Quelle signification donner à l'absence de l'Algérie à la rencontre du quartette tenue à Doha et à l'issue de laquelle les deux gros producteurs de pétrole au monde, l'Arabie Saoudite et la Russie, ont décidé de geler la production aux niveaux de janvier 2016 ? Les avis des experts sont partagés. Younès Djama- Alger (Le Soir) - L'absence de notre pays à la dernière réunion du quartette (Arabie Saoudite, Russie, Venezuela, Qatar) à Doha, est une forme de boycott de la part d'Alger qui entend ainsi faire entendre son mécontentement par rapport au fait que ces mêmes pays ont ignoré ses appels pour essayer de stabiliser le marché, estime Saïd Beghoul, expert pétrolier et auteur de plusieurs ouvrages et contributions sur le domaine pétrolier. Même si sa présence n'aurait servi à rien, étant un petit producteur, l'Algérie a tenu à marquer à sa manière sa désapprobation, elle qui a appelé «au moins à deux reprises» à ce genre de réunion sans que son appel soit entendu, relève-t-il. Le ministre de l'Energie, Salah Khebri, s'est chargé de le rappeler dernièrement en soulignant que depuis 2014, date du retournement du marché pétrolier, l'Algérie a pris deux initiatives, qui ont toutes deux été suivies d'échec. Une première fois, lorsque, en février 2015, sur instruction du président de la République, quelques émissaires ont tenté de prendre attache avec certains pays en vue d'essayer de rapprocher les points de vue et stabiliser le marché. La seconde tentative a été menée par Salah Khebri lui-même, en août dernier en saisissant le président de l'Opep dans «le but d'attirer son attention sur la nécessité d'entreprendre des actions». M. Khebri prend le soin de souligner qu'il ne s'agissait pas d'une demande de réunion extraordinaire comme rapporté. En revanche, d'autres observateurs estiment que l'absence de l'Algérie à la réunion de Doha a plus à avoir avec son modeste poids (une production de 1,1 million de barils) face aux mastodontes de la production pétrolière comme l'Arabie Saoudite et la Russie, qu'avec cette histoire de boycott. C'est ce que soutient notamment Abdelmadjid Attar, ancien P-dg de Sonatrach et expert indépendant en énergie. «Je pense qu'il ne faut pas parler d'absence de l'Algérie à cette rencontre à laquelle ont appelé les deux plus gros producteurs, l'Arabie Saoudite et la Russie, puisque ce sont eux qui peuvent véritablement peser sur le marché, et non pas l'Algérie avec son 1,1 million de barils », dit-il. Quant à la présence du Venezuela, Attar fait savoir qu'il est le plus touché par la chute des cours du brut au point de frôler la faillite et c'est donc logiquement qu'il y prenne part. S'agissant de la présence du Qatar, elle découle tout simplement du fait que c'est le pays hôte de cette rencontre. Selon Attar, si l'Algérie avait été invitée elle n'aurait pas refusé. L'ancien P-dg de Sonatrach précise que la déclaration de M. Khebri concernant la probable absence de l'Algérie faisait allusion à la réunion extraordinaire de l'Opep à Vienne et non pas à la rencontre des quatre réunis à Doha, comme on a pu le suggérer. «La réunion de Doha n'est pas celle de l'Opep», tient-il à préciser. Et si l'Algérie quittait l'Opep ? Revenant sur cette rencontre, qui a abouti au gel de la production aux niveaux de janvier 2015, et ses incidences sur le marché, M. Attar estime : «A priori, elle va stabiliser les prix et empêcher qu'ils redescendent en dessous de 30 dollars.» Cependant, il ajoute que «si cette décision de gel de la production n'est pas confortée par un accord officiel par la prochaine réunion, ce sera tout simplement un coup d'épée dans l'eau». Selon M. Beghoul, au rythme où va le fonctionnement de l'Opep, l'Algérie pourrait songer sérieusement à «quitter momentanément» cette organisation en vue de faire pression sur les grands producteurs notamment l'Arabie Saoudite qui, profitant de son statut, fait la pluie et le beau temps en engageant le cartel dans une spirale suicidaire dont pâtissent énormément des pays comme le Venezuela et l'Algérie. Ce que partage Abdelmadjid Attar. Selon lui, l'Algérie ne devrait pas être la seule dans cette démarche de gel de sa participation à l'Opep, elle devrait entraîner avec elle d'autres membres influents et menacés sérieusement, de sorte à forcer les membres influents de cette organisation, à leur tête l'Arabie Saoudite, à donner des signes de bonne volonté.