L'Iran soutiendra-t-il réellement la position algérienne visant la stabilisation des cours du pétrole dont l'écroulement se poursuit ? La réponse de la République islamique dont trois officiels ont séjourné mercredi et jeudi derniers à Alger reste encore diplomatique. Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) - Certes, le premier vice-président de la République islamique d'Iran, Eshaq Jahangiri, qui a été reçu jeudi dernier par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, considérera que son pays et l'Algérie ne divergent pas d'approche dans le contexte de chute poursuivie des cours du pétrole. Or, dans la mesure où l'Algérie est soucieuse d'une démarche consensuelle, concertée en vue de la stabilisation des cours, à contre-courant de la position adoptée par la majorité des membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), l'Iran n'y semble pas assez réfractaire. Des missions avaient été en effet dépêchées, en début de l'année, vers différents pays producteurs de pétrole, notamment l'Arabie Saoudite, l'Azerbaïdjan, le Mexique et la Russie, en vue de parvenir à un consensus sur la nécessité de rétablir l'équilibre du marché pétrolier dans l'intérêt des pays producteurs et consommateurs. Citant les propos du président de la République qui a relevé «la nécessité de tenir des réunions de consultation au sein de l'Opep et à l'extérieur», le dirigeant iranien considère donc que la démarche algérienne est opportune. Ce qu'Eshaq Jahangiri avait justement laissé entendre jeudi matin à l'ouverture, sous son égide et celle du Premier ministre Abdelmalek Sellal, des travaux de la deuxième session de la Haute commission mixte algéro-iranienne et du premier Forum des hommes d'affaires algériens et iraniens. Ainsi, l'on a agréé la nécessité de «conjuguer» les efforts pour limiter la dépendance des deux pays des hydrocarbures et à la volatilité des cours et fluctuations du marché énergétique mondial, le premier vice-président iranien appelant à intensifier la coopération entre les pays producteurs notamment entre l'Algérie et l'Iran pour «stabiliser les prix du brut dans le marché mondial et faire face au complot qui se trame contre les pays producteurs et auquel participent certains pays musulmans». Des assurances qui ont certainement dû conforter le ministre algérien de l'Energie, Salah Khebri, qui avait reçu, la veille, le vice-ministre iranien du Pétrole, Amir Hussein Zamani Nya. A cette occasion, Salah Khebri avait affirmé que l'Algérie poursuivra sa démarche visant à trouver un consensus au sein de l'Opep pour stabiliser les cours du pétrole. «Nous continuerons à militer pour que les choses changent», soulignait Salah Khebri, regrettant le fait que la dernière réunion de l'Opep, tenue début décembre à Vienne, n'ait abouti à aucun consensus dans ce sens. Rappelons que l'organisation avait décidé en effet de maintenir inchangé le plafond de production, dans un marché déjà plombé par une surabondance de l'offre. Actuellement, les cours évoluent bien au-dessous des 40 dollars le baril, soit leur plus bas niveau depuis plusieurs années. En outre, M. Khebri affirmait que l'Algérie reste sur sa position visant à défendre les intérêts «communs» des pays exportateurs de pétrole, qu'ils soient membres de l'Opep ou pas. «Cette organisation avait été créée pour défendre les intérêts, individuels et collectifs, des pays membres. Mais, malheureusement, cet aspect collectif a été ignoré jusqu'ici», déplorait encore M. Khebri. Ce faisant, l'Iran qui partage «la même position» concernant le marché pétrolier et qui consiste à défendre les intérêts des pays exportateurs, traduira-t-il réellement cette convergence sur le terrain ? Une telle convergence de vues ne relèverait-elle que du discours diplomatique convenu ? Le questionnement se pose. En effet, la République islamique ne semble pas remettre en cause son objectif de consolidation de sa production d'hydrocarbures, dans un contexte où l'accroissement de l'offre a justement encouragé l'écroulement des cours. L'Iran qui produit actuellement plus de 2 millions de barils par jour de pétrole, est susceptible en effet d'augmenter sa production de pétrole, par un apport de l'ordre d'un million de barils par jour dès l'année prochaine, suite à la levée progressive des sanctions internationales. Or, à moins de relever de l'effet d'annonce ou de l'impossible au regard de la vétusté de certaines installations, l'accroissement annoncé de l'offre iranienne contredirait la velléité d'œuvrer à stabiliser le marché. Et donc irait a contrario de la convergence irano-algérienne, au-delà du satisfecit exprimé concernant la position «honorable» de l'Algérie à l'égard de la conclusion en juillet 2015 de l'accord international sur le nucléaire civil iranien. Relevons, ce faisant, que les deux pays entendent renforcer leur coopération énergétique, notamment dans la production de l'électricité, les hydrocarbures et l'industrie pétrochimique, comme il en a été question lors de l'audience que le ministre de l'Energie avait accordée au vice-ministre iranien du Pétrole, Amir Hussein Zamani Nya, et au ministre iranien de l'Energie (le secteur en charge de l'électricité et de l'eau), M. Tshitshiane. Ainsi, des discussions sont impulsées entre le groupe Sonatrach et la Société nationale du Pétrole de l'Iran, dans le domaine de l'amont et l'aval pétroliers, la pétrochimie, la recherche et développement ainsi que dans la commercialisation du pétrole et du gaz. Comme les deux pays envisageaient la création de sociétés mixtes notamment dans le domaine de la production de l'électricité, des énergies renouvelables et des pièces de rechange. Huit accords de coopération entérinés jeudi dernier Cinq programmes exécutifs de coopération et trois mémorandums d'entente ont été signés jeudi à l'occasion de la tenue de Haute commission mixte algéro-iranienne, co-présidée par le premier ministre, Abdelmalek Sellal, et le Premier Vice-président iranien, Eshaq Jahangiri. Voulus davantage stimuler la coopération bilatérale, ces accords ciblent les domaines de la jeunesse et des sports pour l'exercice 2016-2017, la formation et de l'enseignement professionnels pour la période 2016-2017, la culture pour la période 2016-2018, les travaux publics, ainsi que celui de l'enseignement supérieur et la recherche scientifique pour la période 2016-2018. Les gouvernements des deux pays sont, en outre, désormais liés par trois mémorandums d'entente et de coopération dans les domaines de la justice, des affaires étrangères et enfin de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Pour rappel, la première session de la Haute commission mixte algéro-iranienne s'était tenue en 2010 à Téhéran, et avait été sanctionnée par la signature de 11 conventions et mémorandums d'entente dans divers domaines de coopération. Ces conventions avaient porté sur l'investissement, l'agriculture, l'habitat, la justice, la santé, l'enseignement supérieur et la recherche scientifique ainsi que la jeunesse et les sports. En vue d'insuffler une nouvelle dynamique à la promotion de la coopération dans le domaine des investissements, les deux pays avaient signé trois mémorandums d'entente. Le premier concerne la création d'un conseil mixte des hommes d'affaires, le deuxième a été conclu entre l'Agence nationale de développement des investissements (ANDI) et l'organisme iranien en charge des investissements et de l'assistance technique et économique, alors que le troisième mémorandum d'entente porte sur la création d'un fonds algéro-iranien. En matière économique également, les deux pays avaient signé deux mémorandums d'entente dans les secteurs agricole et de l'habitat. S'agissant du transport maritime, les deux parties avaient signé un mémorandum d'entente portant jumelage des ports de Béjaïa (Algérie) et d'Al Khomeiny (Iran). C. B. Sellal prône des partenariats «forts» Intervenant lors du premier forum économique bilatéral, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a invité les hommes d'affaires algériens et iraniens à développer des partenariats «forts» dans les secteurs de l'agriculture, l'industrie, les mines et les technologies de l'information et de la communication. De son côté, le premier vice-président iranien a fait état de la disponibilité des entreprises de son pays à «contribuer à la réalisation des projets économiques lancés par l'Algérie notamment dans les domaines de l'industrie automobile, les routes, l'agriculture, l'industrie et les mines et la pétrochimie». Relevons dans ce contexte que le comité mixte algéro-iranien de l'industrie devra être relancé d'ici juin 2016 pour instaurer un mécanisme régulier de coopération industrielle entre les deux pays, indiquait jeudi dernier le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdesselam Bouchouareb. Créé en 2003 par le bais d'un mémorandum d'entente industrielle entre l'Algérie et l'Iran mais qui n'a pas fonctionné depuis quelques années, ce comité va constituer un «mécanisme efficace» de coopération industrielle entre les deux parties, et ce, notamment en matière d'investissement, expliquait le ministre. De son côté, le ministre des Transports, Boudjemaa Talai, indiquait également mercredi que l'Algérie et l'Iran sont en discussion pour la création d'une ligne aérienne, Alger-Téhéran, et une autre maritime, des accords de coopération devant être signés prochainement en ce sens.