azaz, tout près de la frontière turque, espérant que les autorités turques les laissent entrer. Dans ce contexte, les présidents américain Barack Obama et russe Vladimir Poutine se sont parlés au téléphone et ont fait, selon le Kremlin, une «évaluation positive» de l'accord conclu vendredi par les grandes puissances à Munich sur une trêve pour la semaine prochaine. Cet accord a été vivement dénoncé hier par le coordinateur de l'opposition syrienne, Riad Hijab, pour qui il permet la poursuite des bombardements russes. «Celui qui protège Daesh aujourd'hui, c'est la Russie», a jugé M. Hijab. L'influent sénateur républicain américain John McCain a également jugé que l'accord de Munich ne ferait que soutenir «l'agression militaire» de la Russie, qui «veut exacerber la crise des migrants pour diviser l'alliance transatlantique et miner le projet européen».